De son vivant, Guy Lafleur avait l’habitude de faire courir les foules. Maintenant qu’il est parmi les étoiles, Guy Lafleur fait courir les foules, encore.

Non, ce n’était pas un lundi habituel au Centre Bell. Il n’y avait aucun match au calendrier, pas de glace sur la glace, pas de spectateurs dans les gradins. Mais il y avait un cercueil, et des numéros 10 un peu partout. Là, sur un chandail accroché au loin, et puis plus loin, sur une table au milieu des fleurs et des cartes de souhaits laissées pour les membres de la famille, assis juste à la droite.

Il fallait passer devant les trophées, la coupe Stanley, les vestiges d’un temps glorieux, avant de passer devant le cercueil, et ensuite devant eux, les Lafleur, qu’on se contentait de saluer discrètement de la tête.

Autour du Centre Bell, les partisans, souvent vêtus du chandail rouge de leur idole, continuaient à entrer par dizaines, pour voir celui que tout le monde appelait Guy, tout simplement. Parce qu’il y a de ces légendes que l’on reconnaît à leur seul prénom.

« On disait monsieur Béliveau, et on dit Guy, a résumé l’annonceur Michel Lacroix. Je me souviens des hommages à monsieur Béliveau suivant son décès, mais là, c’est différent… Moi, en tant qu’annonceur, je ne pouvais pas annoncer Guy Lafleur comme Jean Béliveau. Guy, c’était une dimension différente… »

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L’annonceur du Canadien, Michel Lacroix

En effet, et depuis plusieurs jours, un peu tout le monde a sa petite histoire de Guy, au sujet de cette autre dimension, à laquelle on pouvait seulement accéder en sa présence.

C’est ce que Michel Lacroix a fait souvent. Avant de devenir annonceur au Forum à la fin des années 1970, et ensuite au Centre Bell, il était un jeune membre des médias qui suivait souvent Guy sur la route. Il se souvient du joueur qui avait l’habitude de passer par les boutiques des hôtels, « pour acheter des piles de magazines sur les bateaux et les autos ».

Il se souvient aussi des buts.

« Dont le but le plus extraordinaire, évidemment, celui de mai 1979 au Forum, lors de la série contre les Bruins de Boston… Quand Guy partait comme ça sur la glace, on savait, peu importe ce qu’il allait faire, qu’il allait se passer quelque chose… »

En ce lundi triste, c’est en premier l’émotion qui passait au Centre Bell. À l’extérieur aussi, et en particulier aux alentours de la statue de Guy, dévoilée en 2008 et créée par l’artiste Marc-André J Fortier.

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« On voit que les fans semblent aimer beaucoup cette statue, je voyais des gens arriver ce matin pour y déposer des choses, des fleurs », a-t-il raconté.

« C’est drôle, parce que le Canadien m’avait commandé ces statues-là en 2008, mais dans le cas de Guy, c’était un secret, personne ne savait que je préparais quelque chose à son effigie. On a dévoilé la statue et il a tout de suite demandé à avoir une maquette en bronze en guise de souvenir… Je l’ai recroisé par la suite, il était toujours humble, pas du tout prétentieux. »

Puis, les portes du Centre Bell se sont refermées, dans un silence auquel Guy n’a jamais été habitué. Mardi, ce sera jour de funérailles nationales. Un autre jour de deuil, et une autre journée sans Guy. Il faudra s’y faire… mais ce ne sera pas si facile.