Néo-Brunswickoise née au Michigan et qui a également vécu en Allemagne et en Suisse, Courtney Sarault, 18 ans, fait ses débuts en Coupe du monde de patinage de vitesse courte piste cette fin de semaine, à Calgary. Son potentiel fait tourner les têtes.

L'exercice avait quelque chose d'étourdissant. Plutôt que de s'exécuter sur le traditionnel anneau de 111 m, deux patineuses se couraient après autour d'un cercle tracé en plein centre de la glace de l'aréna Maurice-Richard.

Devant, Courtney Sarault, 18 ans, vice-championne mondiale junior. Derrière, Kim Boutin, 23 ans, triple médaillée olympique. En une image, l'avenir et le présent de l'équipe féminine canadienne de courte piste.

«Waouh!», a lâché l'aînée, sourire fendu, en plein milieu de ce chassé-croisé au sens propre. Quelques instants plus tôt, entre deux répétitions, Boutin avait prodigué quelques conseils à Sarault. Comme Marianne St-Gelais l'a fait pour elle. Et comme Tania Vicent l'avait fait une génération avant.

À sa première année officielle dans l'équipe nationale senior, Sarault mesure sa chance. L'an dernier, la Néo-Brunswickoise avait également partagé le quotidien des olympiennes à l'entraînement.

«Je me suis toujours inspirée de Marianne, mais Kim et moi, on s'est beaucoup rapprochées dernièrement, note Sarault. Elle m'a beaucoup aidée avec mon patinage et elle est toujours là chaque fois que j'ai une question. Elle est juste très motivante. Quand je parviens à suivre à l'entraînement, elle va toujours me donner une tape dans le dos. C'est vraiment bon d'avoir quelqu'un comme ça, qui te fait bien te sentir. J'aime notre relation.»

Mais après une pause complète d'un mois pendant l'été, Boutin ne reprendra pas la compétition avant décembre, peut-être même février.

Sarault, elle, fera ses débuts attendus en Coupe du monde - qui commence demain et se poursuit jusqu'à dimanche - à Calgary. Elle sera l'une des cinq recrues de l'équipe avec les Québécoises Alyson Charles, Camille De Serres-Rainville et Claudia Gagnon ainsi que la Britanno-Colombienne Alison Desmarais. Audrey Phaneuf, 22 ans et substitut aux derniers Jeux olympiques de PyeongChang, est la plus expérimentée du groupe.

«On ne se dit pas qu'on doit gagner des médailles, dit la jeune femme. Si on est trop stressées et qu'on vise des médailles ou un classement et qu'on essaie d'être comme les autres filles [avant nous], on deviendra nerveuses, on ne sera pas à la hauteur et on va tout gâcher.»

En 2017, la patineuse, que nous avons rencontrée la veille de son départ pour l'Alberta en milieu de semaine, se souvient d'avoir abordé ses premiers Championnats du monde juniors dans un tel état d'esprit. «C'était ma première compétition internationale, j'avais les nerfs en boule et j'ai totalement raté. J'ai tellement mal fait! Je suis tombée à presque toutes mes courses.»

Tel père...

Un an plus tard, aux Mondiaux juniors en Pologne, Sarault était une athlète transformée. À sa première épreuve, le 1500 m, elle a terminé deuxième au milieu d'un peloton de Coréennes. «Après la première journée, je me suis dit: "O.K., je fonce, je suis compétitive, tu peux monter sur le podium, c'est le temps de patiner!"»

Elle avait conclu les championnats avec cinq médailles, dont l'argent au classement général final et l'or au relais. Aucune Canadienne n'a fait mieux à part la double médaillée olympique Marie-Ève Drolet, titrée deux fois en 2000 et 2001.

«Dans ma tête, j'ai toujours cette détermination, cet esprit combatif», dit Sarault, à qui il reste une dernière année junior. «Je pense que ça vient de mon père. Au plus profond de moi-même, je savais que je pouvais monter sur le podium. J'étais un peu surprise, mais je savais que j'allais tout faire pour y arriver.»

Ce père, c'est Yves Sarault, choix de troisième ronde du Canadien de Montréal au repêchage de 1991. 

Après un passage éphémère dans l'organisation du bleu-blanc-rouge, l'attaquant originaire de Valleyfield a disputé une centaine de matches avec cinq autres clubs de la LNH jusqu'en 2002. Entre-temps, il s'est promené aux quatre coins de la Ligue américaine et de la Ligue internationale.

Courtney est d'ailleurs née en 2000 à Grand Rapids, au Michigan, alors que son père évoluait pour les Griffins. Elle l'a ensuite accompagné en Suisse et en Allemagne, où il a terminé sa carrière professionnelle. Il dirige aujourd'hui l'équipe junior de Lausanne.

«J'admire mon père pour son éthique de travail et sa détermination. Je ne connais personne qui travaille plus fort que mon père. Je m'identifie à ça. Tu peux avoir des habiletés, mais si tu ne travailles pas fort, tu n'arriveras à rien.»

Ses parents se sont rencontrés à Fredericton alors qu'Yves évoluait pour le club-école du Canadien. Ils se sont ensuite établis à Moncton, où Courtney a commencé à patiner. D'abord en patinage artistique, où elle pourrait exprimer son côté « fille » très marqué, croyaient ses parents. L'essai a duré une semaine. «La coach ne me laissait pas aller vite et je faisais à ma tête...»

Une annonce d'un club de courte piste dans un aréna de Dieppe l'a fait bifurquer vers les longues lames. «Dès le moment où j'ai mis le pied sur la glace, je suis tombée en amour. J'ai toujours patiné parce que mon père m'amenait aux événements avec les enfants. J'étais comme une naturelle. Les lames étaient bonnes pour moi. Pour une débutante, c'est venu tout seul.»

Un entraîneur provincial l'a prise sous son aile et lui a encore fait plus aimer le sport. À 16 ans, son talent et un temps de glace limité au Nouveau-Brunswick l'ont naturellement conduite vers le centre d'entraînement régional de Patinage de vitesse Canada à l'aréna Maurice-Richard, à Montréal. Elle y a rencontré Marc Gagnon, un autre coach marquant.

«Il est la première personne qui a cru en moi, souligne Sarault. C'est là que j'ai commencé à penser que je pouvais me rendre quelque part. Quand Marc croit en toi, tu te mets à croire en toi. Il est juste vraiment motivant et il te fait bien te sentir.»

Deux mois après l'arrivée de la nouvelle recrue, Gagnon a convoqué ses parents pour leur dire que leur fille devrait rester à Montréal et qu'elle avait le potentiel de se qualifier pour les Mondiaux juniors dès l'âge de 16 ans. «Ils capotaient et ils ne me croyaient pas, se souvient le quintuple médaillé olympique. Elle est chanceuse parce que ses parents sont extraordinaires, très axés sur le sport. Ils se sont retournés sur un 10 cents. Ce n'était pas facile avec son secondaire qu'elle faisait en anglais au Nouveau-Brunswick.»

Même si la moitié de sa famille est francophone, Courtney Sarault ne parle pas français. «J'étais en Allemagne quand je devais faire l'immersion française, explique-t-elle. J'ai donc appris l'allemand... que j'ai tout perdu! Ma mère est anglophone. Mon père essayait toujours de me parler français, mais je lui disais non...»

Photo fournie par le Canadien de Montréal

Yves Sarault a été repêché par le Canadien de Montréal en 1991.

Gagnon est dithyrambique au sujet de l'élève dont il a eu la charge pendant environ deux ans. «C'est une fonceuse, une acharnée. Elle ne baisse jamais les bras. Comme personne, elle est quand même très anxieuse. Des fois, ça prend un petit coup de pied ou un mot d'encouragement. Mais la minute où tu réussis à la mettre dans sa zone de performance, c'est une machine. Je l'appelle la bête.»

Diamant à polir tant sur les plans physique, tactique que psychologique, Sarault se distingue en course par sa faculté à tout tenter pour effectuer des dépassements, quitte à se reprendre à trois reprises et jusqu'au dernier virage. «Plein de gars sont comme ça, mais tu ne vois pas ça souvent chez les filles», avance Gagnon.

L'entraîneur la compare à Kim Boutin, dont elle partage les doutes, mais aussi le côté combatif en compétition. «Je pense qu'elle est encore plus batailleuse que Kim.»

Selon Gagnon, tous les entraîneurs en sont presque convaincus: Sarault a le potentiel pour devenir championne mondiale senior. «Mais il faut continuer à travailler.»

Cette année, elle a rejoint le groupe senior dirigé par Frédéric Blackburn et Sébastien Cros. Elle est arrivée deux mois après les autres, le temps de terminer son secondaire à Moncton, où elle gardait la forme en jouant au rugby. Malgré ce retard, elle a fini troisième au classement cumulatif des championnats canadiens de septembre, signant une victoire dans chacune des trois distances.

Comme pour les autres recrues, l'entraîneur-chef n'a pas fixé d'objectifs de résultats pour Sarault à Calgary et à Salt Lake City, la semaine suivante. Il veut cependant voir les membres de son groupe appliquer une certaine «prise de risques» et ne pas se laisser impressionner par leurs rivales plus aguerries.

«Courtney va être capable de faire ça, anticipe Blackburn. C'est une fille de course. Elle aime courir, elle aime compétitionner, elle aime gagner.»

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PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE

«Dès le moment où j'ai mis le pied sur la glace, je suis tombée en amour» avec le patinage de vitesse courte piste, se souvient Courtney Sarault.

Objectif: Mondiaux juniors de Montréal

Les Championnats du monde juniors auront lieu à Montréal du 25 au 27 janvier à la suite du désistement de dernière minute de la Corée du Sud. L'occasion est inespérée pour Courtney Sarault, pour qui c'est le grand objectif de la saison 2018-2019. «Je suis un peu plus nerveuse parce que c'est ici et que tout le monde va me suivre, mais c'est fantastique pour Montréal. C'est spécial parce que toute ma famille et mes amis pourront me voir sur place. Ce sera plus plaisant que de me regarder sur un écran en Corée. Je suis nerveuse, mais excitée.»