(Edmonton) Suis-je dans un songe ? Ai-je des hallucinations ? L’univers tente-t-il de m’envoyer un message ? Toutes ces questions m’ont traversé l’esprit alors que je marchais vers le Saddledome de Calgary, jeudi dernier, et qu’un gros lièvre a croisé ma route.

Presque au ralenti, comme sorti d’Alice au pays des merveilles, l’animal a disparu un peu plus loin. Quelques minutes plus tard, je n’y pensais déjà plus, occupé à mettre ma vie en jeu sur la vieillotte galerie de la presse de l’aréna, structure juchée à la jonction entre la troposphère et la stratosphère.

Quelle ne fut pas ma surprise, le lendemain matin, de croiser un autre représentant de l’ordre des lagomorphes, cette fois en plein cœur du centre-ville d’Edmonton. Avec sa fourrure hivernale blanche, il marchait tout doucement sur la neige, à la recherche d’une manière de passer sous une clôture ceinturant un chantier de construction.

Ça ne pouvait plus être un simple hasard.

Une recherche rapide l’a confirmé : les lapins et les lièvres sont nombreux à avoir choisi un mode de vie urbain dans les deux plus grandes villes de l’Alberta.

Dans une entrevue qu’il a accordée à Radio-Canada en 2020, John Wood, professeur émérite de l’Université King, a expliqué que le nombre de ces bêtes aux grandes oreilles avait explosé depuis le début des années 1990. En 2016, il en avait recensé 2500.

Dans le même reportage, le scientifique a affirmé que les premiers lièvres avaient été observés à Edmonton en 1924. La vie en ville les éloigne de leurs prédateurs naturels comme les loups ou les coyotes, et la nourriture ne manque jamais.

Même s’ils se reproduisent rapidement – comme des lapins ! (rires gras) –, la population de lièvres s’autorégule naturellement de manière assez efficace, écrit le gouvernement de l’Alberta dans une section de son site web consacrée à la cohabitation entre l’humain et ces boules de poil. Il y a peut-être moins de prédateurs, mais les voitures qui circulent au centre-ville, par exemple, prennent la relève. Il est toutefois interdit de les chasser, si jamais vous vous posiez la question.

Ils sont tout de même considérés comme nuisibles, un peu comme les écureuils à Montréal. C’est pourquoi les autorités enjoignent à la population de ne pas les nourrir, même s’ils sont plus sympathiques, du moins en apparence, que leurs homologues de la métropole.

Les lièvres peuvent notamment manger jusqu’à un kilo de végétation en une journée. En été, les cours arrière et leurs luxuriants jardins deviennent donc un buffet à volonté, au grand désarroi des résidants.

Changer sa poubelle extérieure chaque année en raison des écureuils voraces est l’apanage des Montréalais. Barricader son jardin contre les lapins et les lièvres est celui des Edmontoniens.

Quel pays, tout de même…