(Manille, Philippines ) Ce n’est certes pas la petite finale que l’équipe canadienne qui s’est embarquée pour un cycle de trois ans en 2021 voulait jouer ce dimanche, mais ce qu’elle a réalisé jusqu’ici lors des deux dernières semaines en Asie est colossal.

La Serbie a vaincu le Canada 95-86 en demi-finale de la Coupe du monde de basketball de la FIBA, vendredi à Manille, aux Philippines.

S’ils devaient l’emporter face aux Américains dimanche, les joueurs de l’unifolié ramèneraient tout de même dans leurs bagages la première médaille d’une olympiade ou d’un Championnat du monde au pays depuis 1936. C’est pratiquement 100 ans de disette qui seraient par le fait même effacés.

« Nous sommes un programme en construction », relativisait l’entraîneur-chef canadien Jordi Fernandez après la défaite des siens.

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Dwight Powell (7) et Dillon Brooks (24) tentent de contrer Nikola Milutinov

« Nos meilleures années sont devant nous. De retourner à la maison avec une médaille serait un accomplissement gigantesque, aucun de nous n’a jamais été dans cette position », a-t-il poursuivi en référence à l’inexpérience de son effectif en matchs internationaux.

« Remporter une médaille voudrait dire que nous nous sommes battus pour quelque chose, mais, aussi, on peut encore faire mieux. Nous voulons quitter ce tournoi affamés et élever le programme aux plus hauts sommets possibles. »

Une puissance du basketball qui s’ignorait

Les signes étaient là pourtant. Plus de 25 joueurs du pays évoluent dans la NBA. Sur un peu plus de 300 postes, ça commence à faire un bon contingent. L’équivalent de deux équipes sur les 30 que compte la grande ligue. Si bien que le Canada est deuxième producteur mondial de joueurs évoluant dans le plus grand circuit de la planète, distançant (et avec une bonne marge) les programmes français, australiens, serbes, croates, allemands et espagnols, des puissances mondiales de ce sport.

Ça aura pris pratiquement 100 ans donc, mais le Canada peut désormais se targuer de faire son entrée parmi les puissances de ce sport inventé jadis par l’un des nôtres au pays de l’oncle Sam, et dont la recette a été bien gardée au sud de notre frontière pendant le plus clair du XXe siècle.

Le basketball subit une mutation depuis les Jeux de Barcelone où les meilleurs joueurs professionnels américains ont eu la permission de participer aux compétitions internationales. Ils ont par le fait même pu reconquérir « leur » sport.

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L’entraîneur Steve Kerr

Nous ne sommes plus en 1992, chaque victoire est ardue à obtenir en Coupe du monde.

L’entraîneur américain Steve Kerr après la défaite de 113-111 des siens face à l’Allemagne dans l’autre demi-finale

La fameuse « Dream Team » a confirmé la domination des Américains, mais a aussi semé le rêve de jouer parmi les plus grands chez une multitude de jeunes partout sur la planète. Si bien que le sport s’est grandement internationalisé depuis. Bien sûr, on parle encore beaucoup des LeBron James, Kevin Durant et autres grandes vedettes américaines, mais il suffit de regarder les remises de trophées de fin d’année pour constater que ce sont maintenant des joueurs internationaux qui dominent le sport depuis quelques années.

Les trois titres les plus prestigieux de la plus récente saison de la NBA ont tous étés remis à des joueurs internationaux : le Camerounais Joel Embiid, joueur le plus utile de la saison, le Serbe Nikola Jokic, celui de la finale alors qu’il a remporté le championnat avec le Canadien Jamal Murray à ses côtés, et c’est un Français, Victor Wembanyama, qui a été sélectionné au tout premier rang du repêchage le plus attendu depuis celui de LeBron James en 2003.

On cherche maintenant le talent partout et le Canada est au cœur de ce récent phénomène. En fait, le Nord-Américain le plus à même de faire face à « l’invasion » internationale de la NBA n’est pas des États-Unis, mais du Canada, et il s’appelle Shai Gilgeous-Alexander.

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Shai Gilgeous-Alexander

Si vous ne connaissez pas encore ce nom, vous l’entendrez sans doute à profusion dans les prochaines années. Il s’améliore chaque année depuis son arrivée dans la grande ligue en 2019 et est maintenant considéré comme le meilleur à sa position dans une ligue où les étoiles se multiplient.

C’est en grande partie grâce à lui que le Canada s’illustre autant dans cette actuelle Coupe du monde. Il n’a inscrit que 15 points en demi-finale, mais c’était en moyenne 10 de plus par match depuis le début du tournoi.

Dans la dernière année, Shai Gilgeous-Alexander et sa bande ont vaincu des nations ayant déjà prouvé qu’elles appartenaient aux titans de ce sport : l’Argentine en qualifications, l’Allemagne en match préparatoire, la France en entrée de tournoi. Les Canadiens ont ensuite mis fin au tournoi des Espagnols, classés numéro un sur l’échiquier mondial, et battu les Slovènes avec leur meneur Luka Dončić.

Chacune de ces victoires devenait l’une des plus importantes, sinon la plus importante, de l’histoire du programme national. Celle face aux Espagnols aura d’ailleurs confirmé la présence du pays aux Jeux olympiques de Paris en 2024. Une première en 24 ans.

Les Canadiens visaient une qualification olympique et une médaille à Manille. Il y a dix ans encore, on aurait cru à un délire collectif. La moitié de cet ambitieux objectif achevé, l’autre est encore une possibilité.

Canada contre États-Unis pour le bronze, dimanche à 4 h 30 (heure de Montréal)