Une star chinoise-américaine est née

(Pékin) On peut la voir sur le couvert des magazines de mode, sur les panneaux publicitaires dans le métro de Pékin, et maintenant au tableau des médaillées d’or.

Ailing Eileen Gu a beau pratiquer un sport assez niché, c’était déjà une vedette chinoise avant-hier, en fait, depuis que cette jeune femme de San Francisco a pris la nationalité chinoise, il y a deux ans, en prévision des Jeux de Pékin.

Imaginez demain…

La jeune femme a écrasé la compétition et soulevé la foule chinoise avec un saut jamais tenté avant.

Quand on lui a demandé d’en parler, on a eu droit à une première dans une conférence de presse de ski, acrobatique ou autre : expliquer ses mouvements par sa connaissance de la musique.

« J’ai fait du piano pendant neuf ans, et ça m’a enseigné le rythme, et quand j’étais dans les airs, je sentais le rythme, la respiration, et je visualisais mieux mon saut, je ne savais pas si je le réussirais, mais je voulais montrer au monde ce dont je suis capable, et si je ne réussissais pas, j’avais encore deux sauts. »

C’était si éloquent, on a comme vu un piano à queue voler, un instant.

Deux journalistes ont tenté de savoir si elle avait abandonné ou non sa nationalité américaine. Sans succès.

Née d’un père américain et d’une mère chinoise, elle a été élevée par sa mère et sa grand-mère, qui lui ont inculqué « le goût du dépassement ». Elle parle couramment le mandarin – pour autant qu’on puisse en juger – et parle vite et bien en anglais comme dans la langue locale.

« J’ai dit plusieurs fois à quel point j’ai été soutenue de manière exceptionnelle tant par les États-Unis que par la Chine. »

Oui, mais…

Mon but, c’est d’unir les gens avec le sport, j’aimerais qu’on ne soit pas obligés d’être reliés à des nationalités.

Ailing Eileen Gu

Pas de réponse, mais elle dit qu’elle entend passer 25 à 30 % de son temps en Chine, le reste aux États-Unis.

Un journaliste lui demandait ce qu’elle, qui veut être un modèle pour les jeunes Chinoises, pense de l’affaire Peng Shuai, un autre modèle sportif pour les jeunes Chinoises, et du fait que de gros doutes subsistent sur sa nouvelle version. Elle a suivi la ligne officielle chinoise.

« Je suis contente qu’elle soit venue nous voir, c’est bon pour notre sport quand des vedettes de sports plus connus comme le tennis s’intéressent à nous, et je suis contente de voir qu’elle se porte bien. »

De l’aplomb, du feu, de l’ambition, une vivacité qui a soufflé toute la salle de presse, sans parler d’un look de mannequin. On ne fait que commencer à en entendre parler.

Avant de parler de cork ou grab (que personnellement j’appelle « pogne »), il faut redire ce qui distingue le Big Air du slopestyle. Peut-on parler de fraternité ?

Qu’elles aient fini première ou huitième, il y avait dans l’air, le gros air de Pékin, une sorte de bonne humeur réellement collective.

Bien sûr, une médaille n’est pas à dédaigner. Mais rarement verra-t-on autant de compétitrices sourire autant après la « défaite », se réjouir autant des succès des autres.

L’esprit X Games a survécu à l’entrée de ses enfants dans le monde olympique, on dirait bien.

« C’est pas exactement comme ça que j’aurais voulu que ça tourne », a reconnu Olivia Asselin, de Lac-Beauport, qui a terminé huitième. « Mais c’est une belle expérience. J’ai raté les grabs sur les deux premiers sauts, donc je savais que j’allais perdre des points, j’ai voulu jouer safe sur le dernier. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Olivia Asselin en action

Une finale à ses premiers Jeux, à 17 ans, c’était déjà inattendu, si on se replace quelques mois derrière. « C’est beaucoup plus stressant qu’une compétition ordinaire… »

Toutes ont vanté le site urbain, planté dans un décor post-industriel des années 1970, avec ses tours de refroidissement nucléaires en béton armé en arrière-fond.

« Meilleur Big Air de ville que j’ai vu, ça ressemble à la montagne », a dit Asselin.

L’Ontarienne Meghan Oldham, 20 ans, avait de quoi être déçue, elle qui avait réussi le meilleur pointage des qualifications.

Mais elle a fait « tous les trucs que je connais en ce moment, donc je ne pouvais pas faire mieux qu’elles (les filles sur le podium) ». L’or appartenait à Gu, c’était évident.

On les a toutes vues se serrer dans les bras les unes des autres.

« Quand j’ai fini, je suis allée remercier les autres filles, parce que sans elles, je n’aurais jamais essayé ce saut. C’est grâce à elles que je l’ai fait », a dit Gu.

C’est pas un bel esprit sportif, ça ?

En tout cas, c’est l’esprit Big Air. Un gros air de fraternité.