«Monsieur Hockey» n'est plus. Gordie Howe, qui a hérité de ce surnom en raison de ses innombrables exploits mais aussi de sa durabilité et de son impact sur le sport au Canada et aux États-Unis, est décédé, vendredi matin, entouré des membres de sa famille. Il était âgé de 88 ans.

Né le 31 mars 1928 à Floral, un modeste village de la banlieue de Saskatoon, Gordie Howe est considéré à juste titre comme une légende du hockey et, selon de nombreux observateurs, coéquipiers et rivaux, le plus grand hockeyeur de tous les temps.

Sa glorieuse carrière professionnelle s'est échelonnée sur 32 saisons complètes réparties sur six décennies, une longévité inégalée dans les annales du hockey.

Lors de ces 32 saisons, dont 26 dans la Ligue nationale de hockey, Howe a disputé 2187 matchs de saison régulière, totalisé 975 buts et 1383 mentions d'aide pour un grand total de 2358 points. À ce dossier s'ajoutent 231 points, dont 96 buts, en 235 rencontres des séries éliminatoires.

En 1767 rencontres dans la LNH, l'ex-ailier droit a inscrit 801 buts, un total que seul Wayne Gretzky (894) a surpassé, et amassé 1850 points, bon pour le troisième rang dans l'histoire du circuit derrière Gretzky (2857) et Mark Messier (1887).

«L'un de mes objectifs était d'avoir une longue carrière. Je pense bien l'avoir atteint!», avait-il lancé, un jour.

Au-delà de cette longévité, Howe a fait preuve d'une remarquable régularité, terminant chaque année parmi les cinq premiers marqueurs de la LNH entre 1949 et 1969. Il a également marqué au moins 20 buts lors de 22 saisons consécutives, entre 1949 et 1971, un record de la LNH.

«De jouer à un tel niveau et aussi longtemps est absolument incroyable, a déjà déclaré Gretzky, qui a choisi le numéro 99 en l'honneur de Howe, son idole de toujours. Aucun joueur ne pourra répéter ce que Gordie a accompli au hockey.»

Nullement effrayé par le jeu robuste, bien au contraire, Howe a également totalisé 2084 minutes de punition, dont 1685 dans la LNH.

Son style de jeu et son talent offensif ont d'ailleurs donné naissance à l'expression «Tour du chapeau à la Gordie Howe», lorsqu'un joueur récolte un but, une passe et une pénalité majeure pour s'être battu lors d'un même match.

Mais à l'extérieur de la patinoire, il était reconnu pour sa grande gentillesse et son humilité. Il parlait toujours sur un ton posé, sans la moindre once d'agressivité. Il était même timide.

«Aussi bon fut Gordie sur la patinoire, il a surpassé ces exploits comme être humain», a déjà témoigné le grand défenseur Bobby Orr.

Indéniablement associé aux Red Wings de Detroit, avec lesquels il a joué de 1946 à 1971, Howe a mené l'organisation à quatre conquêtes de la Coupe Stanley, en 1950, 1952, 1954 et 1955, et à la grande finale sept autres fois.

Avec les Red Wings, il a remporté six fois chacun les trophées Art-Ross (meilleur marqueur) et Hart (joueur par excellence). Il a été nommé au sein des équipes d'étoiles en 21 occasions, dont 12 fois sur la première constellation.

Ennuyé par des malaises chroniques à un poignet, il a pris sa retraite à l'issue de la saison 1970-1971.

«Lorsque Gordie est arrivé dans la LNH, le hockey était un sport canadien. Il l'a converti en sport nord-américain», avait déclaré Clarence Campbell, alors président de la LNH en commentant le départ de Howe.

Mais à peine deux ans plus tard, Howe surprend le monde du hockey et effectue un retour au jeu pour le moins émotif, en se joignant aux Aeros de Houston, de l'Association mondiale de hockey, afin d'évoluer avec ses fils Marty et Mark.

«Lorsque je pense aux moments qui m'ont procuré le plus de joie en carrière, c'est Houston, avait-il confié. Sans mes fils, je ne serais jamais revenu. Ils ont ramené l'élément plaisir.»

Au-delà du désir de jouer avec ses fils, Howe démontre qu'il peut encore tenir son bout sur une patinoire. Il marque au moins 30 buts à chacune de ses trois premières saisons dans l'AMH, au cours desquelles il amasse 100, 99 et 102 points, respectivement. À l'issue de sa première saison dans l'AMH, il est nommé le joueur le plus utile à son équipe.

Lors d'une série de huit rencontres contre l'équipe nationale de l'Union soviétique à l'automne de 1974, alors qu'il était âgé de 46 ans, Howe termine au quatrième rang des marqueurs du tournoi avec sept points, le même nombre que les étoiles soviétiques Valeri Kharlamov et Vladimir Petrov, et un de moins qu'Alexander Yakushev.

Ce deuxième volet de sa carrière prend fin avec les Whalers de Hartford, dans la LNH, en 1979-1980 au vénérable âge de 52 ans. Lors de cette saison, il prend part aux 80 matchs de son équipe et récolte 41 points, dont 15 buts.

Howe dispute un dernier match professionnel le 3 octobre 1997 avec les Vipers de Detroit, dans la Ligue internationale de hockey. Il n'effectue qu'une seule présence sur la glace, mais c'est suffisant pour faire de cet incomparable athlète l'unique hockeyeur à avoir évolué sur la scène professionnelle lors de six décennies consécutives.

Gordie Howe a été intronisé au Temple de la renommée du hockey en 1972. Un stade de football porte son nom à Saskatoon, ainsi que la rue menant à la principale aréna de cette ville.

Howe laisse dans le deuil ses quatre enfants, Marty, Mark, Cathy et Murray. Ce dernier est seul de ses fils à ne pas avoir joué au hockey professionnel, choisissant plutôt de devenir un médecin.

L'épouse de Howe, Colleen, avec laquelle il a été marié pendant plus de 50 ans et qui a été sa gérante d'affaires, est décédée en mars 2009.

Agressivité démesurée

Quatrième d'une famille de neuf enfants, Howe a passé une partie de ses étés à travailler dans le domaine de la construction avec son père, une besogne qui l'a aidé à développer la solide musculature qui l'a aidé à devenir un joueur si dominant.

Sur la glace, il était un patineur plus rapide qu'il en donnait l'impression et il était ambidextre, ce qui l'aidait à mieux manier le bâton.

À l'âge de 15 ans, il profite d'un essai avec les Rangers de New York, à Winnipeg, mais ne reçoit aucune offre. Mais un an plus tard, Fred Pinckney, un dépisteur à l'emploi des Red Wings, lui fait signer un contrat et l'envoie à un club-école de niveau junior à Galt, en Ontario.

À son premier camp d'entraînement professionnel, à l'âge de 17 ans, il cherche noise à quiconque bouge sur la glace, au point où l'entraîneur-chef Jack Adams doit le sermonner et lui conseiller de choisir le moment approprié pour jeter les gants.

«Dieu merci! s'est plus tard exclamé Howe. Que serais-je devenu s'il n'était pas intervenu? Je n'aurais jamais duré. Je me serais battu contre tout le monde. Il m'a appris à jouer avec une agressivité contrôlée.»

Après une saison avec le club-école des Red Wings à Omaha, Howe amorce sa carrière dans la LNH en 1946, à l'âge de 18 ans. Il marque un but à son premier match.

«Je n'avais pas de grandes attentes, a-t-il déjà dit au sujet de son année recrue. J'espérais seulement durer une saison.»

En 1950, sa carrière et même sa vie sont menacées lorsqu'il est victime d'une fracture du crâne lors du premier match de la demi-finale, face aux Maple Leafs de Toronto. Howe sort de l'hôpital à temps pour assister au triomphe décisif de ses coéquipiers face aux Rangers de New York, à l'Olympia de Detroit.

La saison suivante, l'indestructible Howe remporte le premier championnat des marqueurs de sa carrière avec une récolte de 86 points, 20 de plus que Maurice Richard, son plus proche poursuivant.

Howe deviendra alors un prolifique marqueur, dominant la ligue à cinq reprises au chapitre des buts. Mais étrangement, il n'atteindra jamais le plateau magique des 50 buts lors d'une saison. Et pourtant, il aurait pu en 1952-1953.

En fin de campagne, fort d'un total de 49 buts, il a préféré faire une passe à son coéquipier Alex Delvecchio plutôt que de loger la rondelle dans une cage déserte.

«Il est le plus grand joueur d'équipe qu'il m'ait été donné de voir», a affirmé Bob Goldham, un ancien coéquipier.

«Même lors d'une échappée, vous pouviez le voir chercher un coéquipier à qui faire une passe. Et il était tout aussi généreux de son temps. Lorsque le club s'entraînait, il était toujours le premier sur la glace, et le dernier à quitter.»