Le hockey suédois a atteint le fond du baril en 2002: sixième rang au Championnat mondial junior, neuvième place chez les moins de 18 ans, la Suède a même dû se qualifier pour rester parmi le groupe mondial.

Cette année-là, aucun Suédois n'a été repêché parmi les 20 premiers dans la LNH... alors que 4 Finlandais ont été sélectionnés. L'année précédente, en 2000, deux Suédois ont été repêchés en première ronde, Frederic Sjostrom, 11e, et Jens Karlsson, 18e. Le premier est devenu un joueur de soutien, le second n'a jamais atteint la LNH.

Le super repêchage de 2003 allait être encore pire: un seul Suédois en première ronde, Robert Nilsson, un attaquant qui n'a rien cassé dans la LNH.

La Fédération de hockey suédoise, Bjorn Kinding en tête, a décidé de prendre le taureau par les cornes et de modifier complètement sa structure de développement.

Dix ans plus tard, les résultats sont étonnants. Cette année, la Suède a remporté le Championnat mondial junior pour la première fois en 30 ans et les moins de 18 ans ont terminé au deuxième rang.

En 2009, sept Suédois ont été repêchés en première ronde, dont Victor Hedman, deuxième, et Oliver Ekman-Larsson, sixième. La Suède a connu une année plus creuse en 2010 avec six choix de deuxième ronde, mais en 2011, elle a vu quatre des siens repêchés parmi les 10 premiers : Gabriel Landeskog, deuxième, Adam Larsson, quatrième, Mika Zibanejad, sixième, et Jonas Brodin, dixième.

Cette année, Filip Forsberg, Sebastian Collberg, Ludvig Bystrom, Zemgus Girgensons, Pontus Aberg et Hampus Lindholm pourraient être choisis parmi les 20 premiers.

Tout ça pour une population de seulement 9 millions d'habitants et 56 000 pratiquants, soit la moitié du nombre de hockeyeurs québécois!

Deux priorités

À l'invitation de Hockey Québec, Kinding est venu livrer quelques-uns de ses secrets cette semaine.

«Nous avons d'abord tenu en 2002 un grand sommet auquel ont participé une centaine d'intervenants du milieu, un peu comme vous l'avez fait à Montréal l'an dernier», dit celui qui a aussi été entraîneur-chef national pour le Danemark et le Japon.

La priorité, selon la Fédération de hockey suédoise: la formation et l'encadrement des entraîneurs.

Le directeur du développement de l'élite, Tommy Boustedt, a embauché 12 conseillers à temps plein pour superviser le travail des entraîneurs et imposé deux conférences annuelles, qui ont parfois pris l'allure de cours dictatoriaux de façon à ce que tous les entraîneurs suivent la même ligne directrice.

La deuxième priorité: regrouper les meilleurs joueurs de façon à mieux former l'élite. «Nous formions de bons joueurs, mais pas nécessairement des joueurs de premier plan», dit Kinding.

La Fédération suédoise a donc mis sur pied des camps estivaux regroupant les cinq meilleurs joueurs du pays par catégorie d'âge pour les joueurs de 16 ans et plus.

«Chaque été, on invite tous frais payés les cinq meilleurs joueurs de 16, 17, 18, 19 et 20 ans à s'entraîner sur une même glace, explique Kinding. Le nombre d'invités est limité, mais les plus jeunes apprennent beaucoup au contact des plus vieux. Ces joueurs d'élite se frottent aux meilleurs et sont ainsi poussés à leur maximum. Nous avons pris le pari qu'ils servent ensuite de modèles quand ils repartent avec leurs clubs respectifs. Ils peuvent ainsi faire rayonner nos enseignements dans leur milieu. Jusqu'ici, les résultats ont été très positifs. Les Nicklas Backstrom, Gabriel Landeskog, Victor Hedman et compagnie ont tous participé à ces camps d'élite.»

Mais pour que toutes ces stratégies rapportent, il faut tirer dans la même direction.

«Je prends souvent l'exemple de l'équipe d'aviron, dit Kinding. Ils sont huit à ramer. Le dernier ne voit pas le but, mais se fie au premier. Personne n'essaie de ramer plus vite. Il faut tous être synchronisés.»

Bientôt des résultats au Québec

Bjorn Kinding estime que les systèmes de développement suédois et québécois se ressemblent à plusieurs égards, ce qui peut surprendre certains qui ont perdu la foi en notre système. Il faut cependant savoir que Hockey Québec a procédé à une restructuration majeure il y a quelques années.

«Nous subissions une pression énorme en 2008, indique le directeur technique à Hockey Québec, Yves Archambault. Il nous fallait bouger.»

Cette année-là, aucun joueur québécois n'a été repêché en première ronde. Nicolas Deschamps a été le premier joueur choisi, au 35e rang.

«Nous avons entrepris une vaste consultation, explique Archambault. Nous avons invité à la table d'anciens joueurs comme Éric Desjardins, Donald Audette, Stéphane Quintal, Marc Bureau et Stephan Lebeau. Nous avons consulté des hommes de hockey comme Michel Boucher, Joe Canale et Richard Liboiron.»

Ces rencontres ont inspiré les structures intégrées, créées en 2009. «Ça ressemble au modèle suédois dans le sens où nous avons nommé 15 directeurs techniques pour autant de régions dans des postes rémunérés, dit Archambault. Nos entraîneurs sont ainsi mieux appuyés et les joueurs restent au sein de la même structure au cours de leurs années dans le hockey mineur. Une telle structure verticale permet une bonne communication d'un niveau à l'autre. On s'est inspirés des clubs européens.»

On s'est aussi rapprochés davantage des écoles. «Je dirais qu'environ 80 % de nos équipes pee-wee AA, bantam AA, midget AAA et midget espoir sont désormais associées à des institutions scolaires», précise Archambault.

Quand verra-t-on les résultats? «Les premiers joueurs à avoir été formés dans nos structures intégrées sont nés en 1996, donc on le verra l'an prochain au Défi mondial des moins de 17 ans, affirme Archambault. On est tout près...»