En apprenant que les Alouettes ne renouvelleraient pas le contrat de Mario Cecchini, une question m’est venue en tête : pourquoi nos équipes montréalaises commettent-elles parfois de graves erreurs d’aiguillage ?

Après l’interminable feuilleton de la vente de l’équipe à la suite du départ de Robert Wetenhall et l’impact profond de la COVID-19 sur la Ligue canadienne de football (LCF), ce nouveau plongeon dans l’incertitude est la dernière chose dont les Alouettes ont besoin. C’est pourtant le choix des propriétaires de l’équipe, manifestement complètement déconnectés de la réalité montréalaise.

Dans un contexte difficile, Cecchini a accompli un solide boulot à la présidence des Alouettes. Il a pris la tête d’une organisation qui devait rebâtir les ponts avec son public : vente d’abonnements saisonniers, augmentation des partenariats d’affaires, amélioration de l’expérience des fans au stade et renforcement de l’image de marque de l’organisation dans notre paysage sportif.

Je me souviens du jour où sa nomination a été confirmée, en janvier 2020. Sa joie était manifeste. Il rappelait ses liens remontant à l’enfance avec l’équipe. « Dès que j’ai pu prendre le métro seul pour me rendre au Stade olympique, où les billets coûtaient 4 $, j’étais presque toujours là », avait-il expliqué.

Une chose était sûre : cet homme-là allait se défoncer pour l’organisation. On connaît la suite. La COVID-19 a frappé et la LCF a annulé entièrement sa saison. Cela a freiné les initiatives envisagées.

Lorsque le circuit a repris ses activités en 2021, Cecchini a repris de son mieux le temps perdu. Il a représenté l’équipe avec un panache évident durant son trop court règne. Peu à peu, les Alouettes ont volé plus haut. Il remplissait avec succès le mandat très simple que Stern lui avait confié le jour de son embauche : « Arrange-toi pour que ça marche. »

Aujourd’hui, pour des raisons qui leur appartiennent, ses patrons estiment que « ça » ne marche pas.

Bonne chance pour trouver une personne souhaitant lui succéder ! Qui voudrait travailler pour des gens qui ne récompensent pas la progression ?

L’actionnaire minoritaire Gary Stern, de nouveau détenteur du pouvoir, croyait-il vraiment que la seule arrivée de nouveaux proprios ferait en sorte que l’équipe disputerait tous ses matchs à guichets fermés et gagnerait la Coupe Grey ? C’est bien mal connaître le marché montréalais et encore plus l’industrie du sport professionnel.

Les Alouettes retrouvent donc la confusion. Et les propriétaires sont les seuls responsables de cette situation. (Les intérêts majoritaires de l’équipe sont détenus par la succession de Sid Spiegel, beau-père de Stern.)

Tout cela est un immense gâchis qui aurait facilement pu être évité.

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Le CF Montréal joue aussi avec le feu depuis la fin de la dernière saison. Le départ de l’entraîneur Wilfried Nancy, peu connu du public lors de sa nomination en mars 2021, est une perte cruciale.

Habile communicateur, s’exprimant avec candeur, il a conquis le public. En l’absence de vedettes comme Marco Di Vaio, Didier Drogba et Ignacio Piatti, il est devenu le principal représentant du club.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Wilfried Nancy

Le départ de Nancy pour le Crew de Columbus ne s’est pas fait dans la bonne entente. Comme dans toute relation d’affaires qui finit mal, chaque partie croit sûrement en sa vérité sur les évènements ayant entaché le vivre-ensemble. Joey Saputo a sa part de responsabilités et c’est sans doute aussi le cas de Nancy.

Mais en analyse finale, les amateurs s’en moquent. Nancy a mené l’équipe au succès et il est sympathique. Dans ce contexte, l’organisation a couru un grand risque en le laissant partir. Il aurait fallu prendre les moyens pour le garder avant que ses liens ne deviennent trop tendus avec l’organisation.

C’est encore plus vrai dans un contexte où deux joueurs de l’équipe sont partis pour des clubs européens. Des joueurs que les amateurs ont vus avec la sélection canadienne dans la formidable vitrine qu’a représentée la Coupe du monde de soccer.

Le choix d’Alistair Johnston et d’Ismaël Koné se comprend aisément et on ne peut certes pas reprocher au CF Montréal de les avoir libérés en retour d’une contrepartie financière. Mais ça fait beaucoup de visages connus à quitter le CF Montréal en peu de temps. Parmi eux, Nancy était celui qu’on aurait pu – et qu’on aurait dû – garder.

Le résultat, c’est que le CF Montréal ne pourra miser sur ses étonnants succès de 2022 pour mousser la publicité du club en vue de la prochaine saison.

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Et le Canadien dans tout ça ? Voilà qu’on nous annonce une soirée en l’honneur de P.K. Subban le 12 janvier prochain.

J’ai souri en lisant la déclaration de Geoff Molson : « Que ce soient les enfants des équipes de hockey mineur locales qui choisissent de porter le numéro 76 ou le nombre de partisans que nous voyons chaque soir au Centre Bell qui portent encore fièrement leur chandail Subban, il ne faut pas aller bien loin pour comprendre l’influence que P.K. a eue sur la popularité du sport au Québec. »

Quoi ? Rien sur le fait qu’il prenait trop de place dans le vestiaire ou y mettait le volume de la musique trop fort ? Ma foi, on assiste à tout un changement de cap chez le CH ! Mieux vaut tard que jamais, j’imagine. N’empêche que le départ de Subban en 2016 a fragilisé le lien entre l’équipe et des milliers d’amateurs partout au Québec. Une autre regrettable erreur d’aiguillage.