Les écuries peuvent-elles avantager un pilote et décider du résultat des courses, au motif qu'elles attendent un retour sur leur investissement en Formule 1 ? : la polémique autour des consignes d'équipe agite le Grand Prix de Hongrie après l'incident Massa-Alonso d'Hockenheim.

Cinq jours se sont passés depuis qu'ordre a été donné à Felipe Massa de laisser la victoire à son coéquipier espagnol chez Ferrari. Cinq jours nécessaires pour que l'incident soit commenté, disséqué et maintenant raconté dans de nombreux médias.

L'Espagnol se serait d'abord plaint de la situation «ridicule» dans laquelle il se trouvait : plus rapide que son partenaire, Alonso, mieux placé au classement que Massa, aurait peu apprécié de devoir attendre une éventuelle faute du Brésilien pour le dépasser, selon la presse spécialisée.

Mais Massa tenait à sa première place. Et n'aurait accepté qu'à la troisième sommation radio, selon le site allemand Auto Motor und Sport, la quatrième selon le quotidien A folha de Sao Paulo, d'obéir aux ordres de son équipe. Soit freiner, peu discrètement, au 49e tour pour qu'Alonso prenne la tête.

Depuis lors, la Scuderia et ses pilotes vivent un calvaire. Alonso, qualifié de champion «sale» se voit moqué pour sa victoire «volée». Ferrari est tancé pour avoir donné des consignes d'équipe, ce que le règlement de la Fédération internationale de l'automobile (FIA) interdit depuis 2002.

Et Massa est cloué au pilori. Au Brésil, certains fans le renient en ligne. D'autres estiment qu'il est une «honte» pour son pays. Quelques uns vont jusqu'à souhaiter qu'il ne soit pas ressorti vivant de son terrible accident à Budapest en 2009, qui l'avait plongé plusieurs jours dans le coma.

«Pas la première fois»

Dans le paddock, Espagnols et Italiens, favorables à Alonso et Ferrari, se montrent très tolérants envers les rouges, quand le reste de la presse l'est bien moins.

L'opposition vire à l'intrigue. Un email signé «Les mini pilotes et l'espion du paddock», un pseudonyme censé représenter «la voix de l'Espagne», est envoyé à tous les journalistes, pour s'indigner du traitement orienté de l'épisode par la presse britannique.

«Ferrari a peut-être manqué de tact au moment de faire passer Fernando, mais beaucoup d'autres équipes ont agi de même auparavant», observent les pseudo espions, pointant de «curieuses» «erreurs de calcul» d'essence chez McLaren au dernier GP de Turquie, pouvant s'apparenter à des consignes d'équipe masquées.

«Cela s'est produit si souvent depuis 2002. Pour la victoire, c'est un peu différent, mais les gens qui pensent que c'est la première fois que cela arrive sont en plein rêve. Ce n'est pas la première fois», reconnaît, réaliste Mark Webber.

L'accident volontaire de Nelson Piquet Jr au GP de Singapour 2008, conçu par la tête de l'équipe Renault pour bénéficier à son coéquipier d'alors, Fernando Alonso, qui avait effectivement remporté cette course, en est une illustration extrême.

«Il est très difficile de contrôler les consignes d'équipe. Cela fait quarante ans qu'elles existent et elles continueront dans le futur, ajoute le pilote Red Bull. C'est mieux de le faire comme (Ferrari), ouvertement, que de manquer délibérément un arrêt aux stands.»

D'où la réflexion de nombreux pilotes et directeurs d'écurie, non pas d'arrêter ces consignes, mais de les encadrer. Interrogés à ce sujet vendredi en conférence de presse, les patrons des écuries Ferrari, Red Bull, Renault et Hispania ont unanimement appelé la FIA à dépoussiérer cette règle.