Le 18 février, Jaromir Jagr est devenu seulement le troisième joueur des Penguins à voir son chandail retiré, après Mario Lemieux et le regretté Michel Brière. Plus de 50 ans après son trop court passage à Pittsburgh, Brière n’a pas été oublié. Présent à la cérémonie, son fils, Martin, raconte son expérience à La Presse.

Martin Brière ne s’en cache pas : « Je suis un gars gêné dans la vie. »

En 2001, quand les Penguins ont retiré le chandail numéro 21 de son père, Michel, ils lui ont fait savoir qu’il était le bienvenu aux matchs quand il le voulait. « Ils nous ont dit de les appeler. Mais ce n’est pas facile, et c’est gênant. Je me doute qu’ils vont m’inviter, mais je peux payer mes propres billets ! On est de grands fans sportifs, mais c’est un monde qu’on ne connaît pas tant. »

Mais quand les Penguins ont annoncé le retrait du numéro 68 de Jaromir Jagr, Martin Brière a vu l’occasion de cocher un élément sur sa liste de souhaits : assister à un match à Pittsburgh en famille, avec sa femme et leurs trois fils.

Alors il a fait ce qu’il n’aime pas faire. « J’ai écrit à Cindy Himes, la responsable des anciens. Mais mon intention n’était pas d’aller sur la glace ! »

Ce n’était pas son intention, mais ça s’est néanmoins terminé ainsi. Alors le type dans la cinquantaine que l’on voit en première rangée, chandail des Penguins sur le dos, à la gauche de la copine de Jaromir Jagr pendant le discours, c’était lui, Martin Brière.

PHOTO FOURNIE PAR LES PENGUINS DE PITTSBURGH

Martin Brière (au centre) lors de la cérémonie du retrait du chandail de Jaromir Jagr

Mes enfants étaient dans la loge de Mario Lemieux avec ma femme. Moi, je me suis ramassé sur la glace, à côté de la famille de Jagr. Je ne m’attendais pas à ça !

Martin Brière

Un membre de la famille

En 1969, un jeune espoir du nom de Michel Brière débarque à Pittsburgh. À 20 ans, il signe une saison de 44 points en 76 matchs, bonne pour le 3e rang des Penguins, et le 3e rang chez les recrues de la LNH. En séries, il inscrit le but gagnant en prolongation pour permettre aux Penguins de balayer les Seals d’Oakland et remporter la première série de leur jeune histoire. Brière inscrit deux autres buts gagnants dans la série suivante, finalement perdue en six contre les Blues de St. Louis.

Mais une fois la saison terminée, Brière perd la maîtrise de son véhicule et subit un accident de la route. Il mourra après 11 mois dans le coma, le 13 avril 1971.

Son fils, Martin, est architecte sénior principal et associé chez BGLA. Il n’avait qu’un an et demi à la mort de son père. « Mes seuls souvenirs, c’est ce que les gens m’ont dit, et les scrapbooks », convient-il. Mais il a hérité de lui un amour du hockey.

C’est l’évidence même quand il explique s’être retrouvé dans une chaîne de courriels avec les invités. « Je reçois environ 100 courriels par jour, et là, oups, j’ai reçu un courriel de Matthew Barnaby, et un de Kjell Samuelsson. C’est sûr que j’ai accroché sur ces noms-là, je l’ai raconté à mes chums ! »

C’est dans cette chaîne de messages qu’il a compris qu’il était attendu sur la patinoire du PPG Paints Arena en compagnie des autres dignitaires. Alors le gars gêné qu’il est a accepté. « Tant qu’à être là », justifie-t-il.

Pour nous, c’est important, cette histoire. C’est important de ne pas oublier, important que nos garçons gardent le contact avec ce morceau de notre histoire. Un jour, je ne serai plus là, mais mes gars devront savoir d’où on vient. Ils aiment aller en Abitibi pour voir la famille, mais une partie de notre histoire est à Pittsburgh.

Martin Brière

Bowman, Lemieux…

Même à 54 ans, Martin Brière apprend encore des bribes d’information au sujet de son père.

« J’ai eu de belles discussions avec Eddie Johnston, qui a joué contre mon père. J’ai aussi appris que Scotty Bowman connaissait mon père, il avait coaché contre lui et l’avait connu quand il était recruteur, énumère Brière. C’était de belles discussions. Et Paul Steigerwald, l’animateur de la cérémonie, est venu me voir. Il a vu tous les matchs de mon père. Je le savais déjà, mais il me racontait que c’était une nouvelle star. Tout le monde le voyait comme un joueur qui allait faire progresser la concession. »

En revanche, il n’a pas eu le temps d’échanger avec Jagr, ce qu’il comprend. « Il était tellement occupé, et je peux imaginer pourquoi. Juste moi, je ne suis pas connu, mais au retrait du chandail de mon père, j’avais du mal à parler à tout le monde ! »

En fait, il aurait eu une chance de lui parler. « J’aurais dû rester au bar après la cérémonie ! Jagr est arrivé plus tard, mes gars étaient encore là, mais ils n’ont pas osé le déranger », rigole notre homme.

Il a raté le spectaculaire Jagr, mais a passé du temps avec un autre des monuments de cette franchise, moins flamboyant, certes, Mario Lemieux. « Un gentleman, qui se démarque encore en dehors de la glace. Il a une aura », lance-t-il.

« Il est venu nous voir pour nous accueillir, nous parler. C’est important pour nous. On le sent disponible, généreux. Et quand il est parti, il est venu nous voir et a dit : on se verra peut-être au prochain retrait de chandail ! »

On devine donc que Martin Brière sera le bienvenu quelque part dans la prochaine décennie, quand le 87 ira rejoindre le 66, le 68 et le 21 au firmament de Pittsburgh.