Gilbert Delorme se souvient de Guy Lafleur comme d’un ancien du Canadien… mais il se souvient aussi de lui comme d’un Ancien Canadien !

« En arrivant dans la Ligue nationale en 1981, j’ai joué avec Guy pendant trois ans avec le Canadien, se souvient l’ex-défenseur. Mais plus tard, avec les Anciens Canadiens, j’ai dû jouer avec Guy pendant 20 ans. Et c’est là que j’ai vraiment vu ce qu’il représentait pour le monde… »

Au fil de notre conversation en ce vendredi de deuil national, Delorme, aujourd’hui commentateur radiophonique au 91,9 Sports à Montréal, va prononcer le mot « monument » au moins 20 fois en parlant de son ancien coéquipier, dont il connaissait l’état de fragilité depuis plusieurs semaines déjà.

« J’ai moi-même eu mon petit épisode de santé [un AVC], et Guy m’a téléphoné juste après, à la fin janvier, ajoute-t-il. Il n’allait pas très bien, mais il a quand même pris la peine de me téléphoner… et c’est là qu’il m’a dit qu’il était écœuré des traitements contre son cancer, et qu’il avait choisi de tout arrêter. Il m’avait dit qu’il allait devoir prendre du poids, parce qu’il en avait trop perdu… »

Mais avant d’en arriver à cette triste fin, Guy Lafleur avait passé ses années de retraité à faire accourir les foules… toujours en tant que joueur de hockey !

« Je pense qu’il a fini sa carrière avec les Anciens Canadiens, autour de 2010, il devait avoir tout près de 60 ans… Vers la fin avec nous autres, je me souviens qu’il avait mal aux genoux, mal au dos, mais il tenait à jouer pareil, parce qu’il avait sa fierté. Il avait de la misère à marcher, ça devenait de plus en plus difficile pour lui.

« Après ça, quand il a pris sa retraite de joueur avec les Anciens, il est resté avec nous comme coach. Mais il ne coachait pas vraiment, parce qu’il pouvait passer le match au complet à signer des affaires ! Les gens venaient le voir pour se faire prendre en photo, pour lui faire signer des cartes ou des bâtons, et il passait le match à faire ça, pendant que nous autres, on changeait les trios nous-mêmes. C’était pas grave, et Guy n’avait même pas le temps d’ouvrir la porte du banc ; il y avait toujours du monde pour venir le voir et lui parler. Il était de même. »

Tu pouvais le rencontrer pour la première fois de ta vie, et après dix minutes, tu pensais que c’était ton meilleur chum. C’était ça, Guy Lafleur.

Gilbert Delorme

Cette popularité n’était pas que palpable dans les arénas du Québec ; selon Gilbert Delorme, Guy Lafleur provoquait ces vagues d’amour un peu partout où il passait. « C’était aux États-Unis aussi, dans le Canada en entier, en particulier dans l’ouest du pays, ajoute-t-il. Quand on présentait les Anciens Canadiens à la foule, c’était toujours lui le plus applaudi, le populaire, même s’il ne jouait plus dans la LNH depuis 1991. Souvent, on signait des autographes avant ou après les matchs, et la file devant lui était pas mal plus longue que la file devant nous autres ! »

Gilbert Delorme va toujours se souvenir de Guy Lafleur pour deux raisons en particulier. À l’été 1981, juste avant l’ouverture des camps d’entraînement, c’est Lafleur qui l’avait intégré à l’équipe lors des traditionnelles tournées de balle estivale. Ensuite, en 2010 et en plein Centre Bell, le numéro 10 avait disputé ce qui allait s’avérer son dernier match avec les Anciens Canadiens.

Une fois de plus, c’est lui qui avait été le plus applaudi.

« On avait joué contre les Légendes de la LNH et je me souviens de l’accueil du public, de conclure Delorme. C’était spécial parce qu’on le sentait fatigué, mais il tenait à être là. Des vedettes, il y en a dans tous les sports. Mais des bons gars ? Il n’y en a pas tant que ça, et lui, c’en était un. »