L’ancien joueur étoile du Canadien de Montréal Guy Lafleur est décédé à l’âge de 70 ans des suites d’un long combat contre le cancer du poumon. « Durant toute la période des traitements, toute l’équipe et moi avons été marqués par sa grande générosité, son courage, son calme et sa résilience. Reposez en paix M. Lafleur », a indiqué le docteur Mustapha Tehfe, hémato-oncologue au CHUM.

Avant de devenir Guy, le célèbre Guy adoré de la foule du Forum de Montréal, Guy Lafleur était tout simplement… Guy Lafleur.

Que retenez-vous de Guy Lafleur ?

Tout simplement un gars de Thurso, issu du Québec rural, avec un rêve. Un rêve et aussi un talent fou. Déjà, à un très jeune âge, il remplissait les filets adverses avec des rondelles qu’il avait l’habitude de lancer avec un bâton de feu, avec une telle vitesse que la plupart des gardiens n’y voyaient rien.

Passé au hockey junior, avec les Remparts à Québec de la LHJMQ, Guy Lafleur entreprit de construire sa légende : une saison de 170 points en 1969-1970, et puis une autre, encore plus spectaculaire, de 209 points (dont 130 buts !) en seulement 62 matchs en 1970-1971. Cela allait faire de lui l’un des premiers choix les plus convoités de l’histoire du hockey de la Ligue nationale, au repêchage de 1971.

À ce sujet, la légende est déjà bien connue, sans doute aussi bonifiée par le passage du temps : les Seals de la Californie, pauvre club de l’expansion de 1967, eurent la mauvaise idée d’échanger leur premier choix au repêchage de 1971, au Canadien et au directeur général Sam Pollock, qui n’y croyait sans doute pas lui-même. Et puis pourtant, ce fut la réalité : en retour de leur premier choix, les Seals eurent la « chance » d’acquérir le premier choix du Canadien au repêchage de 1970 et un joueur sans importance, un certain Ernie Hicke.

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Sam Pollock en 1971

Le Canadien savait trop bien que le premier choix au total de l’encan 1971 allait mener à l’acquisition d’un joueur de premier plan, soit Lafleur ou encore Marcel Dionne, l’autre joueur vedette du hockey junior canadien. L’embarras du choix, en somme, et peu importe le nom de l’élu ; le Canadien n’allait certes pas se tromper.

Il ne se trompa pas, en effet.

Certes, Lafleur mit un peu de temps avant de se mettre en marche. Chez le Canadien, ses trois premières saisons furent jugées décevantes, incluant celle de 1973-1974, où une production de 21 buts en 73 rencontres fut mal reçue par plusieurs partisans. Dans la foule, la rumeur à son sujet n’était pas très favorable. « Pour beaucoup, Guy Lafleur serait un bon joueur, sans plus », écrit l’auteur Georges-Hébert Germain au sujet de cette période dans l’Ombre et la lumière, biographie parue en 1990.

Puis, en 1974-1975, ce fut l’explosion.

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Lors de la saison 1974-1975, la production de Guy Lafleur explose. Pour la première fois, il passe le cap des 50 buts.

De saisons de 29, 28 et 21 buts, Guy Lafleur passa à une production spectaculaire de 53 buts en 1974-1975, pour aller avec un total de 119 points en 70 matchs. C’est ce joueur-là que le Canadien et ses partisans attendaient depuis le repêchage de 1971, et le voici qui se manifesta enfin. Coïncidence ? L’éclosion du numéro 10 arriva au moment même où le Canadien était en train de bâtir la deuxième dynastie de sa longue et glorieuse histoire ; la saison suivante, celle de 1975-1976, c’est une récolte de 125 points que Lafleur ajouta à sa fiche, en plus de permettre à son club de détrôner les méchants Flyers de Philadelphie en grande finale.

En tout, l’heure de gloire de Lafleur ne se calculera pas en heures, non, mais bien en saisons : six saisons consécutives d’au moins 50 buts, dont celle de 1977-1978 avec 60 buts, un sommet en carrière pour lui. Il récoltera le trophée Conn-Smythe, remis au joueur le plus utile des séries, lors du printemps de 1977, grâce à ses 26 points en seulement 14 rencontres éliminatoires. Pendant ce temps, il permit au Canadien de récolter quatre fois de suite la coupe Stanley, la dernière du lot au printemps de 1979.

Ensuite, ce fut pour lui la fin des beaux jours. Blessé à la suite d’un coup sournois, il doit assister, à l’écart et impuissant, à l’élimination surprise du Canadien lors du printemps suivant, face aux North Stars du Minnesota. Ça marque le début d’une nouvelle ère, autrement moins glorieuse, chez le Canadien, et Lafleur lui-même s’en ressent : lors de la saison suivante, celle de 1980-1981, il rate la barre des 100 points pour la première fois en sept ans, devant se contenter de 70 points en 51 matchs. Des chiffres plus que respectables, certes, mais pas assez au goût de ses partisans qui se remettent à maugréer.

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Guy Lafleur n’arrive pas à obtenir autant de points lors de la saison 1980-1981.

Lentement, il y a un recul, une fissure, et la relation de Lafleur avec la direction du club, souvent tendue, se détériore encore plus avec l’entraîneur Jacques Lemaire, un ancien coéquipier qui lui retire certaines de ses responsabilités. Exaspéré, celui que l’on surnomme le Démon blond en a assez et choisit de rentrer chez lui en pleine saison, en novembre 1984. Une retraite, à l’âge de 33 ans, qui prend le monde du hockey par surprise. Mais plusieurs s’attendent à un éventuel retour, dont Henri Richard, l’ex-gloire des Glorieux, qui déclare : « Je n’y crois pas, moi, je lui donne un an et je crois qu’il va revenir. »

Eh bien, il mettra trois ans avant de revenir.

Lafleur reviendra bel et bien sur les glaces, mais cette fois dans le maillot des Rangers de New York, lors de la saison 1988-1989, le temps de récolter 45 points en 67 matchs. Il jouera deux autres saisons, ses deux dernières, avec les Nordiques de Québec, avant de prendre une vraie de vraie retraite, au terme de la saison 1990-1991.

Avec les années, le nom de Guy Lafleur restera associé au hockey partout au Québec, notamment par le truchement d’une boisson énergétique qui portera son surnom (« Flower Power »), et aussi par ses nombreuses apparitions publiques, au Centre Bell ou dans les couloirs de son restaurant à Rosemère, le Bleu-Blanc-Rouge, qu’il vendra en 2012.

Mais ce n’est pas de ça qu’on se souviendra. On se souviendra en premier des 560 buts, de ses cinq conquêtes de la Coupe Stanley, et aussi des « Guy ! Guy ! Guy ! » qui ont résonné pendant de nombreuses soirées au Forum de Montréal. Et qui résonnent sans doute encore, les soirs d’hiver, dans ce coin du centre-ville.

Des buts à la pelle, un gardien à la fois

Guy Lafleur a compté au total 925 buts dans la LNH et avec les Remparts de Québec, séries incluses, guidant ses équipes à la conquête de cinq Coupes Stanley et d’une Coupe Memorial. Retour sur la carrière de ce prodigieux compteur.

Hockey junior

5 octobre 1969 : premier but avec les Remparts de Québec

Guy Lafleur compte son premier but dans une victoire de 5-4 contre les Saints de Laval dans la Ligue Junior A du Québec (qui a précédé la LHJMQ). Il déjoue le gardien Jacques Lefebvre à 18 minutes et 18 secondes de la 2période. Son deuxième but de la partie crée l’égalité et pousse le match en prolongation.

19 février 1970 : 103e et dernier but de la saison

Lafleur s’offre un tour du chapeau au dernier match de la première saison des Remparts de Québec. Il bat le gardien Richard Coutu du National de Rosemont en désavantage numérique et enfile son 103but de la saison dans une victoire de 7-0. Il termine la saison en force avec neuf buts en deux parties.

14 mars 1971 : 130e but de la saison

Lafleur enfile un tour du chapeau (son 21e) et termine la saison avec un record de 130 buts. Sa dernière victime est son futur coéquipier Denis Herron, alors avec les Ducs de Trois-Rivières.

19 mai 1971 : la Coupe Memorial

Les Remparts lessivent les Oil Kings d’Edmonton en deux parties consécutives et remportent la Coupe Memorial. Lafleur est le meilleur marqueur des séries. Sa dernière victime sera Larry Hendrick des Oil Kings. Mais c’est surtout la demi-finale contre les Black Hawks de St. Catherines qui retient l’attention, car elle offre un face-à-face entre les deux meilleurs espoirs au pays : Marcel Dionne et Guy Lafleur.

LNH : les premières années

23 octobre 1971 : premier but dans la LNH

Lafleur fait ses débuts le 9 octobre 1971, mais il doit attendre au huitième match de la saison pour finalement enfiler son premier but dans la LNH, un but gagnant de surcroît. Le gardien des Kings, Roy Edwards, sera le premier d’une longue liste de gardiens que Lafleur déjouera.

20 décembre 1974 : 100e but dans la LNH

Dans un triomphe de 6-1 à Vancouver, Lafleur déjoue Gary Smith pour inscrire le 100but de sa carrière.

30 mars 1975 : il surpasse Boum Boum et le Rocket

Un lancer foudroyant que ne peut arrêter Gilles Gilbert, des Bruins, permet à Lafleur de devenir le premier joueur à dépasser les marques d’équipe de 50 buts en une saison que seuls Maurice Richard et Bernard Geoffrion avaient atteintes avant lui. La veille, Denis Herron des Scouts de Kansas City avait été la victime du 50but de la campagne de Lafleur.

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Guy Lafleur après avoir enfilé son 50e but de la saison contre Denis Herron des Scouts de Kansas City.

6 novembre 1976 : 200but

Le Canadien passe les Blackhawks de Chicago à la moulinette dans une victoire de 11-4. Lafleur obtient deux buts et deux passes, dont son 200but contre le pauvre Michel Dumas, venu relever Tony Esposito.

24 mars 1977 : un match, deux records

Lafleur participe au pointage pour le 23match consécutif alors qu’il déjoue le gardien Eddie Johnston des Blues de St. Louis. Il éclipse ainsi la marque de Bronco Horvath. Du coup, Lafleur surpasse sa propre marque de 125 points en une saison pour un ailier droit dans la LNH.

Le cœur d’une dynastie

3 avril 1977 : une saison record

Dans un dernier match de la saison sans grande importance, Montréal obtient une courte victoire de 2 à 1 contre les faibles Capitals de Washington, où Lafleur inscrit son 58e et dernier but de la saison contre Ron Low. Il établit du même coup la marque record de 136 points pour un joueur du Canadien.

Il remporte ainsi le trophée Art Ross décerné au meilleur compteur de la saison. En juin, la LNH remet ses trophées et Lafleur récolte aussi le trophée Hart, remis au joueur le plus utile, et le trophée Conn Smythe (joueur par excellence des séries éliminatoires). Le Canadien rafle presque tous les honneurs lors du banquet.

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La soirée de remis des trophées de la LNH en 1977 couronne Larry Robinson, Michel Larocque, Ken Dryden et Guy Lafleur, tous du Canadien

10 mai 1977 : contre les Big Bad Bruins en finale

“Personne ne va toucher à Guy Lafleur. Ce n’est même pas un mot d’ordre, c’est le gros bon sens. Nous ne sommes pas des imbéciles ; nous savons ce que représente Lafleur pour l’équipe” », a lancé Pierre Bouchard après le match d’hier soir au Forum.

Réjean Tremblay

12 mai 1977 : menaces de mort

Le dur à cuire John Wensink soutient que Lafleur ne quittera pas vivant le Garden de Boston s’il se trouve sur la glace en même temps que lui. Loin de céder à la peur, Lafleur participe à tous les buts du Canadien et enfile deux buts et deux passes devant des Bruins déclassés.

« Une véritable leçon de patinage qu’il leur a servie. John Wensink, celui qui avait promis aux partisans du Boston la tête de Lafleur au bout de son bâton, n’a presque pas joué. Et lorsqu’il était sur la glace, on le trouvait tellement ridicule que Cherry l’a vite caché. Dire que ses admirateurs avaient composé une énorme affiche sur laquelle on pouvait lire ; “Wensink Eats Frogs” », écrivait Ronald King dans La Presse.

Le prolifique

20 mars 1978 : 300e but

Le gardien Cesare Maniago et les Canucks de Vancouver sont les victimes du 300e but de l’ailier droit.

10 mai 1979 : « Too Many Men »

Lors du 7match de la série demi-finale Bruins-Canadien, les Bruins, en avance par un but, écopent d’une pénalité pour avoir eu trop de joueurs sur la patinoire. Avec moins de deux minutes à jouer, Lafleur anéantit de nouveau les espoirs des Bruins en égalisant la partie. En prolongation, Yvon Lambert devint le héros en marquant avec l’aide de Mario Tremblay et de Réjean Houle.

14 mars 1980 : 400e

L’arbitre Ron Fournier lève le bras et pointe Guy Lafleur, le désignant ainsi comme auteur du but et, à 29 ans, celui-ci devient le plus jeune joueur à atteindre le plateau des 400 buts aux dépens du gardien Pierre Hamel dans une victoire de 4-3 contre les Jets de Winnipeg.

4 mars 1981 : 1000 points

Lafleur obtient trois points, dont le dernier, un but, qui constitue son 1000point dans la Ligue nationale, aux dépens du gardien Michel Dion et des Jets de Winnipeg.

Vers le 500e

Le 24 mars 1981 : Guy frôle la mort

Guy Lafleur s’endort au volant tard durant la nuit en retournant chez lui. Son véhicule percute une balise et fauche six poteaux. « C’est un miracle qu’il soit en vie », déclarent les policiers accourus sur les lieux de l’accident.

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Guy Lafleur a fait une sortie de route avec sa luxueuse Cadillac.

20 décembre 1983 : 500e but

Il compte son 500e but aux dépens de Chico Resch, des Devils du New Jersey, grâce à une brillante passe de Pierre Mondou, très fier de sa collaboration.

Nous filions à deux contre un. Il n’était pas question que je lance. J’avais Flower en tête et rien d’autre. Nous travaillions tous à ce but et l’occasion était belle.

Pierre Mondou en entrevue avec Bernard Brisset, La Presse, 21 déc. 1983

Amère séparation

25 octobre 1984 : le dernier but dans l’uniforme du Canadien

Il marque son dernier but pour le Canadien, son 518e en carrière, contre le gardien Robert Sauvé dans une victoire de 3-2 contre les Sabres de Buffalo.

26 novembre 1984 : Lafleur quitte le Canadien

Le Canadien l’emporte 6-4 contre Detroit au Forum. Personne ne sait encore qu’il s’agit du dernier match de Lafleur dans l’uniforme. Lafleur conduit Chris Nilan à l’aéroport pour un match contre les Bruins qu’il ne disputera pas. Lors du trajet, Nilan sera le premier à apprendre que Lafleur se retire.

16 février 1985 : Le chandail # 10 hissé au plafond

Dans une soirée hommage douce-amère, la direction du Canadien retire le chandail de Lafleur.

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Le Canadien retire le chandail de Guy Lafleur.

Le 6 octobre 1988 : retour dans la LNH

Après quatre ans d’absence, Lafleur revient au jeu avec les Rangers de New York dans un match nul 2 à 2 contre les Blackhawks de Chicago.

4 février 1989 : Lafleur enflamme le Forum

Le numéro 10 des Rangers joue son premier match contre le Canadien au Forum et enfile deux buts contre Patrick Roy dans une défaite de 7-5 de New York.

14 juillet 1989 : Lafleur rentre au bercail

Agent libre après une saison avec les Rangers, Lafleur revient à Québec. L’athlète de 38 ans signe une entente de deux saisons avec les Nordiques.

30 mars 1991 : dernière partie à Montréal

Pour la dernière fois, Lafleur chausse les patins au Forum dans la LNH. Beau joueur, il offre une chaleureuse poignée de main à Ronald Corey derrière le banc du CH. Il déjoue Patrick Roy pour son 12but de la saison, qui sera son dernier et son 560e en carrière.

31 mars 1991 : retraite définitive

Dernière partie en carrière à Québec contre le Canadien en plus, le Canadien l’emporte 4-1, et Lafleur ne réussit pas à déjouer le gardien André Racicot.

« Ce qui prime, c’est le hockey »

Talent exceptionnel, modestie, souffrance, déchirements… Voici quelques moments choisis dans la carrière exceptionnelle de Guy Lafleur.

Le virtuose du hockey, selon Ken Dryden

En pénétrant dans le couloir menant au vestiaire, j’entends des bruits étouffés venant de la patinoire, dont l’écho se propage dans l’édifice. Avant même de l’apercevoir, je sais que c’est Lafleur. Comme un garçon dans la cour arrière de sa maison, il s’entraîne seul, plusieurs minutes avant que les autres ne viennent le rejoindre. Il décoche avec aisance des rondelles sur les bandes, les observant rebondir, déplaçant ses patins et ses mains là où ses instincts créateurs lui dictent d’aller. Ici, loin de la pression du match, loin des défenseurs et de ses propres coéquipiers, qui le menottent par leur banale prévisibilité, seul avec son talent de virtuose, il vit son heure de création.

Extrait du livre Le match de Ken Dryden

Maurice Fillion, sur le joueur d’équipe qu’il était

Maurice Fillion, l’entraîneur de Lafleur avec les Remparts, a parlé du joueur de rêve qu’était Guy pour un coach : “Du talent à en revendre, toujours fin prêt pour ses matchs, un gars d’équipe… tellement un gars d’équipe que ça devenait un problème ; comment lui faire comprendre qu’il valait mieux utiliser son fameux lancer que de passer à un coéquipier de talent ordinaire qui se trouvait plus près du but !”

Jean Perron, La Presse, le dimanche 31 mars 1991

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Maurice Fillion au camp d’entraînement des Nordiques de septembre 1981

Foglia, sur la simplicité de Guy

D’abord quand on se promène avec Guy Lafleur, sa statue de héros national ne nous suit pas, pas à pas. L’homme est sans majuscules, ni auréole, ni génie particulier. Un citoyen modeste, comme vous et moi…

Pierre Foglia, La Presse, le dimanche 31 mars 1991 

Lors du repêchage de Lafleur au Reine Élisabeth, le 10 juin 1971

Quant au numéro qu’il portera, Lafleur se montre réticent. Alors qu’on voudrait lui voir endosser le chandail no 4 ; il déclare qu’il n’y tient pas du tout, du moins en commençant. “Il y aura suffisamment de pression sans qu’on ajoute ce symbole sur mon dos. Les gens vont s’attendre à ce que je devienne un second Béliveau… je ne suis pas si sûr que j’y parviendrai. Plus tard, si tout marche bien, on verra, mais pour l’instant je me contenterai d’un des numéros disponibles.”« Le 6 et le 10 seront disponibles ainsi que quelques autres au-dessus de la vingtaine. Le 4, on n’en sait rien. « Avant de nous laisser pour se plier aux exigences des photographes qui désiraient le voir en compagnie de son nouvel instructeur, Scotty Bowman, Lafleur a déclaré mi-sérieux, mi-badin : “ Dites-vous bien une chose. Je peux jouer à n’importe lequel des postes qu’on m’indiquera, mais pas sur le banc… !”

Jean-Marc Desjardins, La Presse, le vendredi 11 juin 1971

Lafleur avec les Nordiques

Dans son bureau des Nordiques, Marius Fortier se fâche encore en racontant l’histoire : “C’était en 1973, un jeudi soir. Gerry Patterson, l’agent de Lafleur, nous avait donné sa parole. Il avait pris l’avion de 5 heures et demie pour Montréal après nous avoir assurés que l’entente était bâclée. Guy Lafleur signait avec les Nordiques un contrat de cinq ans à 125 000 $ par année. Contrat garanti par une banque. Le samedi, Patterson a paradé dans le bureau de Sam Pollock et quelques heures avant le match, on annonçait que Lafleur avait signé une entente de 10 ans avec le Canadien. Guy a pleuré en nous voyant arriver après la partie avec notre contrat et la garantie de la banque.”.

Réjean Tremblay, La Presse, le vendredi 8 février 1985

Trois années à « réchauffer le banc »

L’entraîneur Scotty Bowman succède à Al MacNeil, qui vient de remporter la Coupe Stanley. Lafleur arrive aussi en même temps que Bowman, qui le fait peu jouer. « Il est fort probable – et c’est compréhensible – qu’il (Bowman) ait voulu ne pas prendre de risques au départ en faisant surtout jouer les valeurs sûres, les champions qui avaient remporté la dernière Coupe », disait Réjean Lafleur dans le livre Guy Lafleur, mon fils, tentant d’expliquer le peu de temps de jeu qu’avait obtenu Guy lors de ses trois premières saisons.

Le favori de la foule

Lafleur saute sur la patinoire plus de 25 fois par match, et, quand il le fait, les amateurs se donnent un coup de coude, le pointent du doigt et s’animent, applaudissent même parfois. Et dès qu’il s’empare de la rondelle, le grondement qui accompagne une possibilité de marquer s’élève, même s’il n’est qu’au centre de la patinoire. Et lorsqu’il compte, ce qui arrive souvent, le but est accompagné d’un tonnerre d’acclamations réservé à lui seul ».

Extrait du livre Le match, de Ken Dryden

Le hockey d’abord

Lafleur se confie au journaliste Robin Herman du New York Times : “J’aime beaucoup ma famille et mon enfant, mais ce qui prime, c’est le hockey, ma carrière. Parfois, les partisans se classent en deuxième place, et ma famille en troisième. Mais ça change tout le temps.”

Extrait du livre Le match, de Ken Dryden

Le retour de Guy au Forum : deux buts

De Lafleur, Patrick Roy a dit : “C’est la première fois que je me fais compter un but au Forum et que le marqueur reçoit une ovation debout. Sur son premier, il a attendu longtemps avant de lancer. Pourtant, Guy Carbonneau m’avait prévenu qu’il s’agissait d’un de ses trucs favoris. Guy a marqué deux beaux buts et a été très menaçant en deuxième. ”

Philippe Cantin, La Presse, le dimanche 5 février 1989

Un départ mi-amer

Je commençais à y penser, je n’aurais pas voulu que ma femme ou mon garçon Martin entendent des huées et souffrent du traitement qu’on m’aurait fait subir. Je suis profondément soulagé. Plus soulagé que malheureux d’abandonner un sport que j’aime avec passion. Je ne dormais plus, je n’étais plus capable de vivre avec cette pression.

Guy Lafleur à Réjean Tremblay, La Presse, le mardi 27 novembre 1984 

On fête Guy au Forum dans l’uniforme des Nordiques

On ne peut pas dire que cette fête a fait chaud au cœur de la haute direction du Canadien. Le peuple a forcé Ronald Corey et Serge Savard à boire jusqu’au bout l’amertume de son erreur. M. Corey sait maintenant qu’on ne peut botter dehors une idole sans en payer le prix devant l’histoire. Corey est chanceux, Lafleur a eu la grandeur d’âme et la générosité d’aller lui-même lui serrer la main. Il n’aura pas, pour se faire pardonner, à attendre 25 ans et à payer des dizaines de milliers de dollars comme on a dû le faire avec le Rocket.

Réjean Tremblay, La Presse, le dimanche 31 mars 1991

PHOTO LUC-SIMON PERRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Guy Lafleur remercie Ronald Corey au Forum le 30 Mars 1991.

Sur sa retraite

Aujourd’hui, je me rends compte que j’aurais été incapable d’aller jouer ailleurs. Que ma place est avec le Canadien. Je suis satisfait du résultat final.

Guy Lafleur à Tom Lapointe, La Presse, le mardi 27 novembre 1984

PHOTO MICHEL GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Guy Lafleur et le reporter de La Presse, Réjean Tremblay.

Guy ne regrettera pas son geste. Il ne regrettera pas non plus de ne pas avoir tenté sa chance ailleurs. Avec une autre équipe, il aurait vécu le même cauchemar. Il aurait recommencé à agoniser et il se serait détruit.

Serge Savard à Tom Lapointe, La Presse, le mardi 27 novembre 1984

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Serge Savard et Ronald Corey.

Moi aussi, je pense, si je n’avais obtenu que deux buts en 47 parties, j’aurais aussi songé à lâcher ! Mais 33 ans, je trouve ça bien jeune. Il a encore un bon coup de patin. Je me demande ce qui ne va pas ? On va le manquer !

Maurice Richard à André Trudelle, La Presse, le mardi 27 novembre 1984

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Maurice Richard et Ronald Corey

Richard Sévigny avait vu juste

“Guy voulait sortir de Montréal et poursuivre sa carrière ailleurs, mais il en a été empêché par la direction du Canadien. Je ne serais pas surpris du tout de le voir effectuer un retour au jeu un bon jour parce qu’il peut encore jouer du bon hockey. Lafleur est comme quelqu’un emprisonné dans une boite de carton et incapable d’en sortir, du moins pour le moment”, a affirmé Sévigny.

La Presse, le mardi 27 novembre 1984 

Retour et rédemption

Ce retour au jeu avec les Rangers a changé ma vie. Complètement. Ça a guéri toutes les atroces blessures subies depuis que le Canadien a décidé de se débarrasser de Guy. Esposito, Michel Bergeron, le sourire de Guy, ils m’ont redonné le goût de vivre. « C’est tellement agréable ce qu’il vit présentement. Et dans le fond, je savais que c’était possible. Quand il a pris sa retraite, ça n’avait pas de bon sens. Je n’y croyais pas, il y avait quelque chose qui clochait. Et il était tellement malheureux, personne ne peut imaginer comment il était malheureux. « Ces trois ou quatre années qui ont précédé son congédiement du Canadien ont été épouvantables. Ils m’ont brisé le cœur de façon atroce, ils ont failli détruire mon mariage.

Lise Lafleur à Réjean Tremblay, La Presse, le 18 décembre 1988

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Guy, son fils Martin et sa femme Lise.