(Atlanta) Le stade Mercedes-Benz, c’est un peu la Rolls-Royce des stades de football.

Étrangement, le domicile des Falcons d’Atlanta et de l’Atlanta United FC et notre Stade olympique ont plusieurs points communs : ils ont une forme peu orthodoxe, les gens se réunissent sur une esplanade donnant sur un grand espace gazonné et il est conçu pour accueillir différents types d’évènements.

Les deux seules différences : un toit rétractable et des équipes qui l’utilisent.

Samedi matin, le centre-ville d’Atlanta était plutôt paisible. Après trois jours de pluie, les rues étaient humides et le temps, maussade.

Atlanta est une ville avec peu de personnalité. Même si plusieurs entreprises ont établi leur siège social dans la ville la plus connue de la Géorgie, la pauvreté est frappante. Le nombre de personnes itinérantes et le bruit des sirènes de police dominent le paysage.

Mais en cette veille de match, aller visiter l’un des plus gros stades en Amérique du Nord était une nécessité. Simplement pour éviter les perturbations d’un dimanche de football et ainsi pouvoir admirer ce stade dans toute sa splendeur, le plus près possible.

Le stade est invisible depuis la ville, étouffé par la hauteur des édifices. Mais en montant le chemin Martin-Luther-King, les pointes caractéristiques du dôme émergent. Cependant, le paysage était pollué par les routes en construction. On se sentait comme à la maison.

Et plus on monte, plus le stade Mercedes-Benz est visible. Entièrement gris, le stade affiche clairement son commanditaire. C’est à peine si on ne voit pas les visages d’ange de Lewis Hamilton et de George Russell sur le toit.

Le stade est neuf, étincelant, imposant et flamboyant.

PHOTO NICHOLAS RICHARD, LA PRESSE

Le stade Mercedes Benz à Atlanta

D’ailleurs, c’est ce qui est le plus frappant au premier coup d’œil. La hauteur du bâtiment. Avec son architecture en pointes, un peu comme une marguerite à légumes en acier inoxydable, l’effet est sidérant.

Cette hauteur avait d’ailleurs marqué Matthew Bergeron à sa première visite dans le stade. « C’est bizarre, mais on dirait que vu que c’est haut, ça paraît encore plus gros que ce l’est réellement », a dit le Québécois il y a quelques jours.

Le stade est utilisé depuis 2017 et sa construction a nécessité trois ans et 1,6 milliard de dollars américains. Il est au troisième rang des plus récents de la NFL et le 10e en matière de capacité avec 71 000 sièges. Il a déjà été l’hôte d’un Super Bowl et de finales de football universitaire.

L’amphithéâtre demeure l’emblème sportif de la ville. Une fierté, même, diront certains passants. Comme devrait l’être un stade sportif au milieu d’une métropole.

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« Monsieur ! Tout va bien ? », me crie une garde de sécurité aux abords du stade, pendant que je prends une 42e photo du dôme. Photo qui finira sans doute dans la corbeille une fois de retour à Montréal, comme 40 de ses semblables.

Mes allures de touriste à Mont-Tremblant ont sans doute éveillé ses soupçons. Elle savait que je n’étais pas du coin. C’était ça, ou ma veste de l’Université de Montréal. Allez savoir.

« Qu’est-ce que vous faites ici ? », lance la femme. Donna, de son prénom.

« Je suis ici pour couvrir Matthew Bergeron, un gars du Québec qui joue sur votre ligne offensive. »

Rarement ai-je vu autant de doute dans le visage d’une dame.

Peut-être que Bergeron lui était encore inconnu. Ou c’était l’accent de Saint-Jérôme. Allez savoir.

« Vous couvrez le football ? Le football américain ? On lance le ballon, nous, on ne le kick pas, vous savez ? »

Ne comptez pas sur Donna, donc, pour assister à la demi-finale de la division de l’Est entre les Alouettes et les Tiger-Cats de Hamilton. Elle était étonnée de savoir que les Canadiens jouaient aussi au « vrai » football.

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Et en faisant le tour du stade, des gens vêtus de rose marchaient en sens contraire. Au départ, ils se comptaient sur les doigts des deux mains, mais ils ont fini par être très nombreux. Au loin, Crank That résonnait. Comme en 2007, des gamins ne comprenant peut-être pas le message de la chanson dansaient en se déhanchant le bassin. On sait que quelque chose se passe quand Soulja Boy est de la partie.

En descendant des escaliers roulants pour se rendre finalement sur ladite esplanade, une mer de personnes vêtues de rose était là, sur une gigantesque aire gazonnée.

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Des gens de tous les horizons se sont réunis à Atlanta samedi pour participer à une marche pour récolter des fonds pour la recherche sur le cancer du sein.

La raison : une marche de 4,8 kilomètres pour récolter des fonds pour la recherche sur le cancer du sein et pour honorer des survivants organisée par la Société américaine du cancer.

Des gens de tous les horizons ayant en commun le désir de combattre cette fichue maladie.

Des femmes comme des hommes. Après tout, 2800 hommes seront atteints du cancer du sein aux États-Unis en 2023 et 530 en mourront, selon les données de la Société.

Heureusement, 4 millions de survivants du cancer du sein peuvent voir le soleil se lever tous les matins aux États-Unis. Entre 1989 et 2020, le nombre de survivants a augmenté de 43 %.

C’est le cas de Doris, qui était là avec sa jeune fille, perruque rose sur la tête pour cacher son crâne abîmé par les traitements. Sa progéniture dansait au son de Baby, de Justin Bieber.

Mais il y a également ceux qui n’ont pas survécu et qui étaient honorés. Comme Edna, dont la sœur Maria tenait une pancarte en son honneur sur laquelle figurait le visage de celle qui est devenue un ange, il n’y a pas si longtemps de cela.

Et des pancartes comme celle-là, il y en avait des dizaines. Comme des chandails aux slogans thématiques.

À ce moment, le football était devenu bien secondaire. Parce que le sport, on n’en meurt pas. Le cancer du sein, oui. Mais dans les deux cas, il est possible de trouver du beau. Samedi, toutes ces familles avaient bien l’intention de faire du beau avec du laid.

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Lorsque la pièce You Don’t Know You’re Beautiful du groupe One Direction s’est mise à jouer, Malcolm a tranquillement commencé à quitter les lieux. Un hasard ? On ne le saura jamais.

Il portait un chandail rose sur lequel était inscrit « Your fight is our fight » (Votre bataille est notre bataille).

Difficile de deviner l’âge de Malcolm, mais il avait certainement connu Ray Charles dans ses années de gloire.

« Je vis ici depuis toujours. Dans ce quartier. Cette rue, c’est ma rue », dit-il en marchant sur le chemin State Farm.

Et on est arrivés devant le State Farm Arena, l’ancien aréna tout vitré des Thrashers d’Atlanta, situé à cinq minutes à pied du stade Mercedes-Benz.

« Vous souvenez-vous des Thrashers ?

— Qui ? répond-il.

— Les Thrashers, un club de la Ligue nationale de hockey qui jouait ici avec Dany Heatley, Ilya Kovalchuk, Marian Hossa…

— Je ne sais pas de quoi tu parles. Ici, on ne joue pas au hockey, on joue au basket. »

Malcolm ne devait donc pas être au fait de la bataille à trois devant le filet du Canadien.

Il est entré dans la tour CNN en disant, de dos, et la main en l’air : « Si tu as d’autres questions, je suis ton homme. »

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Cette balade dans Atlanta s’est terminée en sueur devant les anneaux olympiques des Jeux de 1996. Lorsque le soleil s’installe, il reste comme de la mauvaise visite un soir d’été. Le genre de visite qu’on raccompagne jusque dans l’allée, mais qui reste pour jaser même après le quatrième « bon, à la prochaine ! »

PHOTO NICHOLAS RICHARD, LA PRESSE

Les anneaux olympiques à Atlanta

Atlanta, ville des Braves et ville de braves.

Ville des faucons et des aigles.

Mais un peu moins des Thrashers.

Comme à Montréal et à Québec, ils ont eux aussi perdu une franchise (deux fois plutôt qu’une). La différence, c’est que chez nous, on s’en souvient et on l’espère encore. À Atlanta, ils l’ont oubliée et ils la retrouveront peut-être avant longtemps.