Jay Saraceno a de la pression.

Ce jeune dépisteur des Islanders de New York a vu son grand-père Henry convaincre la direction de l'équipe de repêcher Mike Bossy en 1977 et son père Mario manoeuvrer pour que le club choisisse Pat Lafontaine, Roberto Luongo et Jean-Pierre Dumont!

«Il est un peu plus réservé que moi, mais Jay est probablement celui qui a le meilleur jugement parmi nous trois», lance Mario.

Mario Saraceno, 53 ans, était encore un adolescent lorsque Bossy a abouti à Long Island.

«Mon père adorait Bossy. Mike jouait dans notre région pour les Loisirs Saint-Alphonse. Puis il allait le voir les lundis soir à Laval, chez les juniors.»

Malgré 4 saisons de plus de 70 buts à Laval, les Islanders n'étaient pas convaincus que Bossy était le joueur à repêcher. Le Canadien non plus d'ailleurs, puisqu'il a jeté son dévolu sur Mark Napier au 10e rang.

«Ils hésitaient entre l'attaquant ontarien Dwight Foster et Mike, raconte Mario. Ils devaient croire que Mike n'était pas assez fort physiquement, pas assez solide défensivement. Mais mon père était assez ardent et il avait été catégorique en disant qu'il fallait absolument le prendre. Le DG de l'équipe, Bill Torrey, lui a finalement répondu: «D'accord, on y va pour le coup de circuit! «»

Bossy allait marquer 53 buts dès sa première saison, la première de ses 9 saisons consécutives de plus de 50 buts...

«Malheureusement, mon père n'a pas vu Mike soulever la Coupe Stanley puisqu'il est décédé un an avant la première, de dire Mario Saraceno.»

Les Islanders ont alors fait appel au jeune Mario, alors âgé de 20 ans, pour remplacer son père.

«J'étais encore aux études en éducation physique à McGill, mais je n'ai pas hésité longtemps. J'étais travaillant, j'avais un bon jugement.»

Vocation

Mario Saraceno a toujours travaillé à temps partiel pour le compte des Islanders, mais ça ne l'a pas empêché de réaliser des coups de maître.

La décision dont il est le plus fier?

«Probablement d'avoir repêché un gardien si tôt, Roberto Luongo, au quatrième rang en 1997. Mais amère déception quand on l'a échangé. Pat Lafontaine, c'était un moment joyeux, mais n'importe qui l'aurait pris au troisième rang en 1983.

«Cette année-là, poursuit-il, nous étions convaincus que les North Stars du Minnesota le voulaient au premier rang. Ils ont opté pour Brian Lawton. Et quelle ne fut pas notre surprise de voir Sylvain Turgeon aboutir à Hartford. Nous étions tellement excités qu'il soit encore libre au troisième rang que tous les dépisteurs de notre équipe se sont levés à la table au Forum pour applaudir!»

La troisième génération des Saraceno est à l'oeuvre pour les Islanders depuis que Garth Snow a embauché Jay il y a deux ans, sous la chaude recommandation du paternel.

«Je suis toujours vice-président aux ventes pour une compagnie en imprimerie et en marketing, je vieillis un peu, le métier est encore plus exigeant qu'il y a 30 ans. Je fais surtout du dépistage professionnel et Jay se charge de l'amateur. Couvrir le hockey junior est plus exigeant de nos jours. Les voyages se multiplient. À l'époque, on pouvait couvrir la Ligue en quatre jours. On allait à Saint-Jean, Saint-Hyacinthe, Laval, Verdun. Aujourd'hui, il y a les Maritimes, Val-D'Or, Rimouski, on doit en plus rencontrer les jeunes, les soumettre à des tests, dresser des rapports, tout a évolué.»

Jay Saraceno a joué un peu au hockey et il a même accédé à la NCAA.

«Son jugement demeure son meilleur atout, dit le père. Il a toujours bien analysé les matchs, même quand il était joueur. Le jugement, c'est la clé, c'est d'essayer de distinguer les qualités et les défauts, mais d'être capable de faire une projection. Ce n'est pas infaillible. Quand on frappe pour une moyenne de 300, on est bon.»

Jay Saraceno dit avoir découvert sa vocation très tôt.

«J'ai toujours baigné dans le hockey parce que j'accompagnais toujours mon père dans les arénas et même aux différents repêchages. C'est le métier que je voulais faire quand j'ai arrêté de jouer à cause des blessures.

«On voit le match d'une façon complètement différente quand on est recruteur, poursuit-il. On doit s'attarder à des détails auxquels on ne portait pas attention auparavant, que ça soit la gestuelle d'un joueur quand il rentre au banc, comment il se comporte dans une défaite, lorsque son équipe tire de l'arrière, quand elle gagne.»

Le métier a-t-il des conséquences néfastes sur la vie de famille?

«Ma mère de 79 ans, qui est encore en vie, aimait le hockey et elle acceptait que mon père suive le hockey, elle savait que c'était sa passion, dit Mario. Moi, je suis marié avec la même femme depuis 30 ans. Elle aussi adore le hockey et elle comprend ma passion, même si on est souvent parti. Mon fils, on verra! [éclats de rire]»

Le métier permet à Jay, 23 ans, de vivre une situation unique, la chance de travailler avec son père.

«Je l'apprécie beaucoup. Mon père a toujours été mon mentor. Ça nous permet d'échanger sur plusieurs choses. Et je reste humble là-dedans parce que je sais que le hockey est une religion au Québec. Beaucoup de mes amis aimeraient faire ce métier.»