Lorsque Laurent Duvernay-Tardif est apparu à l’écran pour sa visioconférence avec les journalistes, mercredi après-midi, c’était très étrange de le voir vêtu aux couleurs des Jets de New York. Au terme du point de presse virtuel une trentaine de minutes plus tard, on était déjà habitué à le voir en vert.

Le footballeur est-il déçu d’être passé des Chiefs de Kansas City, doubles champions de la Conférence américaine, aux Jets ? Non. La preuve ultime, c’est que Duvernay-Tardif contrôlait sa propre destinée.

« Les Jets ont téléphoné aux Chiefs il y a quelques semaines pour leur signaler leur intérêt. J’avais une clause de non-échange, alors tout devait passer par moi. Dans une business qui, comme on le sait, est assez dure, je pense que tout s’est fait de façon humaine. Il y avait une bonne communication entre les Chiefs, moi et les Jets. »

Vous le devinerez, les derniers jours ont été chargés en émotions pour le Québécois, qui a revêtu l’uniforme des Chiefs pour la première fois de la saison, et sûrement la dernière fois de sa carrière, lundi soir.

« Tout s’est passé tellement vite. On jouait à Kansas City lundi soir ; on parlait d’un échange mardi ; on l’a conclu à 15 h ; puis à 18 h, j’étais dans l’avion.

« Je suis très excité d’être ici, je pense que je n’ai pas dormi de la nuit ! C’est un vent de fraîcheur, du renouveau, une nouvelle aventure. Et c’est plus près de la maison [de Montréal]. »

Certaines personnes se demandent pourquoi Duvernay-Tardif n’a pas tout simplement choisi de mettre fin à sa carrière plutôt que de se joindre aux Jets. La réponse est très simple : parce qu’il veut jouer au football. Il a d’ailleurs avoué que les derniers mois lui avaient fait réaliser combien il aimait son sport.

« Pour moi, le statu quo à Kansas City n’était pas envisageable parce que je voulais jouer.

« Je ne retournais pas à Kansas City pour l’argent, je revenais pour jouer, contribuer et gagner un autre Super Bowl. Les carrières dans la NFL ne durent pas indéfiniment, alors on doit parfois prendre des décisions qui sont difficiles, mais qui, en même temps, nous donnent de nouvelles occasions. »

Nouveau glossaire à apprendre

Les Jets disputeront leur prochain match ce jeudi soir contre les Colts à Indianapolis.

Duvernay-Tardif n’a pas fait le voyage avec sa nouvelle équipe, ce qui n’est pas le moindrement étonnant. Le football n’est pas comme les autres sports en ce sens qu’un joueur doit notamment apprendre et mémoriser une centaine de jeux ou plus avant de se lancer dans le feu de l’action. Les jeux sont similaires d’une équipe à l’autre, mais leur appellation est complètement différente la plupart du temps.

« Je vais profiter des prochains jours pour m’installer [à New York], pour apprendre le livre de jeux, le vocabulaire, la façon dont on communique sur la ligne offensive afin de pouvoir pratiquer à plein régime à partir de lundi. »

Je dois me familiariser avec la culture de l’organisation, le livre de jeux et le système offensif afin de [décrocher] un poste. On ne peut tenir rien pour acquis dans la NFL.

Laurent Duvernay-Tardif

Duvernay-Tardif a rencontré sa nouvelle équipe, mercredi matin, et a pris part à la pratique marchée (walk through) avant son départ pour Indianapolis. Le garde pourra s’entraîner avec ses coéquipiers à compter de lundi, mais une période d’acclimatation d’au moins quelques semaines est à prévoir avant qu’il puisse disputer une partie.

« C’est une chose de connaître les jeux sur papier, mais c’est différent lorsqu’on joue un match devant 80 000 spectateurs et qu’on est en situation de troisième essai avec 15 verges à franchir… Il faut être capable de se rappeler les jeux dans ces moments. Mes premières journées d’entraînement seront cruciales pour voir à quelle vitesse je pourrai m’intégrer au sein de l’alignement.

« Je n’avais aucune connaissance du football américain lorsque je suis arrivé chez les Chiefs. Mais je regardais les jeux [des Jets] ce matin et je reconnaissais plusieurs concepts. La différence, c’est qu’ils s’appellent différemment. Le glossaire et la terminologie sont différents, alors ce sera de voir à quelle vitesse je pourrai assimiler tout ça. »

Avant d’accepter son transfert aux Jets, Duvernay-Tardif a bien étudié le jeu des Jets. Et il a aimé ce qu’il a vu chez la jeune équipe.

« Je pense que mon style de jeu cadre plutôt bien avec leur système offensif et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai choisi de me joindre à eux.

« Je pense que je peux apporter beaucoup à cette équipe. J’espère que ce sera dans un rôle de partant, mais si ce n’est pas le cas, ce sera de participer en sentant que je fais partie d’une organisation qui me veut et qui voit un potentiel en moi. »

Aucune amertume

Duvernay-Tardif n’a pas caché qu’il avait trouvé la première moitié de saison difficile à Kansas City. Lorsqu’il est revenu au jeu avant le début de la saison après avoir subi une fracture à une main durant le camp d’entraînement, il a compris qu’il ne faisait plus partie des plans de l’équipe.

PHOTO STEVE LUCIANO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Laurent Duvernay-Tardif au Super Bowl en février 2020

« Ce n’était pas facile de savoir que j’étais en pleine forme et de ne pas avoir l’occasion de jouer.

« Plus la saison progressait, plus je voulais faire partie d’une organisation qui me désirait. Et les Jets voulaient vraiment m’obtenir puisqu’on discutait depuis trois semaines. Ça avait du sens de résilier la clause de non-échange afin de pouvoir faire partie d’une équipe qui construit quelque chose de nouveau et de différent. Je voulais en faire partie.

« C’est une bonne chose pour tous les côtés. Je me place dans une meilleure position afin d’avoir des chances de jouer, ce qui est mon but ultime, et les Jets bénéficieront d’un bon garde, j’en suis sûr. »

N’allez cependant pas croire que Duvernay-Tardif a de l’amertume pour son ancienne équipe. Lui, Andy Reid et les autres entraîneurs des Chiefs ont discuté ensemble, mardi, et tout s’est fait dans le respect et de manière positive. Que de bons souvenirs.

« Je ne serais pas ici aujourd’hui si les Chiefs ne m’avaient pas repêché en 2014. Je suis très reconnaissant pour tout ce que cette organisation a fait pour moi.

« Dans mon esprit, la dernière fois que j’ai joué un match [pour les Chiefs], c’était lorsqu’on a gagné le Super Bowl à Miami [en février 2020]. Alors ce n’est pas une mauvaise façon de finir ma carrière avec Kansas City. »

Nouveau contrat ?

Comme tout le monde, Duvernay-Tardif veut se sentir désiré par son employeur, comme ce sera sûrement le cas avec les Jets. Il est également enthousiaste de faire partie d’une équipe menée par un nouvel entraîneur-chef, Robert Saleh, et qui tente de s’établir comme une formation gagnante.

« C’est excitant de faire partie d’une nouvelle organisation. Il y a un stress de s’intégrer à une nouvelle équipe, mais à partir du moment où j’ai accepté l’échange, j’ai vu ça positivement. J’ai été privilégié de faire partie d’une seule organisation pendant huit ans, mais je suis curieux de voir autre chose. Je pense que mon expérience NFL sera plus complète grâce à cette opportunité. »

« Lorsqu’une équipe nous manifeste de l’intérêt, on se sent désiré. On dirait qu’on est toujours en train de se battre pour sa place dans la NFL. À Kansas City, j’avais beau me battre, il y avait moins d’ouverture de leur part au cours des dernières semaines. Voir qu’il y avait encore de l’intérêt pour moi, même si je n’avais pas joué depuis 18 mois, malgré la masse salariale et le contrat, ça donne une dose de confiance. »

Duvernay-Tardif devra tout de même trouver ses repères chez les Jets.

Je pars de zéro, c’est comme lorsque je suis arrivé au secondaire après le primaire.

Laurent Duvernay-Tardif

« On dirait qu’on a tout l’avenir devant nous et c’est quelque chose qui m’excite. »

Ce qui nous amène à la fameuse question : Duvernay-Tardif souhaite-t-il poursuivre sa carrière dans la NFL en 2022 et pour les années suivantes ou non ? Accepterait-il de signer une prolongation de contrat avec les Jets ?

« Ça a absolument fait partie des conversations qu’on a eues avant d’accepter l’échange, mon agent et moi. Je ne pense pas que je serais ici aujourd’hui si j’avais la mentalité que c’est assurément ma dernière saison.

« J’ai eu des discussions avec la faculté de médecine pour voir ce qui était possible. Je n’ai pas de garantie de ce qui va arriver, car je ne sais même pas si je vais jouer. Mais ce que je sais, c’est que tout est sur la table. [Selon] la façon dont les choses iront, on verra pour la suite. Je ne ferme aucune porte. »