Le Canadien repêchera au troisième rang au prochain repêchage. À cette position, trois noms reviennent dans les discussions: Andrei Svechnikov, Filip Zadina et Brady Tkachuk. Cette semaine, La Presse vous présentera ces trois ailiers. Aujourd'hui: Tkachuk.

Interviewez tout entraîneur junior ou universitaire à l'approche du repêchage et il vous vantera son protégé comme s'il était le prochain Mario Lemieux. Rien de plus normal: pour ces entraîneurs, ces espoirs sont souvent leurs meilleurs éléments. C'est sans oublier qu'un joueur repêché haut, c'est bon pour le programme, et pour ceux qui l'ont formé...

C'est avec ces mises en garde qu'on s'aventure dans le bureau de David Quinn, entraîneur-chef des Terriers de Boston University, pour une entrevue au sujet de Brady Tkachuk, un espoir du prochain repêchage. Tkachuk fait partie d'un trio d'attaquants pressentis pour les rangs 2 à 4, mais aux yeux de plusieurs, Andrei Svechnikov et Filip Zadina lui sont supérieurs.

Dans une conversation à bâtons rompus, on en vient à parler du repêchage de 2016, lors duquel le défenseur Charlie McAvoy, que Quinn dirigeait alors depuis deux ans, a été réclamé par les Bruins.

«Cette année-là, les gens me disaient qu'il y avait deux ou trois autres défenseurs supérieurs à McAvoy. Je leur disais que c'était impossible!»

Les premiers défenseurs réclamés cette année-là?

 - Olli Juolevi (5e), qui a joué en ligue finlandaise cette saison;

 - Mikhail Sergachev (8e), qui a amassé 40 points avec le Lightning, mais dans un rôle limité (15 minutes par match);

 - Jake Bean (13e), qui a passé la dernière saison dans les rangs juniors;

 - McAvoy (14e), qui a produit au même rythme que Sergachev, mais en jouant 22 minutes par match, comme un défenseur de premier duo.

Voilà qui donne un brin de crédibilité à notre intervenant...

«Je sais que le défenseur suédois [Rasmus Dahlin] va sortir en premier, il est assez clairement le numéro 1. Je ne veux pas manquer de respect envers les autres, mais je ne peux pas croire que Brady ne sortira pas au deuxième rang.»

«On a eu McAvoy, Clayton Keller et Jack Eichel ces dernières années. On a vu des espoirs de haut niveau. Et à mes yeux, quand les séries commencent, je veux Brady Tkachuk dans mon équipe.»

Plus qu'un attaquant de puissance

Brady Tkachuk est le fils de Keith Tkachuk et le frère de Matthew Tkachuk. Aucun doute, il devrait être parmi les cinq premiers joueurs réclamés en juin à Dallas. La Centrale de recrutement de la LNH l'a classé au deuxième rang parmi les espoirs qui évoluent en Amérique du Nord.

S'il est classé aussi haut, c'est qu'il fait déjà partie des meilleurs de son équipe au collège, même s'il n'a que 18 ans.

«Ce dont on ne parle pas assez à son sujet, c'est son sens du hockey, ses talents de fabricant de jeux, ses mains, résume Quinn. C'est un fabricant de jeux.

«Les gens tombent amoureux du nom Tkachuk en raison de la robustesse. Mais Brady a tous les outils. Son coup de patin est très bon. Il perd un peu de vitesse en fin de présence, mais c'est parce que c'est encore un ado. Quand ses jambes et ses fesses vont grossir, il n'aura plus ce problème.»

Keith Tkachuk a connu une carrière spectaculaire, qui se résume en deux chiffres : 2219 minutes de pénalité, 538 buts. D'un coup d'oeil, on constate pourquoi il a été l'un des meilleurs attaquants de puissance de sa génération.

Matthew Tkachuk est intéressant à suivre chez les Flames de Calgary, qui l'ont repêché au sixième rang en 2016. Mais au-delà de ses 49 points en 68 matchs cette saison, on retient ses trois suspensions.

Brady Tkachuk possède certainement cette robustesse en lui, si on se fie à ses minutes de pénalité. En 2016-2017, il en a totalisé 129 en 61 matchs avec le programme américain de développement. Cette saison, il en a totalisé 61 en 40 matchs avec Boston University.

«Matthew et moi avons appris ça de notre père, explique Brady. On était petits, on jouait, c'était toujours compétitif et ça se terminait souvent en bataille! Après, c'était oublié. Matthew et moi sommes à notre mieux quand nous jouons dur, quand nous faisons perdre les pédales aux adversaires, quand nous jouons sur la limite, sans la dépasser.»

«Il a peut-être pris trois mauvaises pénalités cette saison, pas plus, se défend Quinn. C'est un joueur qui carbure à l'émotion et tu ne veux pas lui enlever ça. Mais il a été très discipliné.»

Mais il y a des indices qui laissent croire qu'on a effectivement affaire à un joueur différent. D'abord, sa charpente, à 6 pi 3 po et 197 lb.

«Il n'est pas bâti comme Keith et Matthew. Keith avait de grosses jambes et un gros derrière. Brady est plus grand, plus mince, il a de longues jambes, son centre de gravité est plus haut. Mais il a de la place pour grossir.»

En avantage numérique, plutôt que de jouer devant le filet, là où on s'attend à voir un Tkachuk, c'est plutôt aux oreilles, le long de la bande (half-wall), qu'on lui demande de se poster. «Au début, je voulais donner ce rôle à nos plus vieux. Mais assez vite, j'ai réalisé que Brady devait être plus impliqué. Maintenant, il est plus libre. Notre avantage numérique fonctionne très bien depuis qu'il est le long de la bande.»

Brady Tkachuk accepte son rôle sans maugréer. Mais la pomme ne tombe jamais loin de l'arbre, et même s'il possède des qualités différentes du paternel et du fraternel, il admet que la circulation lourde lui manque parfois.

«J'aime aller au filet, faire dévier les rondelles. En jouant près de la bande, ça me donne une perspective différente, d'autres jeux à faire. Ça m'a aidé à devenir plus créatif», convient-il.

Les valeurs

Quand on rencontre Brady Tkachuk, on a affaire à un jeune homme sûr de lui, courtois, qui regarde son interlocuteur dans les yeux. Dans l'entourage de l'équipe, on le décrit comme un garçon attachant, un genre de meneur autour de qui ses coéquipiers gravitent naturellement.

«Mon père m'a toujours donné les mêmes conseils: compétitionne, sois un bon coéquipier et assure-toi de bien traiter tout le monde. J'essaie d'appliquer ça au quotidien», explique-t-il.

On sent d'ailleurs ses valeurs familiales bien imprégnées quand on lui parle. Par exemple, quand il explique pourquoi il est venu à Boston University, comme son père et contrairement à son frère, qui a opté pour London.

«Mes grands-parents, mon oncle et ma tante habitent dans les environs, donc j'y vais une fois par semaine pour faire mon lavage et pour avoir un bon repas maison.»