(Tokyo) Le jour, Javad Foroughi s’entraîne au tir au pistolet. La nuit, il travaille comme infirmier dans un hôpital de Téhéran. Dans le pays du Proche-Orient le plus durement touché par la COVID-19, où près de 90 000 personnes en sont mortes, les quarts de nuit à l’hôpital Baghiatallah étaient longs.

« Ça peut affecter la concentration, les quarts de nuit, mais je suis capable de tolérer ça », a-t-il dit à l’agence iranienne officielle l’an dernier.

Ce qui l’a affecté depuis un an et demi, c’est surtout le coronavirus. Il a été infecté la première fois à l’hôpital en 2020 et a dû cesser l’entraînement. Puis, cette année encore, il a été déclaré positif et a raté un mois d’entraînement dans une période cruciale de préparation olympique.

Ça n’a pas l’air de l’avoir trop dérangé, puisque samedi, l’homme de 41 ans a remporté la médaille d’or au tir au pistolet, en établissant un nouveau record olympique.

Un infirmier qui soigne les malades de la pandémie la nuit, qui se rend malade deux fois plutôt qu’une et qui remporte l’or dans une discipline tout à fait improbable pour son pays, voilà qui vous fait un héros de notre époque à plus d’un titre.

« Il a commencé par hasard, dans une activité sociale dans le sous-sol de l’hôpital il y a seulement sept ans, me dit un confrère iranien, croisé dans l’autobus. Il n’avait jamais touché à un pistolet avant ! Au bout d’un moment, il a vu qu’il avait du talent et a commencé à s’entraîner sérieusement. »

Comment ça, « dans le sous-sol » de l’établissement ? me demanderez-vous. Le fait que ce soit un hôpital militaire explique peut-être cela.

« Parlez-moi de lui un peu… »

Mon confrère cherche ses mots en anglais. Il saisit mon calepin de notes et après mûre réflexion, il écrit : « calme et gentil ».

(C’est en plein pour ce genre de moments que j’aime les Jeux olympiques.)

« Il a eu de la difficulté à s’entraîner parce que les munitions venaient des États-Unis, et à cause de l’embargo [réinstauré par Trump qui a mis fin à l’accord nucléaire], la vente était interdite en Iran. Il en a fait venir d’Europe, mais ç’a compliqué les choses, ce n’était pas aussi bien », m’explique le journaliste sportif.

En conférence de presse, on a demandé à Javad quel message il avait à livrer.

Comme infirmier, je dis à tout le monde de suivre les protocoles, pour que personne n’ait la COVID-19 et que le monde entier soit en santé. Je dis aux gens, en tant que tireur et en tant qu’infirmier, d’être solidaires de la santé des autres et je suis très heureux que la COVID-19 n’ait pas réussi à faire annuler les Jeux olympiques.

Javad Foroughi

Foroughi est le premier médaillé en tir au pistolet de son pays, dont c’était la 22e médaille d’or de l’histoire olympique. Presque toutes les médailles iraniennes étaient en lutte, en haltérophilie et, plus récemment, en taekwondo.

L’ironie a voulu que les États-Unis, où les munitions ne viennent jamais à manquer et où il n’y a pas de pénurie de tireurs enthousiastes, n’était nulle part dans cette catégorie.

Sortie de scène rapide pour Blais Bélanger

Trois petites périodes de trois minutes, et c’est fini. Marc-Antoine Blais Bélanger connaît les règles, et il a accepté avec grâce la défaite de 15-7 contre le Chinois Chao Dong.

PHOTO HASSAN AMMAR, ASSOCIATED PRESS

Marc-Antoine Blais Bélanger et Chao Dong

« Le début m’a vraiment tué. J’ai commencé un peu trop passif, et en réaction, je suis tombé rapidement en déficit. Je devais aller chercher des points pour remonter, ça n’est vraiment pas ma force. »

Les deux épéistes en effet sont restés un long moment à attendre que l’autre tire. Dong a eu la première touche, le Québécois a égalisé en neutralisant une attaque, mais rapidement, le Chinois a pris le contrôle.

L’escrimeur connaît les règles. N’empêche. Toutes ces années de préparation, d’entraînement, cette qualification à l’ultime limite au Costa Rica… Et tout se focalise sur neuf minutes dans un amphithéâtre plongé dans l’ombre où la piste éclairée brille magnifiquement comme une scène de théâtre.

Les lames se touchent, il y a quelques cris dans les gradins quasi vides. Et tout est fini.

Veux, veux pas, c’est un peu sonné qu’on se retrouve dans la « zone mixte » du Makuhari Messe, à essayer d’expliquer aux deux journalistes montréalais ce qui s’est passé en quelques éclairs.

L’ingénieur montréalais va passer sa déception dans les deux jours qui viennent à se promener dans le village des athlètes, à « prendre le plus de photos possible », à aller voir les seules compétitions autorisées pour lui (à la dernière minute) : l’escrime.

Avec sans doute un coup d’œil rétrospectif sur le superbe chemin parcouru… et un autre œil sur Paris 2024.