Vendredi : rappelé par les Marlins de Miami. Samedi : frappe un double à son premier match dans les ligues majeures. Dimanche : son premier circuit.

En trottinant nonchalamment du deuxième au troisième coussin, Leblanc a brandi le poing brièvement, comme si c’était sa 100e longue balle dans les grandes ligues. Une journée au bureau comme les autres.

« Parce que sur le moment, c’était comme un black-out pour moi. J’ai vu le lancer, je l’ai frappé, c’était un home run, j’ai fait le tour des buts. À ce moment-là, je ne pensais à rien, vraiment », a-t-il raconté à La Presse, lundi, 30 minutes avant de prendre le chemin du stade.

Dans un coin reculé des gradins du LoanDepot Park de Miami, il en était tout autrement.

Certains de ses coachs du secondaire s’étaient déplacés du Québec. « Ils ont fait 26, 28 heures d’auto pour descendre à Miami et venir voir la game », indique le Lavallois.

Également sur place, la famille de sa copine. Et la sienne, évidemment. Sœur, père, mère, grand-mère.

À l’opposé de la retenue du joueur, dans les hauteurs du stade, l’heure était aux étreintes. Leblanc n’y a pas songé sur le coup, peut-être un peu assommé, comme il l’a lui-même décrit.

« Mais de voir les vidéos après, tout le monde qui était content pour moi, c’était malade… », lâche-t-il.

Une réaction compréhensible de leur part. Les proches de Charles Leblanc venaient d’assister, en direct, à l’aboutissement de plus de deux décennies de sacrifices et d’efforts.

Dominant dans le AAA

S’il a paru bien zen en contournant les buts dimanche, le Québécois affirme qu’il ne l’était pas du tout 24 heures plus tôt, à son premier match dans l’uniforme des Marlins.

« Mon niveau de stress [samedi], sur 10, était sûrement à 15 ! Je sentais le cœur me sortir de la poitrine, battre jusque dans ma gorge jusqu’en cinquième ou sixième manche », dit-il.

En huitième, l’athlète de 26 ans a cogné un double. Briser la glace dès son premier match a sans doute mis la table pour le lendemain, alors qu’il a frappé un deuxième coup de deux buts avant d’enchaîner avec le circuit.

Cette place dans les grandes ligues, Leblanc ne l’a pas volée. Avec le Jumbo Shrimp de Jacksonville, dans la Ligue internationale – qui regroupe 20 des 30 équipes AAA –, le troisième-but frappait pour ,302 – au cinquième rang du circuit – avec 20 doubles, 14 circuits et 45 points produits en 87 matchs.

Et, peut-être plus important encore, il démontrait de la constance. L’an dernier, avec la formation AAA des Rangers du Texas, il avait connu un départ canon avant de sombrer dans une très longue léthargie à la plaque. Une expérience qui lui a « apporté beaucoup ». Appris à ne pas trop réfléchir. Et à relativiser.

Après une bonne fin de calendrier, il a été réclamé par les Marlins de Miami lors du « repêchage de la règle 5 », en décembre. Un changement d’adresse qu’il avait appris en consultant son compte Instagram…

Qu’importe où, Leblanc comptait bâtir sur le momentum acquis en septembre, poursuivre dans la même voie. Ce qu’il a réussi, reconnaît-il, satisfaction non dissimulée dans la voix.

PHOTO SAM NAVARRO, USA TODAY SPORTS

Charles Leblanc glisse au marbre pour marquer un point en cinquième manche, dimanche, avant de frapper son circuit.

« Avec la saison que je connaissais à Jacksonville, c’est sûr, je le voyais venir un peu, ce rappel, admet le Lavallois. C’est peut-être arrivé sur le tard, on veut tout le temps que ce soit plus vite. Mais avec la date limite des échanges qui s’en venait, je savais qu’il allait y avoir beaucoup de mouvements dans l’organisation et j’ai été un de ces moves-là. J’étais content. »

Le choc de la réalité

Produit de l’Université de Pittsburgh, Charles Leblanc a été repêché au quatrième tour par les Rangers du Texas en 2016. Il y a longtemps qu’il est perçu comme un potentiel joueur des ligues majeures.

Le Québécois dit néanmoins ressentir un sentiment « bizarre » maintenant qu’il y est. Certes, il en a eu un avant-goût avec les camps printaniers, mais la vraie saison, c’est quelque chose, comme dirait un ex-hockeyeur vedette. Ce n’est pas comparable.

« Au camp d’entraînement, il n’y a personne dans les estrades, et souvent les gros joueurs sont sortis, donc tu joues contre d’autres joueurs des ligues mineures », explique-t-il.

« On dirait que je ne réalise pas encore le fait que je ne suis pas juste ici pour être remplaçant. J’ai fait l’équipe. »

Pas de doute. Lundi soir, Charles Leblanc était de nouveau de l’alignement de départ. Et il a frappé un autre coup sûr.

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