Plus. Toujours plus.

Plus d’entraînements. Plus de compétitions. Plus de matchs. C’est la tendance lourde dans plusieurs sports, du soccer au football en passant par le tennis.

La NFL a récemment ajouté une partie par équipe à son calendrier annuel. La MLS, un nouveau tournoi. La F1 compte trois courses de plus qu’avant la pandémie. Au baseball, les lanceurs américains s’entraînent 11 mois par année dès l’adolescence. Les joueurs de tennis ? Ils atteignent le plateau des 10 000 matchs sur surface dure en cinq ans de moins qu’il y a un demi-siècle.

Dans cette course effrénée aux revenus et à la performance, une ligue a décidé d’aller à contresens. De ralentir le pas, en réduisant le nombre de matchs. Ce circuit, il est dans notre cour. C’est la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ).

À compter de la saison prochaine, ses équipes disputeront 64 parties en saison. C’est quatre de moins qu’actuellement. Huit de moins qu’il y a 25 ans.

« Le nombre de matchs, c’est un débat récurrent, qui revient tous les cinq ans », m’explique le commissaire de la LHJMQ, Mario Cecchini. En 2018, la ligue a mené un sondage auprès des joueurs, des parents, des entraîneurs, des directeurs généraux et des propriétaires de huit organisations. La majorité des répondants – entre 56 % et 71 %, selon les groupes – désirait un calendrier allégé.

Dans les mois suivants, des entraîneurs ont porté cette idée. C’est le cas de Patrick Roy, qui avait qualifié de « calendrier de marde » celui de ses Remparts de Québec, revenus de Baie-Comeau à 5 h 30 un jeudi matin, et contraints de disputer des parties le vendredi et le samedi… pendant l’année scolaire.

Malgré les résultats du sondage, la ligue avait préféré le statu quo.

Cinq ans plus tard, Mario Cecchini a remplacé Gilles Courteau à la tête du circuit. « Ce dossier-là est vite apparu sur mon bureau », raconte le nouveau commissaire. Lorsqu’il a pris connaissance du sondage, il a cherché à comprendre ce qui s’était passé en 2018.

C’était avant la pandémie. Les habitudes de consommation des spectateurs étaient différentes. « Il y avait aussi un désir d’être aligné avec les deux autres circuits de la Ligue canadienne. » Les clubs des ligues de l’Ontario et de l’Ouest disputaient eux aussi 68 matchs en saison. Or, dans les premières semaines de son mandat, Mario Cecchini avait fait adopter un nouveau règlement sur les bagarres, qui punissait les joueurs d’ici plus sévèrement que ceux des deux autres ligues. C’était donc possible d’être « différent ». Quand il a posé des questions, il a vite compris que personne ne tenait mordicus à un calendrier de 68 parties.

« Les circuits n’ont pas tous la même géographie, ou les mêmes défis au niveau scolaire. » Mario Cecchini a donc rouvert le dossier, et entamé une discussion avec les propriétaires. « On a mesuré l’impact sur la business. Pouvait-on gérer la baisse des revenus de la billetterie ? On m’a répondu que ce n’était pas un enjeu. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Mario Cecchini, commissaire de la LHJMQ

Plus le commissaire en parlait autour de lui, plus il réalisait qu’au fond, un calendrier allégé « ne dérangeait pas vraiment personne ». L’important, lui disait-on, c’était de rester dans une fourchette supérieure à 60 matchs. « C’est le Canada qui fournit le plus de joueurs au repêchage de la Ligue nationale. Évidemment, il y a une notion de talent. Mais il existe aussi une croyance selon laquelle jouer 60 matchs et plus, ça prépare mieux à la LNH. Nous sommes fiers de dire que nous sommes une mini-LNH. Notre calendrier doit s’arrimer à cette préparation. Sauf qu’entre 72, 68, 64 et 60 parties, on est dans les mêmes eaux. »

L’idée de réduire la saison de quatre matchs a donc été resoumise aux propriétaires. Cette fois, elle a été adoptée – à l’unanimité. Ce sont principalement les matchs en milieu de semaine qui seront éliminés.

« Un calendrier de 64 parties nous permettra de jouer presque toujours le vendredi, le samedi, le dimanche et les jours fériés », souligne Mario Cecchini. Donc moins de déplacements pendant les jours d’école, en milieu de semaine. Il ne devrait plus rester que quatre ou cinq matchs par équipe à caser du lundi au jeudi. Personne ne devrait y perdre au change. Soyons honnêtes : c’est pas mal plus difficile de vendre des billets pour un match un mardi soir qu’un samedi après-midi.

« Dans ma première tournée, je me suis rendu compte qu’une douzaine d’équipes étaient déjà très ouvertes au projet. C’était surtout vrai pour les équipes qui voyageaient le plus. Celles qui font le moins d’argent y voyaient une occasion de rationaliser des dépenses, d’atteindre un meilleur équilibre. Tout cela avait du sens. Je ne veux pas sonner comme un politicien, mais oui, on a vraiment mis le joueur au centre des préoccupations en réduisant le fardeau. »

Et comment les recruteurs de la LNH ont-ils réagi à cette annonce ? « Il n’y a eu aucun impact. »

Aucun ? Même pas une petite crainte exprimée sur la diminution des reps (répétitions) pour le développement des espoirs ?

« Rien. Si nous étions descendus à 40 matchs, nous aurions eu beaucoup de réactions. Mais au-delà de 60 parties, non, il n’y a pas d’impact. Du moins, ce n’est pas venu à mes oreilles, et bien franchement, je pense que les directeurs généraux m’auraient averti. »

Comme quoi les reps, c’est bien. Mais le repos, aussi.