(Pékin) Steven Dubois l’admet sans détour, même s’il a confiance en ses moyens, il n’aurait jamais pensé repartir des Jeux olympiques de Pékin avec deux médailles lors des épreuves individuelles en patinage de vitesse courte piste.

Steven Dubois est devenu une sorte de remonteur de moral de l’équipe canadienne de courte piste. Quand tout va mal, appelez Dubois, il va sauver la soirée.

L’équipe féminine venait cruellement d’échapper le bronze en fin de relais. Mais un peu comme l’autre soir, quand il a gagné l’argent après la chute de deux favoris (Kim Boutin et Pascal Dion), Dubois a remis l’humeur à flot avec sa médaille de bronze au 500 m.

« Au 1500 m, j’étais sous le choc, je n’y croyais pas vraiment, mais là, je suis comme soulagé, a-t-il dit après. C’est ma meilleure distance, je me suis entraîné toute l’année pour ça. Je sais que j’ai un des meilleurs départs au monde, sinon le meilleur. »

— On t’aurait dit que tu aurais deux médailles individuelles aux Jeux ?

— Je t’aurais pas cru, j’aurais dit c’est n’importe quoi !

C’est une chose de le penser, c’en est une autre de le prouver. Au Championnat du monde, il est toujours resté au pied du podium, malgré de bonnes saisons en Coupe du monde.

La soirée, d’ailleurs n’avait pas très bien commencé. Touché par le Coréen Hwang, il savait qu’il serait avancé en finale. Mais « au lieu de partir deuxième, je suis parti quatrième sur la ligne ».

Dans une course de quatre tours et demi, ça fait une différence au moment de se placer.

« Il y a eu un jeu psychologique entre le Kazakh et moi, j’ai décidé d’y aller, je n’avais rien à perdre, finir quatrième ou cinquième, ça ne change rien. »

Et une fois derrière, c’est foutu assez vite.

Jordan Pierre-Gilles a été sorti en quart de finale, après une chute. « Le Hongrois [Shaoang Liu] m’a accroché après cinq enjambées, je ne sais pas si ça a affecté ma lame, mais ça m’a déstabilisé… C’est comme ça. »

Il sera cependant de l’équipe pour la finale du relais, probablement le finisseur.

« On a gagné l’or chaque fois qu’on a été les quatre », a dit le patineur, encore un peu choqué, mais déjà en train de se projeter dans l’ultime épreuve.

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L’équipe féminine de relais était encore sonnée en arrivant devant nous. La médaille leur a glissé des mains.

« On a fait une belle course, une course rapide, on a bien fait ça, on est fières de nous, oui c’est décevant mais on est les mêmes personnes qu’avant la course », a dit Florence Brunelle, comme pour chasser la tristesse le plus vite possible.

Mais les visages racontaient une autre histoire.

De fait, elles ont livré une belle bataille, échangeant régulièrement la troisième et la quatrième place avec les Chinoises. Mais un mauvais passage à la toute fin, au moment crucial, leur a fait perdre la médaille de bronze.

À la différence d’un simple passage de témoin, les relais en courte piste sont des échanges d’énergie. Un relais raté, c’est une accélération à reprendre. Courtney Sarault fermait la course. Elle n’est pas une sprinteuse, et sans la poussée finale, elle s’est vite retrouvée derrière, incapable de reprendre le temps perdu. « Les autres allaient trop vite, même en poussant au maximum, je n’y arrivais pas. »

« C’est des gros pays qu’on affrontait [Pays-Bas, Corée, Chine], on est une jeune équipe », a enchaîné Kim Boutin, pour mettre un peu de baume et de perspective.

Avant de lâcher le morceau : « C’est crissement décevant, on est toutes en tabarnac, mais c’est normal. »

« Mes objectifs personnels ici, je m’en fous, moi ce que je voulais, c’est de célébrer avec les filles. »

Il reste encore le 1500 m femmes mercredi, et un peu de moral à remonter d’ici là.

Steven ?

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Pour les Néerlandaises, qui ont survolé le relais tout le long, la victoire avait un sens tout particulier. L’équipe est en deuil depuis l’été 2020, quand Lara van Ruijven est morte après être tombée soudainement malade, en plein camp d’entraînement en France. Une maladie auto-immune qui l’a emportée en deux semaines, à l’âge de 27 ans.

« J’ai demandé à Lara de nous aider, je ne sais pas si ça change quelque chose, mais c’est ce que j’ai fait ; elle mettait tellement de joie dans l’équipe, et elle est une des grandes raisons de ma présence ici », a dit Yara van Kerkhof.

Ça ne change peut-être rien question patinage, mais c’était beau.