Danny Maciocia se dirigeait vers le vestiaire des Alouettes après son point de presse avec les journalistes à la suite de la victoire des siens, dimanche dernier, lorsqu’il a entendu une voix familière qui l’appelait.

« Je me suis retourné, et c’était Khari [Jones]. On a parlé ensemble durant plusieurs minutes et je pense que c’est une discussion qui nous a fait du bien, autant à moi qu’à lui. C’était important. On s’est dit qu’on s’appréciait énormément. Khari est une bonne personne, c’est presque impossible de ne pas l’aimer », a raconté Maciocia au journaliste de La Presse, vendredi.

« Je lui ai dit que ça n’avait jamais été le plan [de le congédier]. Lorsque la saison a débuté, je n’ai jamais pensé qu’on s’affronterait dans un match éliminatoire. »

Embauché par les Tiger-Cats de Hamilton comme consultant après son départ des Alouettes, Jones n’avait jamais reparlé à Maciocia depuis son congédiement. Quelques mois après la fin de leur mésaventure, il semble que les deux hommes aient fait la paix.

Je lui ai dit que j’avais énormément de respect pour la personne et l’entraîneur qu’il est. On s’est donné une bonne poignée de main et on s’est dit qu’on se reverrait sûrement lors du camp d’évaluation de la LCF [en mars à Edmonton].

Danny Maciocia, entraîneur-chef des Alouettes, au sujet de Khari Jones

À moins d’être un sans-cœur, ce n’est jamais facile pour un directeur général de congédier qui que ce soit. Et peu importe ce qu’en ont pensé certains — surtout au Canada anglais —, Maciocia a bel et bien remercié Jones parce qu’il jugeait que c’était préférable pour les Alouettes, pas pour prendre sa place sur les lignes de côté.

« Je m’y attendais. Je me suis fait critiquer durant tout mon séjour à Edmonton, même si on s’était rendus en finale trois fois et qu’on avait gagné deux Coupes Grey en quatre ans. Même si on a gagné la Coupe Grey lorsque j’étais l’entraîneur-chef, je suis “passé au batte”. Alors je m’attendais exactement à ce genre de réaction. »

Cela dit, le congédiement de Jones n’a pas fait l’unanimité, même au sein des Als. Maciocia a lui-même avoué qu’il avait rencontré une certaine résistance de la part des joueurs. L’équipe a d’ailleurs perdu trois de ses quatre premiers matchs avec Maciocia comme entraîneur intérimaire.

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Khari Jones, ex-entraîneur-chef des Alouettes

Le départ de Jones, une fiche de 2-6, la bisbille chez les propriétaires du club, l’échange de Vernon Adams fils, l’épisode de leurre d’une mineure impliquant l’ancien joueur Christophe Normand… Les derniers mois n’ont pas été de tout repos pour Maciocia.

« J’aurais besoin d’une journée complète pour te raconter comment j’ai vécu tout ça. D’un point de vue personnel, la saison a vraiment été difficile. Il n’y a rien eu de normal cette année. Sur le plan professionnel et au niveau personnel, aussi. Il y a tellement eu d’épreuves que je sentais que la vie me testait. »

Un sanctuaire

La vie était-elle plus simple lorsque Maciocia dirigeait les Carabins ? Bien sûr que si. Menée par l’excellente Manon Simard, l’organisation des Bleus est solide. Et, disons-le, la compétition au football universitaire est un tantinet moins redoutable lorsqu’on fait partie des Carabins ou du Rouge et Or qu’elle ne l’est dans la LCF…

Maciocia a-t-il regretté son choix ?

« Je ne cacherai pas que ça m’a effleuré l’esprit au cours de la saison. Mais on a seulement une vie. Il faut se pousser pour voir ce qu’on peut accomplir », estime-t-il.

Je ne voulais pas vivre avec des regrets. Je suis content d’être ici, même si je suis conscient qu’il y a encore beaucoup de travail et que c’est loin d’être une situation idéale.

Danny Maciocia, entraîneur-chef des Alouettes

« J’ai la chance d’être bien entouré. Le vestiaire et nos bureaux sont devenus une espèce de sanctuaire pour moi. Je pensais moins à tout ce qui se déroulait lorsque j’étais avec les joueurs, les entraîneurs adjoints et les gens de l’organisation. »

Durant notre entrevue, Maciocia a mentionné le nom du président du club, Mario Cecchini, à quelques reprises. Embauchés au même moment, les deux Québécois entretiennent une très bonne relation.

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Mario Cecchini, président des Alouettes

« Je pense qu’il n’y a pas eu un seul matin où Mario et moi n’avons pas pris le temps de parler ensemble. En arrivant au stade, on commençait nos journées de cette façon, et ça donnait le ton. C’était quasiment thérapeutique ! Ça m’a fait énormément de bien. Mario m’a beaucoup aidé à traverser cette saison mouvementée. »

Nouvel entraîneur en 2023

Les Alouettes disputeront la finale de l’Est aux Argonauts, dimanche (13 h) à Toronto. S’ils l’emportent, ils atteindront leur premier match de la Coupe Grey depuis 2010. Il pourrait fort bien s’agir du ou des derniers matchs de la carrière d’entraîneur de Maciocia.

« Je préfère dire 99,99 % que 100 % parce qu’on ne sait jamais ce qui peut se produire au football, mais je veux me concentrer sur mon poste de DG à compter de la saison prochaine », a réitéré Maciocia.

Décisions majeures à venir

Il reste tout au plus une dizaine de jours à la saison 2022 des Alouettes. Danny Maciocia doit déjà réfléchir à ce qui attend l’organisation. « On aura beaucoup de travail dans les prochaines semaines. On se concentre sur le match de dimanche, mais je peux vous dire que les idées circulent à 200 km/h dans ma tête. Il y aura des décisions majeures à prendre. » En plus du poste d’entraîneur-chef qui devra être pourvu, aucun entraîneur adjoint actuel n’est sous contrat en vue de 2023. C’est sans parler des joueurs clés, dont Eugene Lewis et Trevor Harris, qui pourraient obtenir leur autonomie en février. « On ne sait pas trop ce qui va se passer au niveau des propriétaires. Est-ce que je pourrai m’asseoir et commencer à négocier pour mettre notre groupe d’entraîneurs en place ? Ça s’en vient vite tout ça… », a rappelé Maciocia.

L’importance des Québécois

S’il y a une chose qui semble certaine chez les Alouettes, c’est que la présence des Québécois sur le terrain et à l’extérieur de celui-ci demeurera extrêmement importante tant et aussi longtemps que Maciocia sera responsable des opérations football. « On avait 13 Québécois en uniforme la semaine dernière », a-t-il d’ailleurs souligné, vendredi. « Ma philosophie pour bâtir l’équipe, c’est d’embaucher le plus de Québécois possible. Je ne veux pas qu’ils aient à quitter Montréal, comme j’ai dû le faire, pour aller faire leurs preuves ailleurs au Canada. On a de bons joueurs, de bons entraîneurs et de bons dirigeants chez nous. Et on va les garder ici. »