C'est une fois au volant, entre le Staples Center et son domicile temporaire à Los Angeles, quelques heures après l'élimination des Kings, que la réalité a frappé Vincent Lecavalier de plein fouet, il y a deux mois.

«J'avais quitté le stationnement de l'aréna depuis une trentaine de minutes, j'avais eu le temps de commencer à réfléchir, a confié Lecavalier au bout du fil, mardi. C'est arrivé d'un coup. J'étais comme en état de choc, dans une zone où je n'étais jamais allé avant dans ma vie.

«J'étais seul dans l'auto, je regardais devant moi, le regard vide. D'habitude je mets de la musique dans l'auto, mais là, je n'en avais pas mis. Tu réalises beaucoup de choses: tu ne conduiras plus jamais vers un aréna en tant que joueur, tu n'auras plus la chance de côtoyer tes coéquipiers ou de t'en faire de nouveaux, plein de choses m'ont traversé l'esprit, c'est vraiment là que j'ai réalisé que c'était fini.»

Le secret le moins bien gardé du hockey s'est confirmé mardi lorsque l'ancien capitaine du Lightning de Tampa Bay a annoncé officiellement sa retraite, à 36 ans.

«La saison est terminée depuis deux mois et je n'ai jamais eu de remise en question. C'est une décision que j'avais en tête au début de la saison. Je suis prêt pour ça. C'est dur psychologiquement de jouer 82 matchs toutes les saisons. Je voulais aussi penser à la famille davantage. J'étais mûr pour la retraite.»

Vincent Lecavalier aura eu une carrière bien remplie: une Coupe Stanley, un trophée Maurice-Richard remis au meilleur buteur, deux saisons de plus de 90 points, dont une de 108 points en 2007-2008, une victoire en Coupe du monde avec en prime le titre de joueur par excellence.

Il était à seulement 51 points du total de 1000 en carrière.

«Avec les deux années à Philadelphie, je ne pensais plus aux 1000 points. Je voulais juste bien finir ma carrière et j'ai eu la chance d'aller à Los Angeles [un peu avant la date limite des transactions]. J'ai bien joué avec les Kings, mais ça n'a rien changé, je savais que c'était terminé.»

Lecavalier savait avant le cinquième match de la série de première ronde contre les Sharks qu'il pouvait très bien s'agir de son dernier match en carrière.

«Il fallait être réaliste. On tirait de l'arrière 3-1 dans la série. On ne sait jamais ce qui peut arriver dans un match. Tu espères ne pas perdre parce que tu sais que c'est ton dernier match, et on est revenu de l'arrière, mais ils ont compté deux ou trois buts en troisième. C'est décevant, difficile, mais c'est la vie. C'est difficile de gagner la Coupe Stanley.

«Il [Darryl Sutter] m'a mis sur la glace à la toute fin avec 20 secondes à faire et j'ai vraiment apprécié. Mais il ne s'est pas passé grand-chose, on savait qu'on allait perdre et ils ont dégagé la rondelle, je tournais autour, j'appréciais juste d'être là, ma dernière présence en carrière.»

Un regret? «J'aurais aimé gagner une Coupe Stanley cette année parce que mes enfants sont à un âge où ils auraient pu le réaliser. Je pensais pouvoir le faire avec les Kings. Quand tu as une famille, des enfants, tu veux réussir des choses pour le montrer. Gagner la Coupe Stanley demeure inoubliable, mais je ne l'ai pas vécu avec les enfants.»

Que ferait-il différemment dans sa carrière? «J'ai toujours essayé de prendre les meilleures décisions possible. Ça ne peut pas toujours être les meilleures décisions. Comme d'aller à Philadelphie, ça n'a pas tourné en ma faveur, mais j'y étais allé pour une raison, pour la chimie avec l'entraîneur [Peter Laviolette], et il a été congédié après quelques matchs dans la saison. Ç'a été l'une de mes plus grandes décisions à prendre en carrière, j'avais deux jours pour y penser, mais au moins, ça m'a amené à Los Angeles.»

Lecavalier s'est joint aux Flyers en 2013 après avoir vu le Lightning racheter son contrat. Il aura joué sporadiquement après le renvoi de Laviolette, jusqu'à ce que les Flyers l'échangent aux Kings en janvier.

Il a hésité entre trois clubs. «Plusieurs clubs ont démontré de l'intérêt, mais Philadelphie, Dallas et Montréal étaient les trois avec lesquels je voulais discuter plus sérieusement. J'ai vraiment senti une belle complicité avec Peter Laviolette. Ça aurait été le fun en tant que Québécois de jouer à Montréal, et ç'a été une décision difficile, mais je ne peux pas revenir en arrière.»

Lecavalier dit ne jamais avoir eu autant de plaisir que lorsqu'il a composé un trio avec Martin St-Louis et Vinny Prospal pendant deux saisons à Tampa. Il a alors amassé 92 et 108 points. On a séparé Lecavalier de St-Louis pour jumeler Brad Richards à St-Louis, et le premier choix au total en 1998 n'a jamais pu connaître autant de succès.

«Ç'a été les deux plus belles saisons de ma carrière. Martin m'a envoyé un texto ce matin et on se rappelait à quel point on avait eu du plaisir à jouer ensemble.»

Vincent Lecavalier n'a pas de plan précis à court ou moyen terme. «Je ne veux pas m'embarquer dans rien. Je veux passer du temps avec les enfants, voyager, rester à la maison avec eux et les suivre dans leurs activités. Sinon, côté professionnel, je ne sais pas encore ce que je veux faire. Je vais m'éloigner du hockey pendant un an et ensuite, on verra.»