Raté. Michael Schumacher savait que ses chances de remporter son huitième titre mondial étaient extrêmement ténues. Il savait depuis samedi, après qu'une panne de pompe à essence l'ait relégué à la dixième place de la grille de départ, qu'il faudrait un miracle pour le voir couronné.

Raté. Michael Schumacher savait que ses chances de remporter son huitième titre mondial étaient extrêmement ténues. Il savait depuis samedi, après qu'une panne de pompe à essence l'ait relégué à la dixième place de la grille de départ, qu'il faudrait un miracle pour le voir couronné.

Mais alors que l'Allemand, tout au long de sa carrière, a souvent été qualifié de pilote plutôt chanceux- en plus de son indiscutable talent-, voilà que le sort n'a pas oublié de le rattraper ces deux dernières semaines, comme si le destin voulait rééquilibrer la poisse juste avant que le septuple champion du monde ne prenne sa retraite.

Après l'explosion de son moteur au Japon, et après sa panne de samedi, voilà que Michael Schumacher a subi un troisième coup du sort, une crevaison. C'est en doublant Giancarlo Fisichella que la Ferrari a effleuré l'aileron avant de la Renault, causant une perte de pression immédiate dans son pneu arrière gauche.

Le pilote Ferrari avait tenté l'impossible, il a échoué. Mais quel échec! Rentré aux stands, reparti 19e et dernier, il a remonté le peloton, place après place, course-poursuite d'autant plus hallucinante qu'elle était inutile. Réussissant ses plus beaux dépassements au fil du combat, Michael Schumacher s'est défoncé jusqu'au drapeau à damier, signant le record du circuit lors du 70e et avant-dernier tour. Son dépassement de Kimi Raikkonen, en toute fin d'épreuve, époustouflant de maîtrise, a mis un terme en beauté à une carrière de 249 Grands Prix.

À l'arrivée, celui qui ne fut pas champion pour la huitième fois se moquait de cet échec, presque occulté par son extraordinaire prestation en piste.

Serrant contre lui ses mécaniciens, ses amis, sa famille, l'Allemand réussit à ne pas verser une seule larme. Ce qui n'était pas le cas des membres de la Scuderia Ferrari. Tous, ou presque, pleuraient leur héros, leur champion désormais retraité.

Et quel champion: onze saisons chez Ferrari, sept titres mondiaux, 91 victoires, 68 pole-positions, 75 meilleurs tours en course, 5096 tours en tête... le sport automobile, après Michael Schumacher, ressemble à un pâturage après le passage d'Attila. Il faudra de longues années avant que l'herbe repousse, de longues saisons avant que ces records ne tombent par la grâce d'un nouveau dieu du pilotage.

Pourtant, Michael Schumacher ne marque pas seulement l'histoire du sport automobile par son seul talent. Derrière les décors, dans l'ombre du stand Ferrari, l'homme était aussi reconnu pour ses facultés à rassembler l'écurie, à la motiver, à faire corps derrière lui. Un charisme en opposition totale avec l'image de froideur que d'aucuns lui attribuent encore.

Personne mieux que Ross Brawn, le directeur technique de Ferrari, n'est en mesure de décrire la méthode de travail de Michael Schumacher. L'Anglais travaillait déjà chez Benetton, dans les années 1990, lorsque le champion allemand y a effectué ses débuts en F1. Lorsque Michael Schumacher a rejoint les rangs de Ferrari, il a suggéré à l'écurie italienne d'embaucher Ross Brawn. Ce qui fut fait, liant définitivement la trajectoire des deux hommes.

«Pour gagner, il faut rassembler un groupe de personnes de talent, explique l'ingénieur anglais. Dans le cas de Ferrari, nous avons eu la chance d'avoir un ensemble d'ingénieurs exceptionnels, qu'il s'agisse d'aérodynamique ou de châssis. Mais Michael a été un élément clé de nos réussites: il a été un tel exemple de dévouement, un tel modèle d'esprit d'équipe, qu'il a réussi à nous pousser, tous, à donner encore plus de nous-mêmes. Il n'est pas le genre de type qui vient à l'usine et qui dit "vous devez faire ceci, ou faire cela". Non, il vient à l'usine, et il commence par remercier tout le monde pour le travail que chacun fait pour lui. Puis il décrit comment la voiture fonctionne, il nous aide à mieux la comprendre. Il nous montre à quel point il est dévoué à Ferrari, c'est vraiment une source d'inspiration, un véritable exemple pour nous tous. Evidemment, quand il vient parler à nos ingénieurs, c'est important pour eux, ça leur procure un immense plaisir. Michael le sait, il est très doué pour jouer ce rôle, pour motiver les gens autour de lui. On voit qu'il aime Ferrari.»

Pour Ross Brawn, les qualités de Michael Schumacher sont uniques: «Michael a une retenue extraordinaire, poursuit-il. Il ne s'énerve jamais contre les gens qui travaillent avec lui. Il a un caractère bien trempé, c'est indispensable dans ce boulot, mais il reste toujours calme, à la fois dans la voiture et en-dehors. Et ça, c'est exceptionnel, d'autant plus si on ajoute son talent naturel, sa vitesse pure.»

Et demain? Un rôle au sein de Ferrari lui est garanti, mais il n'a pas encore été rendu public. L'annonce devrait en tout cas intervenir très vite, avant la fin de la semaine. Elle pourrait être liée au départ de Ross Brawn, le directeur technique de Ferrari.

Brawn devrait en effet annoncer qu'il quitte la Scuderia dans les jours à venir. Pourquoi Michael Schumacher ne jouerait-il pas un rôle de conseiller technique auprès de l'équipe italienne?