Le Vendée Globe s’est offert un final à rebondissements, la nuit dernière, avec l’arrivée groupée de plusieurs concurrents et deux « vainqueurs ».

Premier à l’arrivée, le Français Charlie Dalin a toutefois dû céder la victoire officielle à son compatriote Yannick Bestaven, le troisième à franchir la ligne aux Sables-d’Olonne.

Dalin (Apivia) a complété ce tour du monde sans escale et sans assistance en 80 jours, 6 heures, 15 minutes, 47 secondes. Bestaven (Maître CoQ IV) est arrivé jeudi matin (heure locale), 7 heures et 44 minutes plus tard, mais il a été crédité de 10 heures et 15 minutes en bonification après s’être dérouté pour participer au sauvetage d’un autre concurrent, Kevin Escoffier, à la mi-décembre. C’est donc avec un avantage de 2 heures et 31 minutes que le skipper de 48 ans a été déclaré vainqueur.

Bestaven, qui en était à sa deuxième participation, succède au palmarès à son compatriote Armel Le Cléac’h, vainqueur en 2017 avec un nouveau record de la course (74 jours). Sa première tentative, en 2008, avait vite tourné court après un démâtage dès les premières heures. Cette année, dans des conditions très difficiles, il a pris soin de ménager son voilier, ce qui explique son parcours en dents de scie.

Un peu en retrait jusqu’à l’entrée dans l’océan Indien, Bestaven a accéléré après le sauvetage d’Escoffier et a profité des ennuis des meneurs pour prendre la première place dans le Pacifique. Premier au cap Horn, il a ensuite vu Dalin et plusieurs autres concurrents le doubler pendant la remontée de l’Atlantique.

PHOTO SÉBASTIEN SALOM-GOMIS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le Français Yannick Bestaven, vainqueur officiel du Vendée Globe

Fort de sa bonification, le skipper de La Rochelle a réussi à sceller sa victoire en optant pour une route différente à l’approche de l’arrivée. Grimpant plus au nord, il a ensuite pu profiter de vents favorables pour foncer vers Les Sables-d’Olonne, à près de 20 nœuds de moyenne, dans les dernières heures de la course.

Dans la journée, encore incertain du résultat, mais très optimiste, Bestaven avait souligné dans une courte vidéo : « C’est un Vendée Globe historique, très serré. J’ai donné le maximum, tout au long de la course, et je veux vraiment remercier tous ceux qui nous ont supportés dans tout ça. »

Dalin beau joueur

Dalin s’était pointé dans le port de la Vendée en début de soirée, dans la nuit déjà noire, mais en présence d’une foule importante, malgré les consignes des autorités. « Ça a été une sacrée course, une sacrée aventure », a-t-il déclaré quelques minutes après l’arrivée, en entrevue sur le site de la course.

« C’est beaucoup d’émotions de passer de seul au monde à tous ces bateaux, tous ses supporteurs, comme ça, en un claquement de doigts », a-t-il ajouté, résumant un sentiment partagé par tous les autres skippers qui l’ont suivi dans la nuit.

Encore incertain de l’issue de la course au moment de l’entrevue, Dalin a été beau joueur : « Normalement, le Vendée Globe, ça ne se passe pas comme ça, mais les bonifications, c’est normal. Si c’est moi que la direction de course avait appelé pour sauver Kevin, je l’aurais fait sans hésiter.

C’est vraiment tout à fait normal que les coureurs qui se sont déroutés puissent bénéficier de bonifications. Pour l’instant, j’ai franchi la ligne d’arrivée en tête, les line honors sont pour moi ! Le reste, ce sera du bonus.

Charlie Dalin

Pour son tout premier Vendée Globe à 36 ans, Dalin aura été l’homme fort de la course puisqu’il a mené pendant plus de 37 jours (48 % du temps). Sa course n’a pourtant pas été de tout repos, en raison notamment d’un foil bâbord inutilisable depuis la mi-décembre.

« Il y a eu des hauts et des bas, pas mal de bricolage, a-t-il raconté. C’est une superbe expérience. J’ai traversé l’Indien, le Pacifique, mon premier cap Horn… L’autre jour, j’ai refait le chemin, ça me fatiguait rien que d’y penser, le nombre de manœuvres !

« Le plus difficile, ce fut la perte de mon foil. J’ai vraiment cru que la course était terminée, que j’allais me retrouver en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Je me suis effondré, j’ai appelé Antoine Carraz, mon chef de projet, puis j’ai travaillé une journée entière, du matin au soir, pour limiter les dégâts. Un moment difficile. »

Philosophe, Dalin a souligné : « C’était vraiment une course magique. Elle m’a changé même si je ne sais pas encore de quelle manière. C’était tellement d’émotions, d’une force que je n’avais jamais ressentie. Cette course va avoir un impact sur moi, sur ma façon de penser…

« Je suis quelqu’un de stable normalement en termes d’émotions. Mais le Vendée Globe, c’est tellement puissant. Forcément, je suis passé par des joies, des doutes, des tristesses, mais les moments de passage à vide ne duraient pas très longtemps. »

La malchance de Boris Herrmann

Le Français Louis Burton (Bureau Vallée 2) a été le deuxième à franchir la ligne d’arrivée, 4 heures et 2 minutes après Dalin, s’assurant ainsi d’une place sur le podium officiel de la course. Accablé d’ennuis techniques depuis plusieurs semaines – il a raconté n’avoir mangé que des salades depuis deux semaines et avoir bu ses dernières réserves d’eau douce mercredi matin –, Burton est passé près de l’abandon « au moins trois fois ».

« Une chose m’a toujours raccroché, c’est de penser à mes enfants, a-t-il confié en conférence de presse. Ils n’avaient absolument pas envie que j’abandonne parce qu’ils devaient avoir peur que ça soit la honte à l’école ! Je pense que c’est pour eux, c’est pour Servane [sa conjointe], pour mon équipe, pour mon père, pour tous les autres. C’est ça qui m’a donné toute cette énergie. »

L’Allemand Boris Herrmann (SeaExplorer), qui était troisième et encore dans la lutte pour la victoire en raison d’une bonification de 6 heures pour sa participation au sauvetage d’Escoffier, a vu ses espoirs s’effondrer à 90 milles de la ligne d’arrivée quand son voilier est entré en collision avec un bateau de pêche.

PHOTO LOÏC VENANCE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le voilier de l’Allemand Boris Herrmann

Sain et sauf, Herrmann a raconté sa mésaventure dans une vidéo émouvante. « C’est vraiment mon pire cauchemar. J’étais dans ma couchette et j’ai été réveillé par un gros choc. Quand je suis sorti, mon foil tribord et une voile étaient accrochés au bateau de pêche.

« Le vent nous a séparés, mais il y a de gros dommages sur le voilier. Je suis vraiment abattu et déçu pour mon équipe et tous ceux qui nous ont appuyés. La bonne nouvelle, c’est que je suis encore en course et que je devrais être en mesure de rejoindre l’arrivée, même si je vais perdre plusieurs places. Mais ça n’a plus vraiment d’importance maintenant… »

Thomas Ruyant a profité des ennuis de Herrmann pour prendre la quatrième place. Giancarlo Pedote (Prysmian Group) et Damien Séguin (Groupe Apicil), respectivement sixième et septième, n’étaient quant à eux séparés que par quelques milles en vue de l’arrivée.

Le huitième de la course, Jean Le Cam (Yes We Cam), qui est attendu ce jeudi aux Sables-d’Olonne, pourrait tout comme Bestaven grimper au classement en raison d’une bonification de 16 heures et 15 minutes. C’est lui qui avait récupéré Escoffier, en pleine nuit le 16 décembre, dans l’océan Indien.

Derrière les quatre premiers, 21 concurrents sont encore en mer, tous dans l’Atlantique, et les arrivées vont se succéder au cours des prochains jours.

Les vainqueurs du Vendée Globe

2020-2021 : Yannick Bestaven (Maître CoQ IV), en 80 jours, 3 heures et 44 minutes
2016-2017 : Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII) en 74 jours, 3 heures et 35 minutes
2012-2013 : François Gabart (Macif) en 78 jours, 2 heures et 16 minutes
2008-2009 : Michel Desjoyeaux (Foncia) en 84 jours, 3 heures et 9 minutes
2004-2005 : Vincent Riou (PRB 3) en 87 jours, 10 heures et 47 minutes
2000-2001 : Michel Desjoyeaux (PRB 3) en 93 jours, 3 heures et 57 minutes
1996-1997 : Christophe Auguin (Geodis) en 105 jours, 20 heures et 31 minutes
1992-1993 : Alain Gautier (Bagages Superior) en 110 jours, 2 heures et 22 minutes
1989-1990 : Titouan Lamazou (Écureuil d’Aquitaine II) en 109 jours, 8 heures et 48 minutes