Quelque 400 nageurs participent, d'aujourd'hui à samedi, au Complexe aquatique de l'île Sainte-Hélène, aux sélections pour les Championnats du monde FINA de Rome, qui auront lieu à la fin du mois. Quelques-uns seront équipés du rutilant maillot rouge Jaked01, l'une des combinaisons en polyuréthane ou en néoprène récemment autorisées par la FINA. La plupart des autres se «contenteront» du LZR Racer de Speedo, qui a fait sensation aux Jeux olympiques de Pékin, mais qui paraît aujourd'hui dépassé avec ses simples plaques de polyuréthane. Cela faussera-t-il la compétition?

Natation Canada aurait voulu faire l'économie d'une - autre - polémique sur les maillots de bain et qu'on parle enfin des performances des athlètes. Mais la fédération est à la merci de la FINA et de ses tergiversations. Les sélections pour les Mondiaux de Rome s'ouvrent donc aujourd'hui sur fond d'interrogation et d'inquiétude.

Après avoir songé à interdire les maillots en polyuréthane, Natation Canada a choisi de se conformer à la dernière liste publiée par la Fédération internationale de natation (FINA), le 22 juin. «On a suivi le règlement à la lettre», a expliqué avec résignation Pierre Lafontaine, PDG de la fédération canadienne, lors d'un entretien téléphonique, hier. Pour moi, il aurait été encore plus difficile d'autoriser seulement les Speedo.»

En d'autres termes, devant les pénibles imbroglios juridiques de toutes sortes qui auraient pu découler de l'interdiction de certains modèles ou marques, Natation Canada a préféré suivre la ligne de conduite édictée par la FINA. La FINA conclut que tous ces maillots en polyuréthane sont disponibles pour tous, alors ils sont autorisés.

Mais la définition de disponibilité est bien relative. Au lendemain de la décision de Natation Canada, Benoit Lebrun s'est résigné, presque à son corps défendant. L'entraîneur-chef du centre national de la piscine olympique a commandé huit maillots rouges du fabricant italien Jaked pour une demi-douzaine de ses nageurs. Or il attend toujours livraison de ces combinaisons qui ont mené à plusieurs chronos prodigieux cette année.

Depuis deux jours, Lebrun n'a pas manqué de remarquer l'apparition de ces taches rouges dans les eaux bleues des piscines du Complexe aquatique de l'île Sainte-Hélène, théâtre des sélections. Selon ses estimations, plus d'une vingtaine de nageurs utiliseront les maillots Jaked cette semaine. Il ne s'étonnerait pas de voir deux ou trois finalistes avec des Jaked sur les épaules.

«J'ai un inconfort présentement par rapport à cette situation», a reconnu Lebrun, plutôt opposé à cette course technologique effrénée, d'autant que l'an prochain, la FINA pourrait très bien revenir en arrière.

L'entraîneur espère que les sélections canadiennes ne se transformeront pas en farce comme ce fut le cas pour les Championnats de France, en avril. Des favoris s'étaient alors fait surprendre par des nageurs moins bien classés, mais équipés en Jaked.

Cependant, le ton n'est ni alarmiste ni amer. Lebrun y voit plutôt une occasion pour ses athlètes de se développer dans l'adversité. «Quand un être humain se retrouve dans une situation très exigeante, où le défi est énorme, c'est là qu'il se développe le plus, a-t-il prétendu. Il faut voir comment retourner ça. Il va falloir puiser dans ses ressources si, par exemple, un nageur qui est plus lent que toi d'une seconde et demie sur 200 mètres se retrouve à côté de toi.»

Comme le dit Lebrun, «ça ajoute du piment à la sauce». Polyuréthane ou pas, la formule reste la même: il faut toucher au mur le premier pour obtenir son billet pour Rome. Le deuxième sera invité s'il réussit le standard A de la FINA. Aux 100 et 200 mètres style libre, six nageurs seront choisis pour les relais. D'aujourd'hui à vendredi, les préliminaires commencent à 10h et les finales à 18h. Samedi, les finales seront présentées à partir de 16h. Coût des billets: 5$ (préliminaires) et 10$ (finales). Le port du polyuréthane n'est pas recommandé pour le spectateur.