Xavier Ladouceur a 20 ans. Une fois par semaine depuis environ un an, il monte dans sa voiture, traverse la frontière américaine et gravit une montagne. Le soir, il fait le chemin inverse pour retourner chez lui.

« Les jeudis, je finis à 14 h. Je pars de Saint-Basile-le-Grand, je m’en vais à New York, dans les Adirondacks. Je monte une montagne. Je reviens chez nous, il est 23 h ou minuit et je travaille à 9 h le lendemain », explique le jeune homme au bout du fil. « Je ne manque pas une [semaine] ! »

Cette passion de Xavier pour la montagne, aussi ardente soit-elle, est encore toute récente. Il a suffi d’une ascension d’un jour, l’été dernier en Gaspésie, pour allumer cette flamme furieuse qui brûle en lui depuis et qui le mènera à gravir en septembre le Kilimandjaro, montagne mythique de Tanzanie.

« Être en montagne, ça me fait vraiment oublier tous mes problèmes. Tu ne peux pas mentir devant la montagne. C’est difficile à expliquer. C’est toi contre la [météo]. Peu importe comment ça va se passer, tu as une chose en tête et c’est de monter. »

C’est vraiment quelque chose qui me fait sortir de ma zone de confort. Quand je suis aux États-Unis, je n’ai pas de WiFi, aucun moyen de communication. Je suis en mode survie tout le temps.

Xavier Ladouceur

Le compte Instagram de Xavier, farci de splendides photos captées sur différents sommets, nous permet de bien saisir l’avidité du jeune homme pour ces aventures, qu’il entreprend avec différents amis.

Le résidant de la Rive-Sud se permet même parfois une petite folie additionnelle ; dans une de ses vidéos, on peut le voir élégamment vêtu au sommet d’une montagne, un plateau de charcuteries à la main. Ces images sont devenues virales.

De cette façon, Xavier espère se faire connaître afin de, notamment, trouver des commanditaires pour ses futures grandes expéditions. « Plus tu te fais connaître, plus tu es capable d’aller chercher des commanditaires à gauche et à droite », note-t-il.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE XAVIER LADOUCEUR

Le jeune homme, qui est entraîneur privé, espère aussi passer un message : celui de pousser les jeunes de sa génération à se dépasser.

« Parfois, je me demande pourquoi je suis seul en montagne. Je me dis : est-ce que c’est moi qui suis fou ou est-ce que ce sont les autres qui manquent quelque chose ? Il y a plein [de gens] qui m’écrivent le soir et me disent : merci pour ta motivation, tu as changé ma vie, grâce à toi, j’ai commencé à monter des montagnes et je trippe, j’ai commencé à m’entraîner et je prends soin de moi. »

Une petite frousse

Comme sa passion pour l’alpinisme est encore nouvelle, Xavier Ladouceur est en apprentissage. Il se souvient d’une fois où il a « vraiment eu peur pour [sa] vie ». C’était en mars, au Vermont. Retardés à la douane, le jeune homme et son ami ont commencé leur ascension de Camel’s Hump en fin d’après-midi. Le soleil s’est couché à 17 h ; les deux étaient pratiquement seuls sur la montagne.

« Je suis tellement quelqu’un qui a de la misère à retourner de bord. Je ne suis pas un perdant, laisse tomber Xavier. Je me disais : on va monter, on va monter, on va monter. […] Il était rendu 19 h. Il nous restait 30 minutes. Il commençait à venter beaucoup. Je capotais. »

On a couru jusqu’au sommet. On a atteint [un des] plus hauts sommets du Vermont à 19 h 30 dans l’obscurité complète. On avait de la misère à bouger, je n’étais même pas capable d’ouvrir les yeux tellement mes sourcils étaient congelés.

Xavier Ladouceur

Une fois de retour chez lui, Xavier a repensé à ce qui s’était produit. Les choses auraient pu tourner au cauchemar. « Si ça avait mal viré, il n’y aurait eu personne pour venir nous aider. C’est sûr que j’ai appris de ça. C’est de faire preuve de jugement, surtout. »

Le Kilimandjaro comme tremplin

L’été dernier, Xavier Ladouceur a entendu parler de Marie-Pier Desharnais, cette alpiniste québécoise qui a gravi le K2 – et bien d’autres sommets. « À un moment donné, j’ouvre mon Instagram et je vois qu’elle a fait une publication : il reste quelques places pour venir nous rejoindre sur le top du Kilimandjaro », relate-t-il.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE XAVIER LADOUCEUR

Quand il aborde le sujet avec sa mère, elle est pantoise. « Ben non, tu es fou, tu ne feras jamais ça », lui lance-t-elle. Ses amis ont sensiblement la même réaction.

Xavier, lui, y croyait. Il a trouvé son emploi actuel et a commencé à travailler 40 heures par semaine pour réunir les 10 000 à 15 000 $ nécessaires au voyage. Il a créé une page GoFundMe pour amasser des fonds ; en 24 heures, il a récolté 2450 $.

« Ma mère est très stressée, mais en même temps, je vis pour moi et je ne vais pas m’arrêter de vivre à cause de ça. […] Dans le fond, tant que je suis heureux, je pense qu’elle va être heureuse. »

Xavier devait partir en mars, mais l’expédition a été reportée au mois de septembre. Tout est prêt. D’ici son départ pour la Tanzanie, le 29 août, il s’entraîne assidûment. Chacune de ses journées est réglée avec minutie, tout comme son sommeil et son alimentation.

« Je m’entraîne six fois par semaine en entraînement de poids libres. Je fais de la nage quatre fois par semaine, de la course trois fois par semaine et de la montagne deux fois par semaine. »

« Je mets tellement toutes les chances de mon bord pour réussir ce projet-là que si je ne réussis pas, je ne vais pas pouvoir me dire : j’aurais pu mieux faire. »

Cette expédition, Xavier la voit comme un « tremplin » vers d’encore plus grands périples. Son objectif est d’atteindre le sommet de l’Everest en 2025, à l’âge de 22 ans.

Mais pour l’instant, c’est l’heure de l’entraînement.