Avant de se présenter au camp du Canadien, en septembre, Alex Galchenyuk et Brendan Gallagher ont joué les préfets de discipline de la LNH et même simulé une suspension à Brendan Shanahan.

Gallagher et Galchenyuk représentaient le CH dans un groupe d'une trentaine de jeunes vedettes de la LNH. Brendan Shanahan et son groupe voulaient inculquer les notions de respect et de sécurité, un premier pas vers le changement de culture dans le hockey.

«L'élimination des coups dangereux passe par l'éducation, et pour modifier les mentalités à long terme, on cible les jeunes», explique le directeur de la sécurité des joueurs à la LNH, Stéphane Quintal.

«On a demandé à toutes les équipes de nous envoyer leurs deux ou trois meilleurs jeunes pour ces rencontres à Washington, quatre jours avant l'ouverture des camps d'entraînement. Des joueurs qui seraient dans la ligue longtemps.»

Shanahan et ses deux directeurs, Quintal et Brian Leetch, ont proposé une série d'ateliers originaux à ces jeunes vedettes.

«On leur a présenté une vidéo dans laquelle Brendan [Shanahan] assène un coup dangereux qui lui a valu une suspension à l'époque, raconte Quintal. Les jeunes joueurs interviewaient d'abord Brendan pour connaître sa version des faits et ensuite, en sous-groupes, ils devaient réaliser leur propre montage vidéo pour expliquer la décision.»

Gallagher a aimé son expérience. «C'était comique... J'étais avec Galchenyuk et personne n'était capable de s'entendre.»

Quintal a été impressionné par les résultats. «J'ai senti beaucoup d'ouverture d'esprit, je crois qu'un bon travail au préalable avait été fait au junior. On est sur la bonne voie.»

Ce dernier estime que les joueurs ont peut-être oublié l'essence propre de la mise en échec. «Dion Phaneuf et Chris Neil ont la réputation de frapper durement, mais ils n'ont aucun antécédent. L'important, c'est d'avoir un bon synchronisme et d'éviter de frapper un joueur en position vulnérable.»

Les joueurs marginaux font les dégâts

La Presse a analysé toutes les suspensions imposées depuis 2009. Plus de 65% des suspensions des cinq dernières années ont été imposées à des agitateurs, des durs à cuire ou des joueurs marginaux. Par ailleurs, seulement 11,6% des suspensions ont été imposées à des Européens. Enfin, seulement 26% des supensions ont été imposées à des joueurs d'impact.

Conclusion: ce sont les joueurs marginaux, dont la survie dans la LNH ne tient qu'à un fil, qui font le plus de dégâts et contribuent à blesser ceux qui font vendre des billets.

«Ça fait partie de l'éducation, répond Quintal. Souvent, le joueur robuste ou l'agitateur frappe et il ne cherche même pas à récupérer la rondelle. La mise en échec sert pourtant à reprendre possession de la rondelle. Mais dans leur tête, et peut-être à cause de ce que les entraîneurs leur répètent, leur rôle se limite à "compléter" leurs mises en échec. Ce sont eux qu'on voit défiler le plus souvent dans nos bureaux.»

Peut-être serait-il intéressant d'inviter les joueurs marginaux à ces ateliers. «Je ne veux pas m'avancer, mais oui, ce serait une bonne idée et je vais peut-être le proposer à Brendan», dit-il.

L'ancien dur à cuire André Roy, qui a joué pour Pittsburgh, Tampa Bay et Ottawa, entre autres, n'est pas surpris de constater que les joueurs robustes écopent souvent de suspensions puisqu'on leur demande de frapper les meilleurs joueurs adverses.

«C'est très difficile de trouver le bon équilibre. On doit se "crinquer" avant les matchs pour être à la hauteur, mais en même temps éviter les coups dangereux. Les meilleurs joueurs adverses sont ciblés. Un peu comme Chris Neil, jeudi soir, qui tentait de "geler" Subban et Gallagher. Et quand on frappe le meilleur joueur adverse, on a droit à une petite tape du coach dans le dos.

«Le problème, c'est que les meilleurs joueurs sont parfois plus rapides que nous et que notre synchronisme doit être parfait pour les pincer. On regarde ce qui est arrivé à John Scott sur Loui Eriksson, Scott sort le coude parce que l'autre vient de l'éviter partiellement. Et ensuite, c'est toujours plus facile de suspendre le joueur de quatrième trio que la vedette comme Sidney Crosby qui, lui, reçoit peut-être une amende seulement pour un coup semblable.

«On nous demande aussi d'intimider l'adversaire. Il m'arrivait souvent de dire au meilleur joueur de l'autre équipe que j'allais lui arracher la tête ou qu'il ne se relèverait pas la prochaine fois. Parfois ça fonctionne et le joueur perd de son efficacité.»

L'Association des joueurs doit changer

Vincent Damphousse, ancien capitaine du Canadien et membre du bureau de direction de l'Association des joueurs, aimerait que son organisation cesse de jouer à l'autruche.

«On protège celui qui a donné le coup, mais que font-ils de celui qui l'a reçu? Je comprends qu'on cherche à réduire les suspensions de façon à ce que l'agresseur ne perde pas trop de salaire, mais la victime peut vivre des répercussions à long terme aussi. Prenez Simon Gagné, qui n'a toujours pas de contrat. À mes yeux, l'Association des joueurs est en conflit d'intérêts quand elle prend position et elle devrait laisser l'agent du joueur intervenir.»

Le dossier de Patrick Kaleta constitue le cas le plus récent: l'Association des joueurs l'a porté en appel il y a quelques semaines alors que sa culpabilité était évidente.

Des solutions

Damphousse estime qu'il faut continuer à imposer des suspensions sévères. «J'entendais les commentaires de Matt Cooke récemment, ce sont les suspensions qui l'ont incité à changer. Et tout coup à la tête devrait être puni par une expulsion de match, coude, pas coude, saut, pas saut. J'éliminerais aussi les bagarres parce qu'un coup de poing, c'est un coup à la tête. Beaucoup de commotions cérébrales résultent des bagarres.»

Il y a donc peut-être une lueur d'espoir à l'horizon. La LNH fait de grands efforts pour éduquer les jeunes joueurs, de plus en plus de personnalités du hockey dénoncent la violence et, récemment, des joueurs salauds comme Kaleta ont été ignorés au ballottage par 29 clubs avant d'être cédés à la Ligue américaine.