C’est le rêve de bien des golfeurs d’aller à St Andrews un jour, pour jouer sur l’Old Course, évidemment, mais aussi pour découvrir la ville qui est considérée comme le berceau du golf.

On peut parier qu’ils seront encore plus nombreux à la fin de la semaine après la présentation du 150Omnium britannique sur le célèbre parcours.

Mon collègue Nicholas Richard a rappelé dans notre numéro de mercredi à quel point le tournoi et tout particulièrement le club Royal & Ancient de St Andrews sont chargés d’histoire. Il suffit de mettre les pieds dans la petite ville de la péninsule de Fife pour réaliser que c’est vrai.

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Attention aux pièges

J’ai eu la chance d’aller à St Andrews à quelques reprises, la dernière en 2015 pour le 144e Omnium.

Au début de la semaine, j’avais suivi avec quelques collègues canadiens le golfeur Graham DeLaet pendant une ronde d’entraînement. Nous marchions derrière lui, au milieu des allées bosselées, en bordure des verts, dans l’herbe longue aussi et même dans une fosse de sable, mesurant combien les golfeurs nord-américains comme DeLaet – qui sont habitués à des parcours bien plats et manucurés – sont dépaysés quand ils débarquent sur un link historique écossais.

Sur l’Old Course, une fois qu’on s’est éloigné des premiers trous, on se retrouve sur une presqu’île dans l’estuaire de la rivière Éden, dans un environnement qui mélange les aires gazonnées truffées de fosses de sable et beaucoup de foin.

En temps normal, il faut un peu de perspicacité pour trouver sa cible à chaque coup. Il y a souvent deux trous sur chaque vert – un pour le neuf d’aller, un pour le neuf de retour – et quatre autres parcours sont directement voisins de l’Old Course.

Pas facile donc de trouver le bon fanion. Lors de ma première visite, une journée d’automne au début des années 1990, je m’étais perdu au troisième trou et c’est un employé du club qui m’avait gentiment guidé dans la bonne direction.

PHOTO GLYN KIRK, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une des nombreuses fosses de sable profondes de l’Old Course de St Andrews

Bien sûr, les installations de l’Omnium guident les spectateurs, et les professionnels connaissent le parcours par cœur. Cela ne les met toutefois pas à l’abri de tous les pièges qui se sont accumulés au cours des siècles et qui guettent la moindre inattention, le coup imprudent, pour punir les golfeurs et leur rappeler où ils sont.

Dieux, démons et fantômes

Dans Golf in the Kingdom, un livre étrange entre le récit sportif, la philosophie et la métaphysique, l’auteur américain Michael Murphy décrit un parcours mythique qui n’est pas sans rappeler l’Old Course et St Andrews et qui devient le théâtre d’une quête initiatique où se mêlent l’histoire et les légendes du golf.

Toute l’habileté du monde ne suffit pas à frapper une petite balle blanche dans un trou de quelques centimètres : il faut aussi un peu de chance et un coup de pouce des dieux, démons ou fantômes du golf. Et vous ne serez pas surpris d’apprendre que plusieurs d’entre eux hantent St Andrews et ses parcours.

À commencer par les Morris.

Old Tom Morris d’abord, dont le nom est partout dans la ville, est né à St Andrews en 1821 et il a été le professionnel du Royal & Ancient jusqu’à sa mort, à 86 ans, en 1908. Quatre fois champion de l’Omnium, il a beaucoup contribué à établir les règles et les codes du tournoi.

Son fils, Young Tom Morris, lui aussi quatre fois vainqueur de l’Omnium britannique, occupe une place encore plus particulière dans l’histoire du golf.

Capable de battre son père à 13 ans, vainqueur d’un premier tournoi professionnel à 16 ans et champion de l’Omnium de 1868 à 17 ans, un record qui n’a jamais été approché dans les tournois majeurs. Encore champion en 1869, en 1870 et en 1872 (l’Omnium ne fut pas disputé en 1871), Young Tom reste le seul à avoir remporté le titre quatre fois d’affilée.

Riche et adulé au début de la vingtaine, il était célèbre partout en Grande-Bretagne et à l’étranger, mais il est mort à 24 ans. Lui aussi est enterré dans la cathédrale de St Andrews, où les guides ne se font pas prier pour raconter ses exploits avec le bel accent écossais.

En 1870, par exemple, jouant avec des tiges de bois et des balles de caoutchouc qui ne pouvaient franchir plus de 200 verges, Morris réussit un pointage de 3 sur un trou de 578 verges, une normale 6 à l’époque !

Selon la légende, Young Tom et son père disputaient un match aux réputés frères Park, à South Berwick, en septembre 1875, quand il reçut un télégramme indiquant que sa femme était sur le point d’accoucher. Après avoir conclu (et remporté) le match, les Morris sautèrent sur un navire pour rentrer à St Andrews. En arrivant, Young Tom apprit que sa femme et l’enfant étaient morts. Il ne s’en remit jamais et mourut à son tour le jour de Noël 1875, à 24 ans, officiellement d’une crise cardiaque, mais notre guide assure qu’il est mort de chagrin.

Et encore aujourd’hui, quand l’orage gronde sur l’Old Course, on raconte que Young Tom est en colère. Et quand une petite pluie mouille les allées, on dit qu’il pleure.