(Tokyo) Si j’écrivais un dictionnaire amoureux de l’athlétisme, il y aurait dedans « pure joie de courir » et, à côté, la photo de Geneviève Lalonde.

Il fait 32 °C à l’ombre dans le stade olympique de Tokyo, d’où je vous écris. Or, de l’ombre, il n’y en avait pas sur la piste. Mais la « fusée acadienne », comme se plaisent à l’appeler les collègues de l’Acadie Nouvelle, a fait la course de sa vie. Elle a écrasé le record canadien du 3000 m steeple par 5 secondes (9 min 22 s, 64 s). Et elle s’est qualifiée pour sa deuxième finale olympique.

Elle avait de quoi être joyeuse, j’en conviens. Mais à sa sortie de l’enceinte du stade, il n’était pas question de la chaleur, de l’acide lactique qui brûle les jambes, bref, de l’effort gigantesque qu’elle venait de fournir.

« C’est super ! » furent ses premiers mots dans la zone mixte, où son sourire était entré en premier.

« La préparation a été incroyable », a-t-elle enchaîné, en parlant du camp début juillet en altitude à Flagstaff, en Arizona, avec son père (devenu président d’Athlétisme Nouveau-Brunswick à force de suivre sa fille) et son entraîneur de longue date, l’ancien coureur de steeple olympique Joël Bourgeois.

À première vue, ses performances de 2021 ne laissaient pas suggérer une telle forme. Au championnat canadien à Montréal, en juin, elle avait terminé derrière Regan Yee, qui avait battu son record national (9 min 27 s, 54 s).

De plus, Lalonde était qualifiée pour les Jeux en vertu d’une performance remontant à 2019. Sans compter qu'elle s’était blessée sérieusement à une hanche l’hiver passé.

« Il faut attendre au bon moment. Le plan, c’était de se préparer pour atteindre le pic à Tokyo. Tandis que Regan et Alycia [Butterworth] devaient faire le standard au championnat national. »

Les deux ont été éliminées.

PHOTO KAI PFAFFENBACH, REUTERS

Geneviève Lalonde (à droite) a établi un nouveau record canadien au 3000 m steeple.

La vague dans laquelle Lalonde a couru était de loin la plus rapide. Seules les trois meilleures de chaque vague sont qualifiées pour la finale, plus les six plus rapides du reste.

« Je savais que le top 3 allait vraiment vite, mais je devais garder un œil sur elles. Je me suis retrouvée quatrième et je faisais tout pour rester aussi proche que possible. Même si l’écart a grandi, je gardais l’œil, je me disais : “Geneviève, c’est les Olympiques, il faut que tu donnes tout !” On savait qu’il faudrait un record canadien pour se qualifier pour la finale. J’ai su à 2 km que ce serait vite… Mais je ne savais pas combien. Souvent, je n’ai aucune idée de ce que je cours pendant la course…

Le plan, c’était de faire la finale et de voir ce qu’on pouvait faire là. Maintenant, c’est de courir encore plus vite en finale !

Geneviève Lalonde

Quand sa deuxième sélection olympique officielle a été annoncée, le mois dernier, elle a eu cette phrase, qui résume son rapport au sport, elle qui court depuis l’âge de 7 ans :

« C’est incroyable, et je n’aurais jamais pensé à cela quand j’étais enfant, alors l’enfant en moi brille de tous ses feux, comme une étoile de l’Acadie. »

Il me semblait bien que quelque chose brillait en elle.

C’était dans une déclaration écrite. Mais on pouvait entendre ce reste de rire qu’elle a si souvent dans la voix.

Cette femme aime son métier.