Xavier Ouellet est très honnête. Quand on lui a confié le «C» de capitaine du Rocket de Laval, sa première réaction a été: «Ah ouin? Ok...»

Une hésitation normale, dans les circonstances. C'est que le rôle de capitaine dans la Ligue américaine a parfois des allures de cadeau empoisonné. Cette lettre sur l'uniforme peut rapidement devenir un stigmate, le symbole ultime que ta carrière s'arrêtera dans l'antichambre de la LNH.

C'était le cas, par exemple, pour Byron Froese, que peu de gens voyaient comme un habitué du grand club.

C'est pour cette raison que Ouellet a hésité quand on lui a proposé le poste. Il s'est posé la question: était-ce là que le Canadien de Montréal le placerait, à tout jamais, dans son organigramme? Serait-il à jamais étiqueté comme un bon joueur de Ligue américaine, mais rien de plus qu'une roue de secours de la LNH?

Il prend quelques secondes avec de répondre.

«La façon dont Joël [Bouchard, l'entraîneur du Rocket] me l'a présenté, il n'y avait pas de raison de dire non, a expliqué Ouellet. Le message était clair que ça ne changeait rien à mon but de retourner dans la LNH. Ce n'était pas: "On va te mettre capitaine parce qu'on veut que tu restes à Laval jusqu'à la fin de ta carrière." Le message était: "On a une jeune équipe et avec l'impact que tu as eu, c'est un choix évident." Quand tu le regardes comme ça, c'est positif pour mon CV d'athlète. Quand j'ai compris cette version de la décision, ç'a été facile de tirer de la fierté de ce nouveau rôle.»

Ouellet avait gagné sa place avec le Canadien au début de la saison. Son brio a même poussé sur la voie d'évitement un vétéran défenseur comme Karl Alzner. Quelques défaillances lui ont ensuite valu d'entrer dans la fameuse rotation de Claude Julien. Sauf que Ouellet a mal répondu, et il s'est retrouvé dans les gradins pour sept matchs, avant d'être rétrogradé dans la Ligue américaine.

Sur le coup, Bouchard a admis qu'historiquement, Ouellet répondait mal au fait d'être laissé de côté, et qu'il voulait améliorer cet aspect du joueur. Dans la Ligue américaine, le Québécois a retrouvé son aisance avec une quinzaine d'excellents matchs à son arrivée. C'est plus difficile depuis une dizaine de matchs, selon l'analyste du 91,9 Sports Raphaël Doucet, qui suit les activités quotidiennes du Rocket. Ouellet essaie parfois de trop en faire à un moment où le Rocket rêve encore, même de loin, aux séries. Dans tous les cas, le voici avec 19 points en 29 matchs dans la Ligue américaine.

«J'aimerais en faire plus. Quand tu joues, tu joues pour gagner. Je peux avoir un match d'un but, une passe et +2, mais si je perds 3-2, je ne suis pas satisfait. Ce n'est pas une question de statistiques personnelles, c'est une question de succès collectif. Dernièrement, on trouve le moyen de rester plus souvent dans le match et d'offrir un solide 60 minutes pour se donner une chance de gagner.»

La saison prochaine

En choisissant Ouellet comme capitaine, Joël Bouchard a affiché ses couleurs. Il connaît bien le défenseur pour avoir été son entraîneur au junior. Quand le premier capitaine de l'histoire du Rocket, Byron Froese, a été échangé, Bouchard a immédiatement fait part de ses intentions à Marc Bergevin. La candidature s'est imposée d'elle-même.

«Xavier a eu un impact dans les matchs, mais aussi, il est respecté de tout le monde, a dit Bouchard. Il a déjà été capitaine [au junior]. Ça change les perspectives. Dans sa relation avec les joueurs et avec le groupe d'entraîneurs, il est parfait pour ce qu'on veut faire. C'est noir ou c'est blanc. Je voulais avoir une ligne directrice, comme depuis le début de la saison.»

Dans un très jeune groupe comme celui du Rocket, Ouellet a rapidement pris sa place. À 25 ans, il a déjà des allures de vétéran auprès des Jake Evans (22 ans), Lukas Vejdemo (23 ans) et Alexandre Alain (22 ans), qui en sont à leurs débuts professionnels en Amérique du Nord. 

Auprès de Cale Fleury (20 ans) aussi, qui est devenu son partenaire régulier à la ligne bleue. Ouellet n'hésite jamais à répondre aux questions du jeune espoir, en qui il se revoit quelques années plus tôt.

«Je suis là depuis pas trop longtemps. J'ai juste 25 ans, rappelle Ouellet en riant. C'est encore frais dans ma mémoire, mes premières années. Avec un groupe jeune comme ça, c'est de mener par l'exemple. Quand ils regardent des gars comme Karl Alzner, comme Alex Belzile, qui se présentent chaque jour, ça les inspire.»

Maintenant, qu'est-ce que tout ça veut dire pour l'an prochain? Ouellet redeviendra joueur autonome à l'été. Il est prêt à se laisser une autre chance de faire sa place avec le Canadien, mais plus que tout, il cherche une occasion de jouer dans la LNH. Il admet tout de même que ce ne serait pas une décision facile de quitter le Québec. Il est enfin de retour auprès des siens et sa conjointe, originaire du Michigan, s'est parfaitement intégrée à sa nouvelle vie.

«Je ne veux pas y penser, mais c'est sûr que ça te passe dans la tête. J'essaie donc de me concentrer sur le défi ici. Les six prochains matchs vont dicter le reste de la saison. Je veux continuer à m'améliorer, j'ai beaucoup de temps de glace. À la fin de la saison, j'y penserai. Je veux retourner dans la LNH. Si j'ai la chance de le faire à Montréal, j'ai adoré ça, j'aimerais trouver un moyen de retourner là-bas. C'est dur à dire, je ne sais pas ce qui va arriver.»