Quand Alain Vigneault prendra place derrière le banc des Rangers de New York ce soir, ce sera la 992e fois qu'il le fera en tant qu'entraîneur-chef. Pense-t-il se rendre à 1000?

«Dans la ligue, on ne tient jamais rien pour acquis. Mais là, ça devrait aller!», lance à la blague Vigneault, au bout du fil.

Ça devrait aller, parce que ses Rangers connaissent un succès boeuf depuis son arrivée à Manhattan. Une présence en finale de la Coupe Stanley en 2014, une élimination en finale d'association le printemps dernier. Bref, le 11 décembre prochain, à Edmonton, il dirigera le 1000e match de sa carrière dans la Ligue nationale.

Il deviendra le 23e entraîneur de l'histoire à atteindre ce chiffre, le septième parmi ceux qui sont toujours actifs.

«Quand les Canucks m'ont embauché, il y a 10 ans, j'étais juste content de revenir dans la LNH, et là, je me rends à 1000 matchs! raconte Vigneault à La Presse. J'en suis fier, mais peut-être encore plus fier des 500 victoires [il a atteint cette marque le 14 février dernier]. Seulement trois entraîneurs se sont rendus là en moins de matchs.

«Je devrais bientôt dépasser Jacques Demers [1007 matchs], qui m'a dirigé à St. Louis pendant ma brève carrière de joueur, et Pat Burns [1019 matchs], qui était mon bon ami. Je les admire. Tous les deux ont gagné la Coupe Stanley, pas moi.»

«Il a dû piler sur son orgueil»

Réjean Houle est celui qui, le premier, a donné sa chance à Vigneault comme entraîneur-chef dans la Ligue nationale. C'était le 26 mai 1997. Houle faisait alors le pari audacieux de confier l'équipe à un jeune homme de 36 ans.

«Je n'ai pas hésité, à cause de son vécu. Tu voyais qu'il était très mature. Un peu comme Paul Maurice», explique Houle.

La suite est bien connue. Vigneault a le malheur de passer pendant une des pires périodes de l'histoire du Tricolore, dans les années qui ont suivi le départ de Patrick Roy. Après deux exclusions de suite des séries, il est congédié le 20 novembre 2000 et amorce alors une longue traversée du désert, marquée notamment par un emploi de dépisteur pour les Blues de St. Louis.

«De juillet 2002 jusqu'à l'appel de la famille Savard, le 26 décembre [pour diriger le Rocket de Montréal dans la LHJMQ], je me retrouvais sans emploi pour la première fois que j'étais dans le hockey! admet Vigneault. Mais la famille Savard m'a donné la chance de faire ce que j'aimais. Soit je faisais ça, soit je me recyclais. Et comme n'importe qui, j'avais des factures à payer, j'avais mes deux enfants.»

«La famille Savard lui a ouvert la porte. Lui, il a dû se reprendre en main en acceptant ça. Il a dû piler sur son orgueil. Mais il en a profité pour rebondir», constate Houle.

Le secret

Pas facile de se maintenir longtemps en poste dans ce métier, surtout dans les marchés à forte pression. Vigneault rappelle d'ailleurs que pendant ses sept saisons chez les Canucks, les autres équipes canadiennes ont vu défiler... 20 entraîneurs!

Comment fait-on pour durer aussi longtemps?

«Ça prend de bons joueurs, ça permet de gagner, et quand tu gagnes, tu as plus de chances de garder ton poste. J'ai été bien chanceux», répond-il tout simplement.

«Il est très amical, les joueurs l'aimaient, estime l'attaquant du Canadien Dale Weise, qui l'a connu à Vancouver. Il défend ses joueurs devant les médias. Ça, ça compte pour beaucoup, à nos yeux. Et il a toujours gagné.»

«Il sera dur, sévère et honnête avec ses joueurs, mais il les respecte, ajoute Alex Burrows, un autre de ses anciens protégés à Vancouver. Et il est juste avec tout le monde. Qu'on soit joueur de quatrième trio ou vedette, il va nous traiter de la même façon.»

La pièce manquante

Au fil de la conversation, la question de la bague de la Coupe Stanley est souvent évoquée. Quand il parle de Demers et de Burns. Quand il parle de ses deux présences en finale, en 2011 avec les Canucks et en 2014 avec les Rangers.

En coulisse, on entend souvent dire que Vigneault n'est pas le genre d'entraîneur qui va s'accrocher jusqu'à l'âge d'or, comme le font certains. Déjà, quand on l'interroge sur son avenir, il parle «d'une année à la fois».

Et s'il avait déjà soulevé le gros trophée, serait-il encore derrière un banc de la LNH?

«Honnêtement, je ne le sais pas, répond-il après une longue hésitation. On a perdu en sept matchs [en 2011]. Mais on était tellement maganés, en avant et en arrière, et les Bruins étaient relativement en santé. J'avais presque perdu toute ma brigade défensive et mon deuxième trio.

«Pour gagner, il faut que tout tombe en place. Tu dois avoir la santé et un peu de chance. Ça fait deux fois qu'on se rend en finale, j'espère que la troisième sera la bonne.»

Son meilleur coup

En bientôt 1000 matchs, Vigneault en a dirigé, des joueurs. Qui croit-il avoir le plus contribué à développer? «Les jumeaux [Sedin]. Quand je suis arrivé à Vancouver, ils étaient jeunes, c'était difficile de dire s'ils étaient vraiment bons. Ils formaient mon deuxième trio au début, mais je les trouvais tellement bons qu'ils ont délogé le premier trio de Markus Naslund et Brendan Morrison. Ils sont devenus l'un capitaine et l'autre assistant, chacun a été meilleur compteur de la LNH. Ils ont été mes bras droits, mon extension dans le vestiaire.»

Photo Lyle Stafford, archives Reuters

Alexandre Burrows et les jumeaux Henrik et Daniel Sedin

Burrows reconnaissant

C'était au printemps 2007. Alexandre Burrows venait de disputer sa première saison complète dans la LNH. Mais en 81 matchs, le Québécois avait amassé à peine neuf points. Lors de leur rencontre de fin de saison, Alain Vigneault lui a parlé dans le blanc des yeux.

«Il m'a dit: "Si tu ne t'améliores pas, si tu ne deviens pas plus fort, si tu n'as pas un gros d'été d'entraînement, tu n'auras pas ta place, l'an prochain." Il n'est pas passé par quatre chemins. À ce meeting-là, il aurait pu me dire bonne saison, et c'est tout. Mais il a pris 15-20 minutes de son temps pour me faire comprendre que je devais hisser mon jeu à un autre niveau, que je devais me dévouer à l'entraînement pour connaître une belle carrière. J'ai vu qu'il croyait en moi.»

Jamais repêché dans la LNH, Burrows compte maintenant 709 matchs d'expérience. «Alex, c'est une des meilleures histoires dans le hockey, quand tu parles de détermination», estime Vigneault.