Patrick Roy est le plus jeune des derniers « grands » du Canadien. De tous ceux dont le chandail est retiré au Centre Bell, il est le seul qui a porté l’uniforme du CH après les années 1980.

Mais avant de devenir une légende, Roy était un gardien comme un autre, un gars qui tentait de faire sa place dans la Ligue nationale. Et comme tout le monde, il était intimidé par Guy Lafleur.

Au cours d’une entrevue réalisée l’an dernier, pour un article à venir dans les prochains jours, Roy nous avait raconté son tout premier camp d’entraînement avec le Canadien, en 1984.

« J’étais assis au bout du vestiaire, et Guy était à ma gauche, il mettait son équipement. C’était intimidant, se remémorait Roy. Ça lui prenait cinq minutes pour s’habiller. Ses épaulettes étaient attachées à ses culottes. Il s’habillait, puis il allait en fumer une dans la pièce à côté, où on aiguisait les patins, parce que Jacques Lemaire ne voulait plus qu’il fume dans le vestiaire. »

Roy était évidemment incrédule de se retrouver sur la même patinoire que Lafleur lors de cet automne 1984. Il n’avait que 18 ans à son arrivée au camp, et devait arrêter les tirs de celui qui était alors 9e dans l’histoire de la Ligue nationale avec 516 buts en 942 matchs.

On avait fait des tirs de pénalité, et j’avais arrêté un tir de Guy. Je pense que j’ai appelé tous mes chums après ! Je le regardais jouer le samedi soir, et là, je me ramasse sur la glace du Forum et je l’arrête. Je ne touchais plus à terre !

Patrick Roy

Ils n’ont finalement jamais joué de match ensemble avec le CH. Roy est resté dans l’entourage du Canadien en début de saison, mais sans jouer, avant d’être renvoyé aux Bisons de Granby, tandis que Lafleur rentrait chez lui en novembre 1984.

« J’avais fait les 10 premiers matchs avec le Canadien, et ils m’avaient renvoyé dans le junior ensuite. C’est pour ça qu’il a pris sa retraite, il a vu que je m’en allais ! », a lancé Roy à la blague.

Le retour

Patrick Roy rencontrait les médias à Québec vendredi matin, quelques heures après l’annonce de la mort de Lafleur. Même s’ils n’ont jamais officiellement été coéquipiers, leurs destins se sont souvent entrecroisés.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Patrick Roy a rencontré les médias de Québec, vendredi, au Colisée de Québec, afin de rendre hommage à Guy Lafleur.

Roy a notamment connu Lafleur comme rival. Au cours des 12 matchs que Lafleur a disputés contre le CH, quatre fois, Roy défendait le filet montréalais. Lafleur a inscrit trois buts au cours de ces quatre matchs. L’un d’eux fut le 560e et dernier de sa carrière, le 30 mars 1991, au Forum.

Mais les partisans se souviennent surtout des deux premiers, inscrits le 4 février 1989, dans une ambiance survoltée au Forum. C’était en effet le retour de Lafleur à son ancien domicile, cette fois dans l’uniforme des Rangers. Le Canadien l’avait emporté 7-5, mais Lafleur avait été la grande vedette de la soirée.

« J’en garde un bon souvenir, a mentionné Roy aux médias sur place à Québec. Pour le show, ça a été une soirée magique pour tout le monde. Du moment où il est arrivé sur la glace pour l’échauffement, la foule était en délire, les gens étaient reconnaissants, contents de le voir sur la patinoire. Ça rappelait des souvenirs. Je dis souvent que c’est rare de voir une ovation après avoir accordé un but. Mais c’était un moment pour toute la province. En fait, Guy, c’était plus que le Québec, c’était un athlète international. Tout le monde le connaissait. »

« Un impact extraordinaire »

« On a beau s’attendre au pire, on n’est jamais prêt à ça. On espère tous qu’un miracle se produise et qu’on entende une bonne nouvelle. Malheureusement, ce n’est pas le cas ce matin, a ajouté Roy. C’est une légende, une personne qui a eu un impact extraordinaire sur beaucoup de gens, surtout ma génération. Chez mes parents, pendant La soirée du hockey, on était tous des Guy Lafleur et des Ken Dryden. »

PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Yvan Cournoyer, Guy Lafleur et Patrick Roy lors du 4match de la finale de la Coupe Stanley opposant le Canadien au Lightning de Tampa Bay, en juillet 2021.

Aujourd’hui, Roy se retrouve à la tête des Remparts de Québec, l’organisation avec laquelle Lafleur a commencé à écrire sa légende. Sa récolte de 130 buts, en 1970-1971, a été un record de la LHJMQ jusqu’à ce que Mario Lemieux en inscrive 133 en 1983-1984.

« Juste avec les Remparts, je l’ai vu comme quelqu’un qui savait d’où il venait, a dit Roy, vendredi matin. Il a été un ambassadeur de première classe. Il était disponible, accessible, très généreux de son temps. J’avais beaucoup d’admiration pour ça. »

En tant qu’entraîneur, quelles qualités de Guy Lafleur aimerait-il que ses joueurs retiennent ?

Ce que je retiens, c’est sa combativité.

Patrick Roy

« Je lisais un article où Yvan Cournoyer disait que c’était un excellent gars d’équipe, un coéquipier de première classe. On veut ça de nos joueurs d’aujourd’hui, des gars qui se tiennent, qui jouent en équipe. Aussi, il a été persévérant. Son début de carrière n’a pas été aussi facile que ce qu’on peut imaginer, il a même enlevé son casque parce qu’il pensait que ça pouvait l’empêcher de performer. »

Roy s’attend bien sûr à des hommages à Lafleur un peu partout, mais il propose une façon différente de souligner son départ. « Au lieu d’un moment de silence, Guy mérite peut-être une ovation dans tous les arénas. Les gens ont besoin de l’extérioriser », estime Roy.