Par souci de rigueur journalistique, commençons immédiatement par un bémol. Les Red Wings de Detroit, comment le dire sans brusquer personne... sont mauvais. Très mauvais. Épouvantables. C'est une équipe en reconstruction, qui prend l'eau à chaque étage, et à qui il manquait hier les quatre premiers défenseurs.

Et qui a conséquemment perdu ses six premiers matchs. Une fois que c'est dit, le Canadien n'a pas démérité avec une victoire de 7-3. Au compteur, l'équipe est maintenant à 7 points sur une possibilité de 10. Elle avait eu besoin de 11 matchs la saison dernière pour en obtenir autant.

On a beaucoup parlé du nouveau style de jeu du Canadien, rapidité, récupération de rondelles, échec avant. Vous connaissez le refrain. On a aussi beaucoup parlé de l'attitude renouvelée, l'esprit de corps qui s'est créé chez le Canadien.

On parle moins de la raison sous-jacente de ce renouveau, la rancoeur. La fameuse «chip on the shoulder», comme nous l'a dit Paul Byron à Pittsburgh quand le Canadien avait déjà déjoué la plupart des pronostics. Tout l'été à chaque tournoi de golf caritatif, fois après fois depuis le début de la saison, on nous a répété la volonté de «surprendre beaucoup de monde».

Si on ne l'a pas entendu 10 fois, venant de 10 bouches différentes, on ne l'a jamais entendu. C'est le sentiment qui habite forcément chaque athlète humilié, comme le Canadien l'a été la saison dernière, et ça peut donner une énergie insoupçonnée. Jusqu'ici, le Canadien en profite. Comme les Golden Knights de Vegas l'avaient fait la saison dernière en assemblant un groupe de joueurs rejetés par leur ancienne équipe.

Claude Julien est à même de le constater et il n'ose même pas commencer à dresser la liste de ce qui est différent par rapport à la saison dernière.

«Je ne peux pas rentrer là-dedans. Je pourrais te nommer 10 choses qui sont différentes. On en contrôle certaines, certaines autres non, comme les blessures. En ce moment, on se concentre sur ce qu'on a sous la main, et ce qu'on a est qu'on croit en nous-mêmes. On comprend que l'on doit travailler fort pour gagner des matchs, et c'est ce qu'on fait.»

Tatar, Drouin, Ouellet

On dirait que chaque soir, quelqu'un de nouveau a quelque chose à prouver, et c'est toute l'équipe qui en profite. Trois exemples dans le match d'hier: Tomas Tatar, Jonathan Drouin, Xavier Ouellet.

Tatar s'est retrouvé à Montréal après avoir été laissé de côté plus souvent qu'à son tour avec les Golden Knights la saison dernière. Il était toujours en retrait d'une équipe qui marquait l'histoire. Quand il a été échangé au Canadien contre Max Pacioretty, on soulignait surtout l'acquisition de l'espoir Nick Suzuki. Marc Bergevin lui-même avait déclaré que c'était la pièce maîtresse de la transaction. Difficile de ne pas se sentir visé. Hier, Tatar a inscrit un but et deux aides, et son trio avec Phillip Danault et Brendan Gallagher a mené la charge.

«Je me posais des questions, a reconnu Tatar. Je n'avais rien à prouver, mais je voulais être meilleur. Cela dit, je ne regarde pas mon passage à Vegas avec frustration, je suis heureux de repenser à mon parcours là-bas. Mais je suis ici maintenant et je suis heureux de jouer pour une organisation comme celle-ci, devant ces partisans. C'est agréable quand ça va bien.»

Il y a Drouin aussi, arrivé à Montréal par la grande porte dans un échange contre le meilleur espoir défensif de l'équipe, Mikhail Sergachev. Il a déçu à sa première saison dans le bleu-blanc-rouge, avec 46 points et une rude courbe d'apprentissage au centre. Sa deuxième saison ne commençait guère mieux, ce qui lui avait valu un mea culpa. Hier, il a inscrit deux buts pour démarrer la machine, dont un superbe sur un tir de pénalité.

Puis Xavier Ouellet, qui affrontait son ancienne équipe. Celle qui ne lui a jamais fait une véritable place dans ses rangs en cinq saisons. Il affrontait son ancien entraîneur, avec qui la relation, de toute évidence, n'était pas chaleureuse.

Dans un match inspiré à la défense, il a aussi laissé tomber les gants contre Tyler Bertuzzi. Ce dernier venait de frapper Drouin, visiblement blessé après avoir reçu une rondelle sur un pied. Drouin portait d'ailleurs un sac de glace dans le vestiaire après le match.

«On a un bon groupe, tout le monde le ferait l'un pour l'autre, a dit le défenseur québécois. Je n'ai pas hésité, j'ai réagi selon ce que je jugeais que je devais faire.»

Chaque match, il y a de ces histoires chez le Canadien. Des histoires de rédemption, de joueurs qui ont tout à prouver. La proverbiale «chip on the shoulder», dont on cherche toujours une traduction française adéquate. C'était le cas hier contre les Red Wings, ce le sera encore souvent cette saison.

Prochain match: Blues de St. Louis c. Canadien, demain soir (19h) au Centre Bell

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En hausse: Jonathan Drouin

Il n'avait pas connu de match de deux buts depuis qu'il est avec le Canadien. Et il avait lui-même admis qu'il devait en donner plus. Juste pour ça, nous allons lui décerner notre mention.

En baisse: Joel Armia

Il a fait une belle manoeuvre pour mener au 7e but, celui de Paul Byron, avec moins de deux minutes à faire. C'est vrai. Mais on l'a cherché sur la glace pendant les 58 autres minutes.

Le chiffre du match: 20 323

Le nombre de spectateurs hier soir au Centre Bell. Officiellement, le Canadien n'a pas annoncé une salle comble pour ce troisième match à domicile cette saison.