Simone Boilard s’est d’abord excusée de son léger retard en rappelant de Nice, mardi.

« Désolée, je suis passée à la pharmacie pour mes ampoules. Je croyais que ça prendrait trois minutes. Mais la pharmacienne n’a vraiment pas aimé ce qu’elle a vu… Elle m’a sorti plein de produits et ça a duré 20 minutes. »

Guillaume Boivin, lui, était de retour en Andorre quand il a enfourché son vélo pour une sortie d’entraînement. « J’ai fait 200 mètres et je suis retourné chez nous… »

L’une et l’autre constataient les dégâts après avoir disputé la classique Paris-Roubaix, le week-end dernier.

Malgré des précautions particulières après la reconnaissance – relèvement des cocottes de frein et doublement du ruban de cintre –, Boilard n’a pas échappé aux ampoules durant l’épreuve de 145,4 km, dont près de 30 km de secteurs pavés, samedi.

« Je pense vraiment que j’ai la peau fragile », a estimé la cycliste de 22 ans, qui s’est pourtant appliquée à ne pas agripper son guidon trop fort.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE SIMONE BOILARD

Simone Boilard à l’arrivée de Paris-Roubaix, samedi

« Je regarde les autres filles et personne n’a fait d’ampoules comme moi. Je l’ai senti dès le premier secteur. Ça me faisait mal. Je me suis dit : ‟Je ne vais pas trop m’affoler.” Mais dans le dernier secteur, j’ai roulé à une seule main parce que la gauche me faisait super mal. Je pense que j’ai la peau particulièrement mince et moite. Finalement, mes mains ne sont pas faites pour les pavés ! »

Le lendemain, Boivin a vécu le même désagrément sur les pavés de l’Enfer du Nord. Une grosse cloque de sang s’est formée dans sa paume gauche pendant la course de 256,6 km, dont 54,5 km sur des routes étroites fendant des champs de betteraves.

Cette idée, aussi, de ne pas porter de gants… « Je n’en ai jamais mis et c’est la première année que ça me fait ça », a relaté le vétéran de 33 ans. « Les autres années, je n’avais pas une ampoule, rien, puis cette année, j’ai la main gauche assez maganée. »

Le coureur d’Israel-Premier Tech ne trouvait pas d’explication à ce carnage : « Je ne sais pas pourquoi. La seule chose que je vois, c’est que j’ai changé pour un guidon un peu plus étroit. Peut-être que les points d’appui sont un peu différents. C’est peut-être ce qui a fait la différence, mais j’étais surpris. »

PHOTO FOURNIE PAR GUILLAUME BOIVIN

L’état de la main de Guillaume Boivin au lendemain de Paris-Roubaix, lundi

Boivin n’enfile jamais de gants sur son vélo. « C’est peut-être niaiseux, mais ça me coupe la circulation entre les doigts. Mes mains deviennent toutes engourdies avec des gants. Ce n’est pas parce que je ne veux pas. Si je pouvais, j’en mettrais. »

« Je voyais la peau en train de s’arracher »

Boivin n’était pas le seul à pédaler mains nues à Paris-Roubaix. Le Néerlandais Mathieu van der Poel, entre autres, a levé les bras sans gants, comme d’habitude. Le Belge Tom Boonen a également décroché quelques-uns de ses quatre succès sans s’encombrer de cette pièce de l’habillement.

« Je ne suis pas convaincu que ça change grand-chose pour les ampoules », a jugé Boivin, qui avait terminé neuvième dans la boue en 2021.

Ralenti par une chute dans la Trouée d’Arenberg, le Montréalais s’est contenté du 45e rang dimanche. La bulle de sang a fini par éclater, éclaboussant sa jambe.

PHOTO FOURNIE PAR GUILLAUME BOIVIN

La jambe tachée de sang de Guillaume Boivin

« Les 35 derniers kilomètres, ce n’était pas cool. Je voyais la peau en train de s’arracher au complet. Quand je me levais sur les pédales, je sentais ma main qui bougeait… Aujourd’hui, je n’ai pratiquement plus de peau sur ma paume. »

D’où sa décision de rebrousser chemin après quelques coups de pédale mardi, même s’il s’était fait un bandage et avait exceptionnellement enfilé des gants. Cet inconfort pourrait compromettre sa participation à l’Amstel Gold Race, dimanche, aux Pays-Bas.

Deux jours après Paris-Roubaix, Simone Boilard s’est pour sa part alignée au Ronde de Mouscron, terminant huitième sous la flotte, lundi, en Belgique.

« Je me suis bien tapé la main et je ne l’ai pas trop sentie, a indiqué la native de Limoilou. Mais depuis la course, on dirait que ça les a un peu réveillées. Là, elles ne sont pas très belles. Je dois en prendre soin cette semaine. »

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La main gauche de Simone Boilard après sa 8e place au Ronde de Mouscron, lundi

Boilard pourra demander conseil à son amoureux Nickolas Zukowsky, qui est sorti de sa première participation à Paris-Roubaix sans la moindre égratignure aux mains.

« Je n’ai absolument rien, on dirait que je n’ai pas fait de course du tout », a-t-il noté de la Belgique, où il s’alignera mercredi sur la Flèche brabançonne.

Retardé par un problème de selle avec un peu plus d’une centaine de kilomètres à faire, le cycliste de Q36.5 n’a jamais véritablement été au cœur de la bataille dans les secteurs pavés, ce qui explique peut-être la bonne condition de ses mains, a-t-il estimé.

Comme ses deux compatriotes, l’athlète originaire des Laurentides a déjà hâte à son prochain Roubaix.

« J’en ai quasiment des frissons rien que d’y repenser, a exprimé Zukowsky, 125e à l’arrivée. Dans la course, tu es tellement sur l’adrénaline. Tu as mal, c’est dur, mais après, on dirait que tu as le juste le goût d’y retourner. »

Une erreur coûteuse

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE SIMONE BOILARD

Avant le départ du Ronde de Mouscron, lundi en Belgique

Simone Boilard a passé la nuit de samedi à dimanche à ruminer son erreur d’inattention dans le Carrefour de l’Arbre, secteur clé dans lequel elle est entrée dernière du groupe des favorites, ce qui lui a coûté sa place quand une coureuse a perdu la roue de Marianne Vos (10e), trois longueurs de vélo devant.

« Le temps que je relève la tête et que je le réalise, le groupe nous avait pris 10 secondes. Il y avait ensuite un enchaînement de virages que je n’ai pas pris assez vite techniquement. Le 10 secondes est rapidement devenu 30 secondes. Avec un vent de face, tu ne reviens pas sur un groupe qui roule à bloc avec Lotte Kopecky [7e], Vos et compagnie. »

La cycliste de 22 ans s’en voulait d’avoir ruiné sa course sans que ce soit attribuable à une chute ou à un pépin mécanique, pratiquement inévitables sur les pavés de la « reine des classiques ».

« En plus, je me sentais super bien sur les pavés et je voyais que ce n’était pas le cas d’autres filles. Ça attaquait, Kopecky a vraiment envoyé et j’arrivais à suivre. Je me disais : ‟Le pire est fait, il reste le Carrefour de l’Arbre, on va revenir sur les échappées et on arrive au vélodrome.” J’ai comme soufflé et c’est là que j’ai fait mon erreur. Ma course s’est arrêtée comme ça. »

La représentante de l’équipe française St Michel-Mavic-Auber93 s’est néanmoins rendue jusqu’au vélodrome de Roubaix pour couper la ligne à la 39e place, à 1 min 45 s de la gagnante, sa compatriote Alison Jackson.

« Au final, c’est con, parce que ce n’était pas du tout les jambes ou quoi que ce soit d’autre, le problème. J’ai fini la course et j’aurais pu aller faire d’autres pavés ! »