Aux yeux de nombreux experts, les Blue Jays de Toronto ont « gagné l’hiver » dans la Ligue américaine de baseball. Mais cette « victoire » se transposera-t-elle là où ça compte, soit entre avril et octobre ?

Difficile de ne pas être d’accord avec les analyses faites sur l’hiver des Blue Jays. En plus de mettre la main sur l’excellent voltigeur George Springer pour plusieurs saisons, la formation torontoise a ajouté le joueur d’avant-champ Marcus Semien pour un an, en plus des releveurs Kirby Yates, Tyler Chatwood et David Phelps.

Tout ce beau monde vient s’ajouter au jeune noyau composé des Vladimir Guerrero fils, Cavan Biggio et Bo Bichette, ainsi qu’aux Rowdy Tellez et autres Teoscar Hernández. Voilà, à première vue, un alignement offensif qui fait rêver.

Il ne faut cependant pas oublier que les Blue Jays évoluent dans l’Est de l’Américaine, l’une des divisions les plus relevées de la MLB. Est-ce que ces changements seront suffisants pour résister aux puissants Yankees de New York, aux surprenants Rays de Tampa Bay et aux Red Sox de Boston, qui passent rarement deux saisons de suite du côté de la médiocrité ?

Car les Blue Jays, malgré tous ces changements, n’ont pas amélioré leur rotation de partants. Après Hyun-jin Ryu, qui amorcera la saison ce jeudi dans le Bronx, il y a plusieurs points d’interrogation : Nate Pearson pourrait être le deuxième partant, et Robbie Ray ratera son premier départ en raison d’une blessure à un coude. Ross Stripling, Steven Matz et Tanner Roark, qui ont connu des résultats mitigés au cours des dernières années, devront donner de bonnes manches de travail.

Une tuile est également tombée sur les Blue Jays au camp d’entraînement : Yates a dû subir une reconstruction ligamentaire du coude et ne lancera pas de la saison. Le gérant, Charlie Montoyo, devra donc se tourner vers un comité de pompiers en fin de match. Le Canadien Jordan Romano et Rafael Dolis pourraient être mis à contribution.

Nous sommes chanceux d’avoir suffisamment de gars qui peuvent accomplir ce travail. Nous allons donc utiliser un comité, comme nous l’avons fait l’an dernier.

Charlie Montoyo, gérant des Blue Jays de Toronto

Ils devront aussi se passer des services de Springer pour un certain temps en début de saison : le voltigeur étoile a subi une élongation des obliques de grade 2, et son nom sera inscrit à la liste des blessés.

Cette formation des Blue Jays a maintenu la meilleure fiche de l’Américaine au camp d’entraînement, avec 16 victoires, 9 défaites et 2 nulles. Elle devra toutefois faire mieux que d’offrir le 10e rendement de la ligue si elle espère participer aux séries éliminatoires, puisque la MLB a repris son format habituel, soit les trois champions de division de chaque ligue et les deux fiches suivantes les mieux classées, qui s’affronteront dans une rencontre pour devenir le quatrième as.

Et les Rays et les Yankees, qui ont tous deux terminé devant les Blue Jays en 2020, ne comptent pas ralentir le rythme. Surtout dans le Bronx, où la pression pour un titre de la Série mondiale – les Yankees ont signé leur dernière conquête en 2009 – se fait de plus en plus sentir.

Leur directeur général Brian Cashman a lui aussi connu un hiver actif. En plus de ramener le joueur d’avant-champ D.J. LeMahieu – meilleur Yankee au cours des deux dernières saisons –, Cashman a ajouté deux lanceurs partants en Corey Kluber, vainqueur de deux trophées Cy-Young, et Jameson Taillon. Masahiro Tanaka, après sept saisons en Amérique, a plutôt choisi de retourner jouer chez lui, au Japon.

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Jameson Taillon, des Yankees de New York

Menée par Gerrit Cole, la rotation des Yankees devrait donner des maux de tête aux frappeurs adverses. Mais est-ce que les gros cogneurs new-yorkais tiendront le coup ?

Giancarlo Stanton et Aaron Judge ont subi de nombreuses blessures au cours des dernières campagnes. Les deux colosses se sont mis au yoga l’hiver dernier pour se donner une meilleure flexibilité.

Derrière le marbre, les Yankees espèrent retrouver le Gary Sánchez qui a fait écarquiller les yeux de tout le monde à son arrivée dans les ligues majeures. Le « Kraken » n’a fait peur à personne avec sa moyenne offensive famélique de ,147 l’an dernier. Le gérant Aaron Boone lui a même préféré Kyle Higashioka en séries éliminatoires.

Luke Voit, meneur des ligues majeures pour les circuits en 2020 avec 22, ratera le début de la saison en raison d’une déchirure partielle d’un ménisque. Il devrait revenir au jeu en mai.

Du côté des Rays, leur triumvirat de lanceurs partants a été démantelé : Blake Snell a été échangé aux Padres de San Diego, et Charlie Morton a profité de l’autonomie pour se joindre aux Braves d’Atlanta. Les Rays ont toutefois ramené Chris Archer et ajouté Michael Wacha.

Les Rays ont remporté le titre de leur division l’an dernier et atteint la Série mondiale en maximisant leurs occasions en attaque et en muselant les attaques adverses. Pour y parvenir, ils ont notamment utilisé un maximum de bras au monticule, stratégie qui ne devrait pas changer cette saison. Sera-t-elle suffisante ?

Quant aux Red Sox, ils ont connu une saison difficile l’an dernier. Mais la formation de Boston retrouvera deux partants de grande qualité en 2021. Eduardo Rodríguez, qui a raté la dernière saison en raison de la COVID-19 et d’une myocardie en lien avec le coronavirus, est de retour. Le redoutable Chris Sale est remis de sa reconstruction ligamentaire du coude gauche. Ces deux artilleurs suivront probablement Nathan Eovaldi dans la rotation.

Les Red Sox ne sont jamais bien loin de la tête, mais la possibilité de surpasser ces trois formations est possiblement trop leur demander cette saison. Peut-être pourront-ils se faufiler dans la course au quatrième as ? Sinon, il faudra s’attendre à ce que certains gros noms servent de monnaie d’échange à la date limite.

Autres luttes

Il y aura bien évidemment d’autres luttes intéressantes dans la MLB, à commencer dans l’Est de la Nationale.

Les Braves d’Atlanta du Montréalais Alex Anthopoulos ont remporté le championnat de la division, devant les surprenants Marlins de Miami. Avec l’ajout de Morton, la rotation ne semble pas avoir de faiblesse. Morton devrait s’insérer au quatrième ou au cinquième rang, derrière Max Fried, Ian Anderson, Drew Smyly et Mike Soroka.

À l’attaque, la formation compte toujours sur Freddie Freeman, joueur par excellence de la Nationale l’an dernier, Marcell Ozuna, Ronald Acuña fils, Ozzie Albies et Travis d’Arnaud, lauréat du Bâton d’argent comme receveur l’an dernier.

Mais l’équipe que tous ont hâte de voir dans cette division, c’est celle des Mets de New York.

Les Mets ont frappé un grand coup – le plus grand ? – de l’hiver en faisant l’acquisition de l’arrêt-court Francisco Lindor et du lanceur partant Carlos Carrasco, des Indians de Cleveland, contre aucun joueur qui aurait eu un effet cette année.

PHOTO JASEN VINLOVE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Francisco Lindor, des Mets de New York

Les Mets miseront également sur le double gagnant du trophée Cy-Young Jacob deGrom au monticule ainsi que sur le retour de Marcus Stroman, qui a fait l’impasse sur la saison 2020 en raison de la pandémie.

Ajoutez à cela le fait que Noah Syndergaard, qui n’a pas lancé depuis septembre 2019 après avoir subi une reconstruction ligamentaire du coude droit en mars 2020, devrait retrouver sa place dans la rotation en juin, et vous obtenez une équipe excitante.

Et pour ceux qui aiment veiller tard, notre suggestion de l’an dernier est toujours d’actualité : ne manquez pas les rencontres des Padres de San Diego.

Si les Blue Jays ont gagné l’hiver dans l’Américaine, les Padres sont les grands gagnants dans la Nationale, malgré l’arrivée de Trevor Bauer chez leurs éternels rivaux, les Dodgers de Los Angeles.

Les Padres ont ajouté Snell, Yu Darvish et Joe Musgrove au monticule, ce qui les aiderait à compenser la perte de Mike Clevinger pour la saison (une autre reconstruction ligamentaire) et de Dinelson Lamet pour un certain temps.

Darvish vient de terminer deuxième dans la course au trophée Cy-Young (derrière Bauer), après avoir mené la Nationale avec huit victoires. Snell, gagnant de ce même trophée dans l’Américaine en 2018, donnera plusieurs bonnes manches aux Padres.

Au bâton, l’alignement est menaçant du début à la fin avec, dans l’ordre ou dans le désordre : Fernando Tatis fils, Manny Machado, Will Myers, Jake Cronenworth et le retour de Jurickson Profar. L’équipe compte aussi sur le nouveau venu Ha-seung Kim. Le Coréen a signé un pacte de quatre ans et 28 millions l’hiver dernier.

Est-ce suffisant pour chauffer les Dodgers ? Les champions de la Série mondiale ont ajouté Bauer, en plus de ramener Justin Turner. Ils ont toutefois perdu Joc Pederson, Enrique Hernández et Pedro Báez. Avec la formation qu’ils ont, en souffriront-ils vraiment ?

Avec Gregory Strong, du bureau de Toronto