Michael Phelps a fait déplacer 2400 spectateurs pour assister à une compétition de natation à Montréal par un samedi soir de juin. Il avait intérêt à livrer la marchandise. L'Américain de 23 ans a fait ça et même un peu plus.

Devant un public curieux de voir le phénomène en action, Phelps est venu à un cheveu de battre un record du monde, hier soir, en finale du 100 mètres papillon de la Coupe Canada/Coupe du Québec.

L'Américain a franchi les deux longueurs en 50.48 secondes, échappant la marque mondiale par seulement huit centièmes. En voyant le chrono s'afficher sur l'écran géant, l'octuple médaillé d'or des Jeux olympiques de Pékin a hoché la tête, comblé.

«J'étais vraiment content, a commenté Phelps, détendu comme jamais une demi-heure après sa course. Je me disais qu'un temps de près de 51 secondes ou n'importe quoi dans les 50 secondes m'emballerait. Pour être honnête, quand j'ai touché au mur, je n'avais aucune idée du temps du record.»

Montréal peut donc se vanter d'avoir été le théâtre des deux 100 m papillon les plus rapides de l'histoire. La marque mondiale de 50.40 a en effet été établie par l'Américain Ian Crocker en juillet 2005 dans le cadre des Mondiaux FINA, présentés dans l'île Sainte-Hélène.

Phelps a quand même abaissé d'un dixième son meilleur temps à vie réussi en finale à Pékin. Il avait alors devancé le Serbe Milorad Cavic par un centième pour remporter sa septième médaille d'or en Chine.

«Ce fut presque la même course qu'à Pékin, a rappelé Phelps. J'étais seulement un dixième plus lent sur la première longueur. J'ai seulement besoin d'un peu plus de repos en vue des championnats américains et j'espère pouvoir partir un peu plus vite.»

Nez à nez avec son compatriote Christopher Brady au virage, Phelps a surgi de la coulée avec une demi-longueur de corps d'avance, en route vers le deuxième 50 le plus rapide de l'histoire sur 100 m papillon. Brady a conservé sa deuxième place, touchant le mur exactement deux secondes après le gagnant. Le Canadien Joe Bartoch a complété le podium en 53.58.

Phelps a indiqué qu'il avait des ambitions supérieures au record mondial sur 100 m papillon, sans préciser lesquelles. Le temps est inscrit sur une feuille d'objectifs détenue seulement par son entraîneur Bob Bowman et lui. Dans son autobiographie, No Limits: The Will to Succeed, Phelps révèle qu'il visait 49.5 pour les Mondiaux de Melbourne, en 2007. Ça donne une idée.

Phelps a également confirmé que le modèle intégral de la combinaison LZR Racer de Speedo serait son choix à l'avenir. Il ne l'avait jamais portée jusque-là dans une épreuve de papillon.

Ovationné quand il est monté sur le podium, Phelps a salué la foule à quelques reprises. Visiblement, il s'est amusé. Il a raconté en souriant à quelle vitesse son couloir se remplit quand il commence son échauffement. «Il y avait 100 personnes dans mon couloir et cinq dans chacun des autres! a-t-il dit. C'est cool de voir l'excitation sur leur visage.»

Après la finale, un collègue nageur a également fait remarquer à Phelps à quel point la foule avait été bruyante. «Je l'ai probablement vraiment entendue dans les derniers 15 mètres», a raconté le plus grand olympien de l'histoire, pendant qu'une cinquantaine de jeunes s'agglutinaient au bout des gradins dans l'espoir d'obtenir un cliché de lui. «Je n'avais aucune idée que j'allais aussi vite.»

En procédant à sa nage de récupération, dans le bassin secondaire sous les gradins, le Kid de Baltimore a même eu une pensée pour la vénérable piscine olympique de 1976. «Après plus de 30 ans, cette piscine est en excellente condition, a-t-il jugé. Et vite aussi. Vite, sans aucune doute.»

Une casquette des Orioles savamment tournée vers l'arrière, sur le côté, Phelps est retourné dans ses quartiers, entouré de son entraîneur et de ses deux gardes du corps. Il replonge aujourd'hui pour le 100 m libre. Il a laissé les journalistes sur cette question: «Qui sait ce que je peux faire demain?»