(Québec) « Québec a marqué Guy Lafleur et Guy Lafleur a marqué Québec », a joliment résumé vendredi le maire Bruno Marchand.

Si le légendaire hockeyeur a connu ses plus belles années à Montréal, c’est bel et bien dans la capitale qu’il est devenu une vedette, un joueur reconnu, « adulé » même, qui a trouvé dans le quartier Limoilou une deuxième mère, des amis et une nouvelle maison.

« Les gens ne parlaient que de Guy Lafleur à Québec. Il aurait pu être élu maire de la ville ! », lâche son ancien partenaire de trio chez les Remparts Michel Brière.

Guy Lafleur a participé trois années de suite au tournoi pee-wee de Québec, qui venait alors de naître. Ces trois années, l’équipe de Lafleur remporte le tournoi dans sa catégorie. Le 6 février 1964, La Presse publie un article coiffé du titre : « Performance de sept buts de Guy Lafleur ».

Rapidement, le jeune prodige de l’Outaouais se fait un nom dans la capitale. « Avant le tournoi pee-wee de Québec, Lafleur était un bon joueur de hockey de Thurso. Là, il arrive dans un grand tournoi, il épate les foules, il y a 10 000 personnes dans le Colisée », raconte Marc Durand, auteur du livre Guy Lafleur – La naissance d’une idole.

PHOTO FOURNIE PAR LE TOURNOI INTERNATIONAL DE HOCKEY PEE-WEE DE QUÉBEC

Le jeune Guy Lafleur, en 1962, avait épaté la galerie au tournoi pee-wee de Québec.

L’attaquant accepte de venir jouer son hockey junior à Québec, d’abord pour les As, puis pour les Remparts. André Savard se rappelle son arrivée à Québec en 1969. Il débarque d’Amos et est surpris de constater l’engouement autour de son partenaire de trio.

« Ça ne m’a pas pris de temps à me rendre compte que c’était un grand joueur de hockey ! », dit-il.

Les spectateurs aussi s’en rendent compte : les matchs attirent régulièrement 10 000 personnes au Colisée.

PHOTO PAUL-HENRI TALBOT, ARCHIVES LA PRESSE

Guy Lafleur arborait le numéro 4 à l’époque où il jouait pour les Remparts de Québec.

Savard a été particulièrement marqué par un évènement lors de la saison 1969-1970. À deux matchs de la fin, Lafleur avait 94 buts à sa fiche. Les médias se demandaient si le jeune prodige allait franchir la marque des 100 buts.

Le dernier match était à l’extérieur. Guy voulait absolument se rendre à 100 buts au Colisée. Il avait donc un match pour y arriver. Et il l’a fait. Il a marqué six buts en une game. Je n’oublierai jamais ce match-là, jamais. Pour moi, ça, c’est Guy. Tout est là.

André Savard, partenaire de trio de Guy Lafleur chez les Remparts

Puis, l’année suivante, les Remparts remportent la prestigieuse Coupe Memorial à leur deuxième année d’existence. La « légende Lafleur » était à son comble dans la capitale.

Le filet mignon et une « mère adoptive »

À Québec, le lieu de prédilection de Guy Lafleur est le quartier Limoilou. À peu près tous les joueurs des Remparts habitent ce secteur, dont ses deux partenaires de trio.

« On était tous à Limoilou. On n’avait pas d’autos, on marchait aux pratiques », se souvient André Savard.

Les joueurs avaient adopté un restaurant, Le Cendrillon, sur la 3Avenue (un établissement qui n’existe plus, même si un homonyme a ouvert depuis sur la même artère). « On avait moins d’argent, on ne mangeait pas des steaks », note Savard.

Mais Guy Lafleur, à 18 et 19 ans, était devenu une sorte d’ambassadeur du Cendrillon. Il mangeait gratuitement. « Il avait une carte pour 100 repas gratuits et il pouvait inviter du monde. Quand il l’avait terminée, il s’en faisait donner une autre », se souvient Michel Brière.

« Guy, on lui faisait un filet mignon coupé en tranches, c’était l’unique client qui avait ça », raconte l’ancien copropriétaire du Cendrillon Jean-Guy Doyon, qui prêtait souvent sa Mustang à Lafleur pour qu’il se promène à Québec.

PHOTO FOURNIE PAR JEAN-GUY DOYON

Éva Baribeau avec Guy Lafleur

À quelques minutes à pied se trouvait la logeuse du joueur. Éva Baribeau habitait le boulevard Benoît-XV.

C’était sa deuxième mère, comme il l’appelait. Elle est décédée aujourd’hui, mais pendant des années, il allait toujours la visiter quand il passait à Québec.

Marc Durand, auteur du livre Guy Lafleur – La naissance d’une idole

Même après avoir été repêché par le Canadien en 1971, Lafleur a continué de visiter Québec. « Pendant deux ans, il faisait l’aller-retour, il allait aux pratiques du Canadien à Montréal et rentrait à Québec chez Mme Baribeau », se souvient Marc Durand.

Il y a bien sûr eu les années Nordiques, deux saisons de 1989 à 1991. Mais l’équipe était « exécrable » et c’était surtout « pour boucler la boucle », note Durand.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Guy Lafleur et sa femme, Lise, le 28 octobre dernier, lors d’un hommage rendu par les Remparts au Centre Vidéotron

Ses succès à Québec ont eu lieu de 1966 à 1971, des années lointaines qui ont marqué la capitale et certainement le principal intéressé. La dernière sortie publique de Lafleur a eu lieu à Québec, en octobre dernier. Même s’il était très malade, il avait accepté l’invitation des Remparts et de la LHJMQ, qui désiraient l’honorer.

Le maire Bruno Marchand a indiqué vendredi que Québec allait trouver une manière de rendre hommage à son fils adoptif. « Quel sera le meilleur lieu à nommer en son honneur ? Il faudra trouver, en parler à la famille, mais on va trouver. »