(Detroit) Un vestiaire de baseball en avant-match, c’est décontracté. Il est 10 h 30 dans l’arrière-scène du Comerica Park, là où les Twins du Minnesota affronteront les Tigers de Detroit dans trois heures.

Ici, un joueur assis seul à son casier, le gros casque d’écoute vissé sur la tête, en train de se détendre ou, qui sait, d’écouter la cassette des Expos contre les Padres de San Diego. Là, trois joueurs assis à la table centrale, qui grignotent et échangent quelques mots. À travers cette vingtaine d’individualités, les journalistes sont libres de se promener et d’apostropher qui bon leur semble.

Édouard Julien n’est ni à son casier ni en train de causer avec les amis. « Je viens de le voir, il fait des étirements dans un corridor », nous informe une journaliste.

Dix minutes plus tard, revoici Julien, un des deux joueurs développés au Québec dans le baseball majeur cette saison. La conversation part vite sur le hockey quand on lui rappelle que le Canadien affrontera les Red Wings à 500 m d’ici, ce lundi soir. Il s’informe de l’ambiance autour de l’équipe, des règles qui font en sorte que Lane Hutson finira la saison avec le CH, mais pas Logan Mailloux.

« Je les suis en hiver, mais quand le baseball recommence, c’est plus dur. Mais je continue à regarder les box scores », s’excuse-t-il, en entrevue avec La Presse.

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Édouard Julien dans le vestiaire des Twins du Minnesota à Detroit, dimanche

En jouant au Minnesota, il garde tout de même contact avec la LNH. « J’ai rencontré les Québécois du Wild. C’était le fun, ils sont venus nous voir jouer en séries et c’est là que la relation a commencé.

– Donc, tu as connu Marc-André Fleury ?

– Oui. Je ne l’avais jamais vraiment rencontré. Puis, une fois, on partait du même aéroport et il s’est arrêté en auto à côté de moi pour me saluer. Ça m’avait surpris qu’il sorte de son auto pour venir se présenter à moi. Dans ma tête, ça devrait plus être moi qui me présente à lui que l’inverse ! C’est vraiment une très bonne personne. »

Une bonne séquence

Mais bon, on n’est pas venus prendre un bain de soleil en ce magnifique dimanche de printemps pour parler de gouret. D’autant plus que ça va plutôt bien pour notre homme par les temps qui courent.

« How do you say red hot in French ? », peut-on lire dans les notes de presse. (Réponse aux Twins, si vous nous lisez : « rouge chaud ».)

Julien compte déjà quatre circuits en 14 matchs cette saison, dont trois dans la semaine qui s’est conclue dimanche, une production impressionnante pour un premier frappeur. Mais il y en a un qui l’a rendu particulièrement heureux, si on se fie à sa réaction après qu’il eut contourné le premier but.

Regardez le circuit d’Édouard Julien

Pourquoi donc ? Parce que des 20 circuits de sa jeune carrière, c’était le premier contre un lanceur gaucher. Or, connaître du succès contre les gauchers est une clé si Julien veut obtenir sa permanence, sans égard à l’identité du lanceur adverse.

« J’ai travaillé très fort là-dessus et j’en ai beaucoup à faire, nous explique-t-il. C’est le fun de voir des résultats aussi rapidement. »

L’athlète de Québec n’a pas ménagé les efforts. « Cet hiver, j’avais un gaucher qui me lançait tous les jours, qui me lançait des courbes. Et j’avais une machine qui simulait un lanceur des ligues majeures. C’était juste de m’habituer à l’angle des balles qui arrivent de derrière moi. Et au camp d’entraînement, j’ai affronté plusieurs gauchers. »

On note aussi que ses quatre circuits ont été frappés au champ opposé. « Je laisse la balle voyager plus longtemps, donc ça me permet de mieux reconnaître le lancer et de m’élancer sur des prises. Ça a adonné que ce sont des rapides à l’extérieur », note-t-il.

Son coéquipier et ami Kyle Farmer, de neuf ans l’aîné de Julien, est conquis. « Son approche me rappelle Joey Votto, un gaucher qui frappait beaucoup de circuits dans l’allée à gauche, comme Eddie. Il doit y avoir quelque chose dans l’eau au Canada ! »

Cela dit, les coups de quatre buts ne font pas foi de tout, surtout dans son rôle. « C’est le fun d’avoir des circuits, mais j’aimerais me rendre un peu plus sur les buts, ou frapper un peu plus, mais je ne dois pas me mettre de pression là-dessus. » Il n’a pas connu son meilleur match au bâton dimanche, frappant une seule balle en jeu, un faible roulant, en cinq présences. Mais il a soutiré deux buts sur balles, dont un en neuvième manche, une présence qui a nécessité neuf lancers et que Julien a amorcée en retard 0 et 2.

La défense

Le jeu défensif était un autre angle mort de Julien, et il y a aussi remédié. Il n’a toujours pas commis d’erreur cette saison et a réalisé deux jeux importants dimanche, dont un sur un double jeu pas évident à convertir en raison du relais un peu haut du lanceur.

Après le match, une défaite de 4-3, le gérant des Twins, Rocco Baldelli, déplorait le jeu défensif de son équipe en huitième manche, « une manche de cinq retraits » pendant laquelle les Tigers ont inscrit leurs quatre points. « C’était du côté gauche de l’avant-champ », a-t-il ciblé, exonérant Julien du blâme.

Avec tout ça, Julien a fait partie du dix partant dans 12 des 14 matchs jusqu’ici. Et dans les deux autres matchs, il s’est amené comme substitut et a néanmoins obtenu des présences au bâton.

À 24 ans, bientôt 25, il espère que ce sera le début de quelque chose de durable, surtout s’il veut marcher dans les pas d’une de ses inspirations, Freddie Freeman, un modèle de constance s’il en est un. Julien l’a côtoyé à la Classique mondiale de baseball 2023 avec Équipe Canada. La semaine dernière, ils ont très brièvement renoué quand Julien s’est rendu au premier but comme coureur et a pu échanger quelques mots avec lui.

« C’est un modèle pour moi. Il a un élan similaire au mien, il a les mêmes forces et faiblesses que moi. Il laisse la balle voyager, il est capable d’aller au champ opposé et il prend ses buts sur balles. Quand j’affronte un lanceur qui vient de l’affronter, je regarde comment le lanceur l’a défié pour savoir à quoi m’attendre.

« Il est rendu à 34 ans, et c’est encore un des meilleurs frappeurs de la ligue. C’est impressionnant, ce qu’il fait. »

L’origine du 47

Restons parmi les légendes canadiennes. Julien porte le numéro 47, qui n’était pas son choix à l’origine. « Ils me l’ont donné parce que Corey Koskie l’a porté avec les Twins », révèle Julien. Koskie, un Manitobain, a joué de 1998 à 2004 au Minnesota et a connu une saison 2001 de 103 points produits. Maintenant qu’il est établi, Julien ne souhaite-t-il pas avoir son « propre » numéro ? « J’aurais aimé changer, mais avec le recul, quand je vois que plusieurs personnes ont acheté le chandail 47, je me sentirais mal pour elles. Je ne veux pas les forcer à acheter un nouveau gilet elles aussi ! »