Performance décevante de Ted-Jan Bloemen

(Pékin) On le voit arriver de loin, visage rougi, encore secoué par ce qui vient de se passer. De ne pas se passer.

Lui nous voit de loin avec nos têtes de condoléances, comme s’il nous avait personnellement déçus en revenant sans médaille. Il sait qu’il devra souffrir plein de questions auxquelles il ne peut pas répondre.

C’est le rituel de la défaite.

Un top 10 au 5000 m, ça n’a rien de déshonorant. Mais quand on s’appelle Ted-Jan Bloemen, qu’on est vice-champion olympique, troisième performance au monde cette saison… c’est comme prendre le champ sur l’autoroute par temps clair.

Le double médaillé canadien de PyeongChang était parti d’un rythme allègre et avait le meilleur temps à 1200 m. Mais tout a déraillé, il n’arrivait plus à maintenir le rythme et il a terminé 10e à sa première course.

Un bénévole chinois lui tend nos téléphones sur un plateau. Il nous regarde derrière son masque, déconfit, désolé, déboussolé.

« Ouais, je me prépare depuis longtemps pour cette course, j’avais un bon plan, tout allait vraiment bien pour quatre tours et… tout s’est déréglé. Je n’ai aucune explication… Je ne pouvais plus maintenir le rythme. »

Les difficultés d’entraînement depuis deux ans ? La COVID-19 ? La glace, elle est comment ? Les camps d’entraînement annulés, ça doit jouer… La pression d’avoir vu le record olympique tomber avant sa course ?

Non, oui, bien sûr… les autres aussi ont vécu ça. Il n’y a pas d’excuses vraiment. Il se prête au jeu comme il peut, mais à la fin, il n’a aucune idée de ce qui s’est passé.

Les journalistes l’encouragent : il reste encore deux courses, le 10 000 m, où il a pris l’or en 2018, et le 1500 m…

Je sais pas, je vais aller me calmer un peu, je vais faire mes plans…

Ted-Jan Bloemen

Son entraîneur, Bart Schouten, était tout aussi mystifié.

« Il a relâché sa technique et sa position était moins bonne dès le sixième ou septième tour, mais la question est de savoir pourquoi c’est arrivé. »

Il nous apprend que Bleomen a été malade cet hiver et a manqué un peu d’entraînement, mais les chronos à l’entraînement ces derniers temps indiquaient un rétablissement complet et laissaient entrevoir une excellente performance.

Parfois, quelques tours légèrement trop rapides en début de course peuvent saper l’énergie et tout dérégler.

Dans ce sport où l’on course non pas contre l’autre patineur mais contre le chronomètre, quand les tours commencent à être plus lents, on sait qu’il n’y a plus rien à faire, la spirale est irréversible. Le prochain tour sera pire, l’autre pire encore, et les jambes ne donneront jamais mieux.

Sauf peut-être si l’on s’appelle Nils Van der Poel et qu’on est détenteur du record mondial. Après avoir ralenti aux deux tiers de la course, il est allé chercher près de deux secondes dans les deux derniers tours pour passer de la troisième à la première place.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Nils Van der Poel

Comme son nom ne l’indique pas, Van der Poel est suédois. Et justement parce qu’il a un nom néerlandais (son grand-père a émigré en Suède), un entraîneur a suggéré à son père de lui faire essayer le patin de vitesse, après un entraînement de « bandy », une sorte de hockey suédois.

Il a maintenant le record du monde du 5000 m et du 10 000 m et vendredi, il compte bien prendre le titre olympique de Bloemen.