Kris Joseph a pris sa retraite du basketball professionnel dans la discrétion, en 2021. Dix ans après avoir été repêché par les Celtics de Boston, l’athlète de 33 ans a maintenant une nouvelle vocation, celle de transmettre « toutes » ses connaissances aux jeunes basketteurs. Pour qu’eux aussi réalisent leur rêve.

Après une longue carrière au cours de laquelle il a évolué dans la NBA, un peu partout en Europe, puis dans la Ligue élite canadienne de basketball (LECB), Kris Joseph s’est récemment joint à l’Institut de sport Dynastie. Son rôle ? Entraîneur-chef de l’équipe nationale du programme. Une nouvelle aventure qui l’emballe au plus haut point.

Derrière chaque grand changement se cache souvent un élément déclencheur. Celui de Joseph est survenu en mai 2021, alors qu’il évoluait pour une équipe espagnole. Il était en autocar, en route pour un match à l’extérieur, quand il a appris que son père souffrait d’un problème cardiaque et qu’il ne lui restait que quelques jours à vivre.

« Je n’avais pas de manière de retourner dans ma ville, alors je devais attendre trois jours. Je devais avoir un papier pour voyager à cause de la COVID-19. C’était fou. [...] Heureusement, je suis arrivé à temps pour le voir avant », raconte-t-il à La Presse un vendredi soir de septembre, dans le sous-sol de l’ancienne église de Saint-Jean-sur-Richelieu où est installé l’Institut.

Affecté par la perte de son père, le Montréalais a réfléchi à la suite de sa carrière.

Je me suis dit : ma mère vieillit, mes enfants grandissent, mes nièces et mes neveux... Pour moi, la famille, c’est plus important que le basket. Que tout. Je voulais être plus proche de la maison s’il arrive quelque chose.

Kris Joseph

Le colosse de 6 pi 7 po n’était pas dans un bon état d’esprit quand les Blackjacks d’Ottawa, qui évoluent dans la LECB, l’ont contacté pour faire appel à ses services. Il a refusé. Mais la formation ontarienne n’a pas lâché le morceau.

« Je me suis dit : tu sais quoi ? Le basketball m’aide toujours à me sentir mieux. C’est comme ça depuis que je suis tout jeune. Si ma mère me chicanait, je sortais dehors et j’allais jouer au basket. J’ai donc décidé d’aller jouer avec les Blackjacks. »

En arrivant à Ottawa pour l’été, Joseph avait déjà « un pied en dehors » du basketball professionnel. « Je [suis allé là-bas] parce que je savais que ça allait m’aider mentalement. Juste pour être dans un environnement de basket, dans un vestiaire, rigoler avec les gars. Ce que j’ai vécu avec les Blackjacks, ça m’a aidé plus que le basket. »

Il a quitté l’équipe avant la fin de la saison, la remerciant de l’avoir « ramené dans une bonne place » mentalement. Il était temps pour lui de retourner à la maison, au Québec, auprès de ses deux enfants. Cette décision sonnait le glas de sa carrière professionnelle.

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Kris Joseph veut transmettre « toutes » ses connaissances aux jeunes basketteurs.

Talents d’enseignant

Dès lors, Kris Joseph s’est mis à offrir des leçons de basketball individuelles ou de groupe à Montréal et dans les environs. Et il a adoré.

« Entraîner est une chose, mais enseigner en est une autre. [...] Quand j’ai vu que j’avais l’habileté d’enseigner aux jeunes, de vraiment les aider à comprendre, je me suis dit : c’est quelque chose que je veux faire. »

Il y a quelques années, Joseph avait rencontré les jeunes de l’Institut Dynastie, le premier établissement de basketball francophone privé et indépendant en Amérique du Nord. Quand le président du programme, Alexandre Victor, l’a pressenti pour être entraîneur-chef, Joseph n’a pas hésité bien longtemps.

Il a demandé conseil à son idole : son frère Maurice Joseph, entraîneur depuis de nombreuses années au sud de la frontière. « Le meilleur conseil qu’il m’a donné, c’est : un entraîneur-chef ne peut jamais avoir une mauvaise journée. Si j’arrive et que je suis découragé, [les jeunes] vont le sentir. »

Au moment de notre entretien avec Joseph, l’équipe de Dynastie s’entraînait déjà depuis quelques jours en vue de la nouvelle saison. En nous parlant de son nouveau rôle, l’ex-joueur rayonne.

On s’entraîne ici à 6 h le matin. Je me lève à 4 h, pas de café, pas de Red Bull. Le basket, c’est tout ce dont j’ai besoin pour me réveiller.

Kris Joseph

Chaque jour, Joseph se présente au gymnase avec une attitude positive, comme le lui a conseillé son frère. Mais ce n’est pas comme s’il avait besoin de se forcer. « J’aime tellement ça et je veux leur partager toutes mes connaissances. Parce que j’aurais aimé que quelqu’un le fasse pour moi pour que j’évite certains obstacles. »

Auprès de ses joueurs, l’ancien des Celtics et des Nets de Brooklyn prône la responsabilisation, le respect et la constance.

« Ton éthique de travail et tes aspirations doivent se rejoindre, quelque part au milieu. Si tu dis que tu veux atteindre la NBA mais que tu ne travailles pas, tu ne t’y rendras pas. [...] Comment te comportes-tu quand il n’y a pas de coach autour de toi ? C’est tellement plus grand que le basketball. Une des choses que je leur dis souvent, c’est que les décisions que tu prends aujourd’hui vont affecter ton lendemain. »

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Kris Joseph

L’expérience

Alexandre Victor nous explique que le contrat de Kris Joseph est d’une durée d’un an, mais « notre objectif, c’est qu’il soit là pour longtemps », affirme-t-il.

« Avant qu’un jeune ne se croie capable de réaliser quelque chose, il doit penser que c’est possible. Si la personne qui est devant lui l’a fait, tu peux croire. Dans notre cas, ce n’est pas nécessairement parce qu’on veut qu’il atteigne la NBA, mais c’est comme ça qu’il maximise son potentiel. »

Quand Joseph a rencontré les jeunes de l’Institut, il y a quelques années, Victor a été impressionné de le voir à l’œuvre.

« Il ne vous l’a pas dit tout à l’heure, mais il a donné des souliers à huit de nos gars, évoque-t-il. Ce désir-là de redonner au prochain, de contribuer et de ne pas le faire de façon calculée... Il l’a fait parce que c’est la personne qu’il est.

« Kris représente ce que l’on veut que les jeunes deviennent. »

Année importante

Il y a un peu plus d’un an, l’Institut de sport Dynastie était accepté au sein de la prestigieuse ligue américaine The Grind Session. Une première pour une formation québécoise. Selon les dires d’Alexandre Victor, la première année au sein de la ligue s’est bien déroulée, mais l’équipe « manquait d’expérience ». « L’an dernier, ç’a été gros pour ouvrir plusieurs portes, mais je pense que cette année, on doit vraiment consolider tout ça. [...] Il faut performer. Il ne faut pas juste faire de la fumée, il faut que le feu prenne. Je pense que c’est là qu’on est rendus. »