(Tokyo) Peut-être que j’aurais dû commencer avec une question technique. Mais Amélie Kretz avait fait un cœur avec ses mains avant même de franchir la ligne d’arrivée. Ça demandait des explications, non ?

« Tu pensais à quoi ?

– À ma famille, à mon équipe qui n’a pas pu venir… C’est très émotif… »

La triathlonienne de Blainville venait de terminer 15e, ce qui est la meilleure performance féminine de tous les JO pour une Canadienne.

À peine sa phrase finie, elle a fondu en larmes. C’est contagieux, ces trucs-là. En attendant que je me ressaisisse, l’attaché de presse a dû se dire : bon, on ne va pas rester plantés là jusqu’à midi, et il a posé la question suivante.

« Si vous saviez le parcours qu’on a eu… Ça rend ce résultat encore plus spécial. Cette 15place, elle vaut beaucoup plus », a dit la triathlonienne de 28 ans.

C’est vrai qu’on ne peut pas vraiment savoir. On a beau lire que pendant la pandémie, elle s’entraînait sur place dans une piscine hors terre miniature dans le garage de ses parents, on trouve ça sympathique. On « sait » qu’elle a failli ne pas venir aux Jeux, à cause des changements de règles de Triathlon Canada. Mais sait-on vraiment ce que ça fait, se qualifier en désespoir de cause, quand cinq ans d’entraînement préolympique risquent de vous laisser en dehors des Jeux ? On est au courant qu’elle est au Colorado depuis le mois de janvier, pour s’entraîner 25 heures par semaine, incluant des séances en sauna pour s’adapter à la chaleur moite de Tokyo.

On a l’information, mais c’est vrai qu’on ne sait pas la solitude de la triathlonienne olympique en temps de pandémie.

« Si je suis ici, c’est parce que j’y ai toujours cru, et qu’on m’a toujours soutenue. »

Bien sûr, elle n’est jamais totalement satisfaite, même si c’est une performance très relevée (elle était 34e à Rio). Elle visait un top 10.

Mais elle a dû se battre contre tellement de trucs jusqu’à la dernière minute ce printemps juste pour pouvoir plonger d’Odaiba, à 6 h 45 hier matin à Tokyo.

Ralentie dans la nage (1500 m) par le groupe de gauche, elle a perdu du temps à la bouée pour sortir de l’eau 26e. Elle a pris cinq places au vélo (40 km), en jouant prudemment sur un parcours glissant (deux abandons pour cause de chute). Et à la course, elle a brillé en reprenant cinq autres positions. Elle a enregistré le 8chrono sur ce 10 km (34:41).

« J’ai pensé à ma famille et à mon équipe tout le long… J’espère qu’ils sont fiers de moi à la maison… Je ne les ai pas vus depuis Noël. »

Pas de mes affaires, mais je dirais que oui.

  • Amélie Kretz termine son épreuve de triathlon.

    PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

    Amélie Kretz termine son épreuve de triathlon.

  • La triathlonienne de Blainville était exténuée après l'épreuve

    PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

    La triathlonienne de Blainville était exténuée après l'épreuve

  • Amelie Kretz (19) lors de la portion de vélo.

    PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

    Amelie Kretz (19) lors de la portion de vélo.

  • 
Amelie Kretz (#19) devant deux concurrentes

    PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE


    Amelie Kretz (#19) devant deux concurrentes

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

* * *

La journée avait mal commencé, avec une pénalité imposée à sa compatriote Joanna Brown et elle : 15 secondes pour être arrivées en retard au briefing de course. La pénalité a été annulée en appel : c’était la faute de la circulation.

La journée s’est très mal poursuivie pour Brown, auteure de plusieurs podiums dans des Coupes du monde et des évènements majeurs, qui était attendue dans le top 10. Mais elle a eu une journée désastreuse… à cause de l’équipement.

Elle a dû abandonner après avoir été dépassée sur une boucle par la meneuse.

Douzième après la nage, elle s’empare de son vélo… pour voir que le pneu avant était dégonflé, avant même de partir…

Son résumé écrit : « J’ai fait trois boucles en faisant de mon mieux pour rester droite. J’ai décidé de changer de roue, mais la roue qu’on m’a donnée avait une pression de 120, et je n’étais pas stable dans les virages. Je sentais ma roue arrière glisser. Je me suis rendu compte qu’elle aussi était dégonflée. J’ai fait les trois dernières boucles avec une roue arrière dégonflée. Un jour de rêve. »

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Joanna Brown a connu des problèmes avec son vélo.

Comment l’équipe technique canadienne a-t-elle pu fournir un vélo dans cet état au jour J ?

Eugene Liang, directeur de la haute performance à Triathlon Canada, n’avait pas d’explications lundi et se demandait où sur le parcours la crevaison ( ? ) avait eu lieu. « À cause de l’accès limité au parcours, notre équipe n’a pas pu déterminer où ni comment c’est arrivé », dit-il dans une déclaration écrite.

« Nous allons débriefer avec Joanna ce soir. »

Ça risque de ne pas être trop plaisant…

Quoi d’autre ?

Sachez par ailleurs que Flora Duffy repart de Tokyo avec la première médaille d’or olympique de l’histoire des Bermudes – un pays de 65 000 habitants.

Sachez qu’on entend des canards dans la salle de presse.

Mais sachez surtout que le Canada aura une équipe au relais, samedi, et pourrait faire très belle figure.

Les pneus sont mieux d’être bien gonflés…