Lorsqu'il s'agit de célébrer une gloire des années 80 qui a brillé pour une équipe qui n'existe plus, on ne peut faire autrement que de baigner dans la nostalgie.

Ceux qui n'ont cure du baseball sont peut-être las de voir les amateurs crier leur affection pour les Expos. Mais pour les centaines - sinon les milliers - de fans qui ont convergé vers Cooperstown, vêtus de différentes déclinaisons tricolores, l'entrée de Tim Raines au Temple de la renommée n'était pas qu'un retour complaisant dans le temps. C'était une façon de participer à une histoire qui continue de s'écrire.

Pour Raines, en premier lieu, cette intronisation est un nouveau chapitre qu'il attendait impatiemment. Il en était à sa dernière année d'admissibilité.

«Pendant 10 ans, on m'a demandé pourquoi je n'avais pas été admis, a raconté Rock durant son allocution. Dieu merci, je n'aurai plus à répondre à cette question.»

L'ancien numéro 30 rejoint au Temple de la renommée Gary Carter et Andre Dawson, ceux qu'il qualifie de plus grands amis qu'il ait eus dans le baseball. Ils forment désormais la trinité des Expos à Cooperstown.

«[Gary] Carter doit me regarder d'en haut et se dire : "Tu l'as fait, le jeune." Il m'a montré comment me préparer tous les jours, et même si c'était un receveur, c'est lui qui m'a montré comment le baseball devait être joué», a dit Tim Raines.

«Et sans Andre Dawson, je ne sais pas ce qui serait advenu de ma carrière. À un certain moment, j'ai eu besoin de quelqu'un pour me montrer la bonne voie, et cette personne-là, c'était Andre Dawson. Quand je l'ai connu, ce n'était pas le genre de gars vers qui on pouvait simplement aller et commencer une conversation. Il a ce regard, ce froncement de sourcils... J'avais un peu peur. Mais finalement, je me suis dit qu'il était l'un des plus grands à avoir joué, qu'il était mon coéquipier et que je devais aller le voir.

«Il a accepté, et je l'ai suivi.»

Au bas de la tribune, l'un des fils de Raines - prénommé Andre, sans hasard - cachait ses larmes sous ses lunettes fumées.

Entre le souvenir et le rêve

D'entrée de jeu, Raines s'est excusé auprès des amateurs québécois de ne pas être en mesure de leur parler en français. Mais pour ceux qu'il a fait vibrer, il était déjà tout pardonné.

«Raines était très lumineux», décrit l'auteur Marc Robitaille, qui avait auparavant assisté aux intronisations de Carter et de Dawson.

«Il était un peu enfant quand il est arrivé à Montréal, et il l'est resté. Il avait ce côté convivial et friendly, et c'est pour ça qu'il y a beaucoup de gens qui sont venus ici et qui ne voulaient pas manquer ça.»

Robitaille a constaté ce week-end que l'empreinte des Expos à Cooperstown était beaucoup plus visible qu'elle ne l'était en 2010 lorsque Dawson y a fait son entrée.

«Ça n'a rien à voir, dit-il. En 2010, chaque fois que je voyais un amateur aux couleurs des Expos, j'avais le réflexe d'aller lui parler. Cette année, je ne pourrais pas faire ça, je m'arrêterais constamment. Il y en a partout. C'est le résultat d'un mouvement qui s'est amorcé avec la mort de Carter en 2012. C'est comme si c'était venu effacer toutes les mauvaises affaires qu'on avait vécues à partir de 1994 et que les gens s'étaient rappelé que ça avait déjà été amusant.»

On souligne souvent le côté vintage des Expos, de leur uniforme bleu poudre et du souvenir bon enfant qu'ils laissent aux quatre coins de l'Amérique. Mais ce n'est plus juste de la nostalgie. À peine sorti d'un des quatre autocars nolisés par le groupe Expos Nation, Martin Chevalier regardait autant vers l'avenir que vers le passé.

«Le deuil est fait, on est prêts pour autre chose», a dit ce Montréalais, qui en a voulu à ses parents de ne pas l'avoir baptisé Tim.

Même engagement du côté de Francis-Alexandre Hétu, un Lavallois de 29 ans venu à Cooperstown avec un groupe d'amis.

«Tim Raines, je l'ai peu connu, j'ai fait mon enquête sur lui, mais j'ai surtout connu les années de Vladimir Guerrero, et je suis ici parce qu'il s'agit des Expos», a-t-il dit.

Il est probablement de ceux qui ont hué l'ancien commissaire Bud Selig lorsque ce fut son tour d'être honoré...

Tous ces fans venus célébrer Raines entretiennent à la fois un souvenir et un rêve à l'égard du baseball. Mais le principal intéressé, lui, n'a plus à se soucier ni de l'un ni de l'autre : le souvenir de sa carrière est à jamais enchâssé au Temple de la renommée et son rêve s'est finalement réalisé.

«Tu as assez attendu», lui a d'ailleurs lancé Jane Forbes Clark, présidente du Temple.

ARCHIVES PC

Tim Raines, en 1989.