C’est une question vaste et complexe. Il y a autant de réponses que d’intervenantes. Nous avons posé la question à quelques-unes des journalistes de La Presse, ainsi qu’à nos lecteurs et lectrices. Voici leurs suggestions.

Au début de mon stage à La Presse, le 26 mai 1986, j’ai plongé dans l’action en couvrant le défilé de la Coupe Stanley, dans les rues bondées de Montréal. J’ai suivi la journaliste chevronnée Liliane Lacroix, qui a été d’une aide précieuse pour apprendre les rudiments du métier. J’ignorais que de 1971 à 1984, elle avait bouleversé l’ordre établi en écrivant dans les pages sportives de La Presse, jetant son regard particulier sur la boxe, le baseball, le hockey, gagnant notamment pour elle et toutes les autres qui la suivraient l’accès aux galeries de presse. Elle a été intronisée à titre posthume au Temple de la renommée du Panthéon des sports du Québec en 2019.

Les femmes sont encore trop peu nombreuses au sein des équipes de journalisme sportif. Mais de nouvelles voix s’élèvent dans le sillon de cette pionnière, ajoutant à leur tour leur contribution. J’inclus celles d’Émilie Bilodeau et de Katherine Harvey-Pinard, à La Presse, qui participent à l’élargissement du regard porté sur la couverture du sport.

Plus haut, plus fort(es)

Béatrice, 3 ans, soulève une barre invisible. Elle grimace tellement les poids imaginaires sont lourds. Ses biceps se gonflent, même. Cette histoire, elle est réellement arrivée pendant les Jeux olympiques de Tokyo, l’été dernier. Béa, la fille d’un couple d’amis, a été inspirée par la Québécoise Maude Charron, qui a gagné l’or chez les moins de 67 kg, mais aussi par les nombreuses athlètes féminines qui ont fait rayonner le Canada à la piscine, au plongeon, au judo, en aviron, au soccer…

C’était la première fois de sa courte vie que Béa s’intéressait aux sports compétitifs. Mais c’était aussi la première fois qu’elle voyait, à la télévision, des modèles féminins. Trop de fillettes et d’adolescentes n’aiment pas les cours d’éducation physique à l’école. Peut-être que si les grands médias leur montraient que le sport, ce n’est pas juste pour les hommes, elles auraient aussi envie de bouger et de suivre les traces d’héroïnes comme Maude Charron, Marie-Philip Poulin, Penny Oleksiak ou Stephanie Labbé.

Un bon premier pas

Allez, les gars… Mettre à contribution les équipes professionnelles de sports masculines pourrait être un bon premier pas pour aider au développement du sport féminin en Amérique du Nord. La NBA l’a fait avec la WNBA. Tout n’est pas parfait. Les conditions, notamment salariales, des joueuses sont encore décriées. Mais la ligue existe. Pendant ce temps, nos championnes olympiques canadiennes de hockey n’ont toujours pas de ligue professionnelle…

Au Brésil, les 16 équipes du plus important circuit professionnel de soccer du pays ont dû, en 2019, avoir un pendant féminin sous peine de perdre leur droit de faire partie de la ligue. En Europe, les grands clubs de soccer servent de locomotives au développement d’autres sports et d’équipes féminines. Il faut être réalistes : les modèles d’ailleurs ne sont pas parfaits et pas importables à 100 %. Mais plusieurs ligues professionnelles masculines pourraient certainement réfléchir à la façon de contribuer plus massivement au développement du sport féminin en Amérique du Nord.

Une vraie chance

Je ne sais pas pour vous, mais mon intérêt était aussi grand quand je regardais l’équipe canadienne féminine de hockey aux Jeux olympiques que pour n’importe quel autre match de la LNH. Je crois que la prochaine grande étape est d’offrir aux hockeyeuses – et au public – une ligue professionnelle féminine. Et ne me répondez pas que l’intérêt n’y est pas. Excuse bidon. Il suffit de voir les réactions que provoquent les nombreux exploits de Marie-Philip Poulin pour le prouver. Le jour où on donnera enfin au hockey féminin sa chance, sa vraie chance, avec de l’argent et de la visibilité, nombreux sont ceux qui s’y intéresseront.

Quant aux médias, à l’écrit comme à la télé, ils ont et auront un grand rôle à jouer. Il faudra accorder la même importance à la future équipe féminine que celle qu’on accorde au Tricolore.

VOTRE AVIS :

La lecture du cahier des sports et les photos illustrent la sous-représentativité des femmes dans le sport. Suggestion : tendre vers une plus grande parité pour la couverture de sport et dans la section des photos du jour. Autre suggestion possible : inclure des articles qui pourraient intéresser les jeunes femmes à poursuivre les activités physiques (athlètes inspirantes, mise en forme, alimentation…).

Isabelle Champagne

Débuter avec la création de ligues professionnelles de hockey et de soccer au Canada qui seraient couvertes et médiatisées autant que les ligues pour hommes serait déjà un bon départ.

France Laforme

La première solution est très simple. Leur accorder les mêmes salaires que les hommes dans le sport professionnel. Commençons par les joueuses de hockey qui peinent à évoluer dans une ligue professionnelle alors qu’elles sont championnes du monde, alors que nos « vaillants » joueurs du Canadien de Montréal, surpayés, enfilent saison désastreuse après saison désastreuse. Accordons les salaires selon le mérite.

Alain Saumier

Pour une ligue de hockey professionnel féminin. Il me semble que la LNH pourrait parrainer une ligue de 6 à 10 équipes affiliées aux clubs de la LNH, en utilisant les installations des clubs de la Ligue américaine. Prévoir une enveloppe salariale de 1,5 -2 millions. Pour une période de 5 ans avec un calendrier de 40-50 matchs. Un peu comme la WNBA.

Daniel Racicot

Aucun doute que les femmes ont le sens du spectacle aussi élaboré que celui des hommes. Par contre, le sport étant un business, la pression doit venir d’en haut et descendre vers le bas. Prenons le hockey comme exemple. Il devrait y avoir une ligue de hockey professionnel dont chaque équipe de la LNH a l’obligation de gérer/encadrer. Le salaire pourrait pour sa part être proportionnel à la génération des revenus par rapport aux hommes, + 50 % pour les 5 premières années de la ligue afin de subventionner la démarche. Par la suite, les structures de développement, loin d’être parfaites, pourraient prendre la relève, car l’intérêt serait là en nombre de joueurs. Encore là, par contre, chaque organisation voulant avoir un programme d’élite devrait avoir l’obligation de Hockey Quebec d’avoir un club féminin. On devrait suivre l’exemple de la réforme de Soccer Canada pour le choix des attributions de clubs nationaux. Ils sont obligés d’avoir un programme équitable de développement des filles comme des garçons. Il faut aller plus loin que des mots et y aller avec la notion « d’obligation » dans cette vision, car on n’aura rien de concret dans 20 ans encore. Les articles de La Presse, les réseaux sociaux, par exemple, sont des outils à utiliser pour faire de la pression sur les dirigeants de la LNH. En 2022, aucun dirigeant, d’un point de vue marketing, ne veut se placer l’opinion publique à dos, alors profitons maintenant de l’engouement et n’attendons pas.

Eric Paré

En tant que mère d’une fille et d’un garçon qui pratiquent le hockey, je constate que le style de jeu est vraiment différent. Il devrait y avoir une règle que chaque fois qu’il y a un évènement, comme des camps ou des tournois, d’y ajouter des groupes ou équipes féminins. Car elles n’ont droit qu’à de très rares expertises et perfectionnements. Si elles ne réussissent pas à s’inscrire à cause du nombre limité de places, elles n’ont pas la possibilité de participer à d’autres camps. Ce n’est pas en restant avec les garçons qu’elles pourront se faire remarquer pour augmenter leur niveau de jeu et pouvoir percer dans les équipes d’élite. Car ce n’est pas que le talent qui compte, mais aussi la reconnaissance et de faire partie du milieu.

Isabelle Lebœuf

À mon sens, il faudrait trouver un moyen d’accrocher les jeunes filles dès le primaire. Si les enfants du primaire rencontraient plus souvent de vrais athlètes, avaient le temps de discuter avec eux de leurs rêves, des embûches qu’ils ont rencontrées et comment ils ont persévéré. Au ministère du Loisir et du Sport, on devrait mettre sur pied un groupe de jeunes sportifs d’élite qui iraient dans les milieux. Il y aurait des jeunes qui sont des coachs de soccer, profs de ski, qui pourraient contribuer. J’en connais quelques-uns et ils sont très inspirants. Tous les parents ne sont pas nécessairement des modèles sportifs pour leurs enfants.

Lucie Leclair

Peut-être plus de femmes journalistes ?

Clermont Provencher

Des médias sportifs qui vont plus loin que de parler d’une équipe de hockey de Montréal sans même se demander si c’est encore ce que veulent les gens.

Jocelyn Lapierre

En réponse à votre question du jour dans La Presse+, je vous réponds : la ringuette, ce magnifique sport sur glace alliant rapidité, habileté et jeu en équipe ! Bien qu’officiellement mixte, la ringuette est pratiquement un sport féminin. D’ailleurs, le moment est bien choisi pour en parler, car les championnats provinciaux s’en viennent la fin de semaine du 25 au 27 mars, dans la région de Québec cette année. Notre association tiendra également ses portes ouvertes le 20 mars. Les hockeyeuses canadiennes nous ont encore fait honneur cette année, mais la ringuette mérite assurément une plus grande visibilité.

Keith Vandenberg, communications, Ringuette Lévis