(Montréal) Mardi, les 25 joueurs dont les noms sont inscrits sur le bulletin de vote de l’Association des chroniqueurs de baseball d’Amérique (BBWAA) en vue de leur admission au Temple de la renommée sauront s’ils ont été retenus par 75 % des quelque 410 journalistes ayant le droit de vote aux États-Unis et au Canada.

Le journaliste de La Presse Canadienne Frédéric Daigle est membre de la BBWAA, mais n’a pas encore le droit de vote, octroyé après avoir été membre en règle pendant 10 années d’affilée seulement.

Il offre ici la liste, par ordre alphabétique, de ceux qui auraient obtenu son vote en vue de la cérémonie d’intronisation qui aura lieu en juillet… si la pandémie le permet.

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Deux joueurs dont le nom se trouvait sur mon bulletin de vote l’an dernier, Derek Jeter et Larry Walker, ont été élus en 2020. Comme la limite est de 10, il ne reste théoriquement que ces deux places à attribuer si je redonne mon vote aux huit joueurs non élus de 2020 : Bonds, Clemens, Helton, Pettitte, Rolen, Schilling, Sheffield et Vizquel.

Mon opinion a toutefois changé pour certains d’entre eux.

Je me suis imposé comme règle d’attribuer mes 10 votes chaque année, à moins de très faibles bulletins. Quant aux joueurs provenant de l’ère des stéroïdes, je laisse au Temple de la renommée le soin d’expliquer à ses visiteurs ce qui s’est passé dans la MLB à cette époque.

Certains agissements ne peuvent toutefois pas, à mes yeux, être cautionnés. C’est pourquoi mon bulletin a changé.

Barry Bonds (9e année d’admissibilité ; 60,7 % en 2020)

J’ai longuement expliqué mon raisonnement pour Bonds depuis que je fais cet exercice : à mes yeux, c’est un membre légitime du Temple.

Depuis quatre ans, le pointage de Bonds a augmenté (il était de 53,8 % en 2017). Aura-t-il suffisamment de temps pour rallier 75 % des voix ? Seuls Babe Ruth (182,5), Cy Young (168,0) et Walter Johnson (165,2) ont un meilleur WAR* que le sien (162,8), et Bonds est le meneur de tous les temps pour les circuits, les buts sur balles et les buts sur balles intentionnels.

Sept titres de joueur par excellence de la Nationale en plus de terminer cinq autres fois dans le top-5, ainsi que 14 participations au match des étoiles en 22 saisons : que dire de plus ?

Roger Clemens (9e ; 61 %)

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Roger Clemens

Le raisonnement pour Clemens est un peu le même que dans le cas de Bonds. Il est le recordman de tous les temps avec sept trophées Cy-Young, dont trois avant 1998, la barrière floue marquant le début de l’ère des stéroïdes.

Il est l’un des six lanceurs à avoir gagné le Cy Young dans les deux ligues, en plus d’avoir été nommé joueur par excellence de l’Américaine en 1986. Ses 354 victoires lui confèrent le neuvième rang de l’histoire. Seuls Nolan Ryan et Randy Johnson ont passé plus de frappeurs dans la mitaine que Clemens, qui a réussi l’exploit 4672 fois en carrière.

Todd Helton (3e ; 29,2 %)

PHOTO JEFF ROBERSON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Todd Helton

Comme pour Larry Walker, la candidature de Helton est, aux yeux de certains, entachée par ses 17 saisons passées au Colorado. À croire que ces gens ne savent pas comment accéder à la section « Home-Away » du site Baseball-Reference.com…

Oui, ses moyennes offensives au Coors Field de ,345/,441/,607 sont immenses. Mais à ,287/,386/,469, on ne peut pas dire qu’il perdait tous moyens dans les stades adverses. Il a frappé 1394 coups sûrs au Colorado contre 1125 partout ailleurs.

Ses WAR, WAR7 et JAWS sont respectivement meilleurs que neuf, 13 et 11 premiers-buts déjà admis à Cooperstown.

Ses statistiques « traditionnelles » sont aussi loin d’être banales : 2519 coups sûrs, dont 592 doubles et 369 circuits pour des moyennes de ,316/,414/,539. Il a terminé trois fois dans le top-5 au scrutin du joueur par excellence, a gagné un championnat des frappeurs, trois Gants d’or et quatre Bâtons d’argent.

Andruw Jones (4e, 19,4 %)

Jones est un nouveau venu sur mon bulletin de vote. Il avait été en quelque sorte victime de la congestion ces dernières années.

Jones a joué 17 saisons de 1996 à 2012 et il a possiblement été le meilleur voltigeur de centre des Majeures dans 12 d’entre elles. De 1998 à 2007, il a remporté 11 Gants d’or consécutifs. Au cours de la même période, il a ajouté un Bâton d’argent, cinq participations au match des étoiles et terminé parmi les 16 premiers au scrutin du joueur par excellence cinq fois, dont une fois en deuxième place, en 2005, après avoir mené les Majeures avec 51 circuits et la Nationale avec 128 points produits.

Ses statistiques offensives uniquement le laissent un peu à court (1933 coups sûrs, 383 doubles, 434 circuits, ,254/,337/,486), mais en tenant compte de sa très grande contribution défensive, Jones mérite sa place au Temple.

Andy Pettitte (3e ; 11,3 %)

Ses 256 victoires le placent au 11e rang de tous les temps chez les lanceurs gauchers et 42 au total. Sept des 10 qui le devancent au classement sont au Temple de la renommée. Ses 2448 retraits sur des prises lui confèrent le 15e rang de l’histoire chez les gauchers ; quatre des 14 qui le devancent sont à Cooperstown.

Pettitte a gagné quatre Séries mondiales et affiche un dossier de 19-11 en matchs éliminatoires ; il a terminé quatre fois parmi le top-5 pour le Cy-Young et une fois sixième. C’est quand on regarde ses statistiques avancées que sa candidature perd toutefois un peu de son lustre : ses chiffres sont en deçà de la moyenne des 65 partants détenant une plaque à Cooperstown.

Mais il faut aussi placer Pettitte dans le bon contexte : combien de ses contemporains remporteront plus de matchs que lui ? Deux bons exemples se retrouvent sur ce bulletin de vote : Mark Buehrle et Tim Hudson.

De 2000 à 2015, Buehrle a compilé une fiche de 214-160 (,572) ; Hudson, de 1999 à 2015, 222-133 (,625). Pettitte a un taux de victoires de ,626. Le regretté Roy Halladay, élu en 2019, a lancé de 1998 à 2013 et terminé avec une fiche de 203-105 (,659). Halladay a par contre gagné deux Cy-Young et terminé cinq fois dans le top-5 au scrutin.

Manny Ramirez (5, 28,2 %)

PHOTO DAN HIMBRECHTS, ASSOCIATED PRESS

Manny Ramirez

Nouvelle entrée sur mon bulletin de votes. En appliquant la logique de « l’escouade de la moralité » à Bonds, Clemens et Pettitte, il faut être conséquent et voter pour Ramirez.

Les statistiques appuient joliment sa candidature également : 555 circuits, 2574 coups sûrs, 1813 points produits, des moyennes de ,312/,411/,585, huit Bâtons d’argent et huit fois parmi le top-10 au scrutin du joueur par excellence.

Satistiques avancées, dites-vous ? Il est dans le top-10 pour le WAR et le JAWS. Parmi ceux qui le devancent, seuls Bonds et Pete Rose, inéligible, ne sont pas à Cooperstown.

Scott Rolen (4e ; 35,3 %)

Rolen semble être sur une belle lancée auprès de l’électorat, ayant fait un bon de 18,1 % sur les bulletins de vote entre 2019 et 2020.

Si ses statistiques (,281/,364/,490, 2077 coups sûrs, dont 517 doubles et 316 circuits, 1287 points produits et 1211 points marqués) semblent le laisser juste à court du Temple, ses statistiques avancées lui ouvrent toutes grandes les portes.

Son WAR, son WAR7 et son JAWS sont tous supérieurs à la moyenne des 15 troisièmes-buts (Baseball-reference.com place Edgar Martinez à cette position) déjà admis. Il vient au 10e rang de tous les temps pour le WAR et le JAWS, 14e pour le WAR7.

Et que dire ses prouesses défensives : la recrue de l’année en 1997, Rolen a gagné huit Gants d’or.

Gary Sheffield (7e ; 30,5 %)

Sheffield commence à manquer de temps. Même s’il a fait un bond de près de 17 % dans les intentions de votes, il doit encore plus que doubler le nombre de bulletins sur lesquels son nom apparaît : il a reçu 121 votes l’an dernier ; il lui en aurait fallu 177 de plus.

Il a pourtant le « chiffre magique » de 500 (509) circuits en poche, en plus d’avoir frappé 2689 coups sûrs et maintenu des moyennes de ,292/,393/,514.

« Sheff » a terminé cinq fois dans le top-5 au scrutin du joueur par excellence, gagné cinq Bâtons d’argent et a été choisi neuf fois au sein de l’équipe d’étoiles en 22 ans, en plus de gagner une Série mondiale avec les Marlins de la Floride, en 1997.

Défensivement, il n’a pas de Gant d’or pour mousser sa candidature. Mais son taux d’efficacité défensif de ,977 en carrière n’est pas banal.

L’élection de Walker – 500 coups sûrs de moins ! – pourrait peut-être lui venir en aide.

Sammy Sosa (9, 13,9 %)

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Sammy Sosa

Une autre nouvelle entrée sur mon bulletin, pour les mêmes raisons évoquées pour justifier mon vote pour Manny Ramirez.

Sosa a frappé 609 circuits, le neuvième plus haut total à ce jour. Parmi tous ceux qui ont frappé 600 circuits ou plus, seuls Alex Rodriguez et Albert Pujols, qui est toujours actif, ne sont pas à Cooperstown. Pujols a déjà une place réservée pour sa plaque. A-Rod, c’est plus compliqué…

Sosa a été élu joueur par excellence en 1998 et a terminé six autres fois parmi les neuf premiers au scrutin. Il a reçu six Bâtons d’argent.

Ses détracteurs sont nombreux, pas seulement pour son penchant pour les seringues et les bâtons remplis de liège. Certaines statistiques n’y sont pas : son WAR et son JAWS sont tous deux en deçà de la moyenne des 27 voltigeurs de droite à Cooperstown.

Malgré tout, avec 2408 coups sûrs et 1667 points produits, sa candidature mérite qu’on s’y attarde. De toute évidence, il manquera de temps.

Schilling et Vizquel ?

PHOTO KATHY WILLENS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Curt Schilling

Curt Schilling et Omar Vizquel se retrouvaient sur mon bulletin de vote l’an dernier. Ils n’y sont plus.

Il y a une ligne à tracer et à mes yeux, Schilling et Vizquel l’ont tous deux dépassée.

Schilling a ouvertement appuyé, voire applaudi, la tentative d’insurrection du 6 janvier dernier au Capitole. Il a souvent par le passé relayé des théories complotistes, en plus d’avoir encouragé le lynchage de journalistes il y a quelques années (un fait que j’ignorais au moment de placer mon vote en 2020).

Quant à Vizquel, s’il n’a pas triché, il est accusé de violence conjugale par son épouse et le Baseball majeur enquête sur un incident suffisamment important survenu avec les Barons de Birmingham, club-école des White Sox de Chicago, pour que Vizquel soit relevé de ses fonctions.

S’il nie les accusations de violence conjugale, la lumière n’a pas encore été faite sur l’incident de Birmingham. C’est pourquoi je lui ai retiré mon vote.

Les plus futés d’entre vous noterons que j’ai donc un bulletin à neuf voix. J’estime que les candidats restants n’ont pas eu l’impact nécessaire au cours de leur carrière pour être admis à Cooperstown.

Les résultats officiels seront connus mardi, 15 h.

Les exclus (année d’admissibilité)

Bobby Abreu (2e), Mark Buehrle (1re), A. J. Burnett (1re), Michael Cuddyer (1re), Dan Haren (1re), LaTroy Hawkins (1re), Tim Hudson (1re), Torii Hunter (1re), Jeff Kent (8e), Aramis Ramirez (1re), Curt Schilling (9), Nick Swisher (1), Shane Victorino (1), Omar Vizquel (4), Billy Wagner (6), Barry Zito (1).

*WAR : Wins Above Replacement. Victoires procurées par un joueur par rapport à un joueur moyen qui donnerait zéro. WAR7 : total des sept meilleures saisons WAR d’un joueur, pas nécessairement consécutives. JAWS : Moyenne du WAR et WAR7.

* *Les statistiques proviennent toutes de Baseball-Reference.com