Chaque semaine, les journalistes des sports de La Presse et un invité spécial répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence. Notre invité cette semaine : Marc Griffin, analyste des matchs du baseball majeur à RDS.

Et vous, quel est votre moment le plus marquant lié aux séries du baseball majeur ? Envoyez-nous vos suggestions :

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Marc Griffin

PHOTO PATRICE LAROUCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Marc Griffin, ancien joueur des Dodgers de Los Angeles et des Expos de Montréal, aujourd’hui analyste des matchs du baseball majeur à RDS

La victoire des Expos contre les Phillies en 1981 comme jeune partisan ? Être sur place pour voir les Red Sox remporter la Série mondiale au Fenway Park en 2013 ? Ou être témoin d’une première victoire des Cubs en Série mondiale depuis 108 ans ? La question n’est pas si évidente. Et le flash m’est alors venu avec toujours les mêmes frissons dans le dos. Ça se passe en 1988. Quelques mois plus tôt, je venais de signer mon contrat avec les Dodgers de Los Angeles. Je me suis présenté à la ligue d’automne en Arizona en enfilant l’uniforme de cette grande organisation. Je ne connaissais personne. On m’a installé dans un motel où seuls quelques joueurs dominicains se trouvaient aussi. Seul dans ma chambre, je regarde le premier match de la Série mondiale entre mes Dodgers et les A’s. Fin de neuvième manche, Tommy Lasorda fait appel à Kirk Gibson comme frappeur suppléant. Gibson est blessé aux deux jambes et peine à se rendre au marbre. La voix de Vin Scully met la table. Deux retraits, coureur au premier, les A’s mènent 4-3. Trois balles et deux prises, le tir de Dennis Eckersley et Gibson frappe une balle loin au champ droit… Je crie, j’entends les cris des joueurs dominicains ! Je sors pour aller les rejoindre avec accolades et sourires. Moments et sentiments inoubliables !

Les séries du baseball majeur se mettent en branle mardi prochain sur les ondes de RDS. Alain Usereau sera à la description des matchs, accompagné de Marc Griffin à l’analyse.

Mathias Brunet

PHOTO RUSTY KENNEDY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Moment crève-cœur : Rick Monday regarde sa claque dans la droite, en neuvième manche, le 19 octobre 1981...

J’avais 12 ans et déjà beaucoup d’affection pour les Expos. J’éprouvais une extraordinaire sensation de liberté de prendre le métro avec mes amis en direction du stade pour me procurer des billets à 1 $ dans les gradins populaires. Nés en 1969, quelques mois après ma naissance, les Expos avaient souffert, l’équipe commençait enfin à être compétitive 10 ans plus tard, avec les Carter, Dawson, Parrish, Rogers, Cromartie, Valentine. Un circuit dramatique de Mike Schmidt, des Phillies de Philadelphie, lors du dernier week-end de la saison en 1980, les a privés d’une participation en séries éliminatoires pour la première fois de leur histoire. Mais le rêve s’est finalement concrétisé l’année suivante. Ils ont remporté le championnat dans l’Est, et le privilège d’affronter les mythiques Dodgers de Los Angeles. C’était l’égalité 1-1 en neuvième manche dans le cinquième et ultime match lorsque le gérant Jim Fanning a choisi d’envoyer le partant Steve Rogers au monticule. Le drame allait survenir. Le deuxième frappeur, Rick Monday, a plongé le Stade olympique dans un silence mortuaire avec un long circuit dans la droite. Les Dodgers l’ont emporté 2-1 et atteint les Séries mondiales. Ce fut une série extraordinaire, mais cruelle. L’une des grandes déceptions sportives de mon enfance…

Miguel Bujold

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Deuxième match de la Série mondiale de 1986 : Wally Backman des Mets plonge au premier but sous le nez de Bill Buckner, des Red Sox.

Les séries éliminatoires de 1986 ont été particulièrement intéressantes et je pense que je n’ai pas raté un match. Mike Scott a été brillant même si les Astros de Houston se sont inclinés en six matchs contre les Mets de New York en finale de la Ligue nationale. Du côté de l’Américaine, les Red Sox de Boston ont effacé un déficit de trois matchs à un pour venir à bout des Angels de la Californie en sept parties. Je me souviens que la plupart des matchs ont été palpitants dans ces deux séries et la finale l’a été encore plus. C’est bien sûr l’année où Bill Buckner et ses mauvais genoux ont coûté le championnat aux Red Sox… Sa gaffe monumentale est survenue lors du sixième match alors que Boston menait la série 3-2. Les Mets ont gagné en sept. Il ne manquait pas de personnalités fortes ou flamboyantes au sein de l’équipe de Davey Johnson ! Gary Carter, Darryl Strawberry, Dwight Gooden, Lenny Dykstra, Keith Hernandez… Peut-être l’équipe la plus colorée de l’histoire des majeures. Je me promets d’ailleurs de regarder le documentaire d’ESPN intitulé Once Upon a Time in Queens, qui raconte la rocambolesque histoire des Mets de 1984 à 1986, prochainement.

Frédérick Duchesneau

PHOTO TOM SZCZERBOWSKI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Face aux Rangers en 2015, Jose Bautista lance son bâton, fr façon théâtrale, après avoir frappé un circuit de trois points.

J’aimerais que ce soit un souvenir des Expos, mais bon… Si j’y allais pour une série, je ne vois pas ce qui peut battre le retour historique des Red Sox contre les Yankees, en 2004. Boston est devenu cet automne-là la première – et seule – équipe des majeures à combler un déficit de 3 matchs à 0 pour remporter une série. (Désolé, Alex !) Je me cherchais justement une nouvelle équipe alors que les Expos venaient de jouer leur dernier match à Montréal. Boston est la ville des ligues majeures la plus près d’ici, les Red Sox jouent dans le plus mythique des stades et je détestais les Yankees… Tout est tombé en place. Mais mon moment numéro 1 demeure, de loin, la septième manche du cinquième match entre les Blue Jays et les Rangers en 2015. Je m’étais alors converti aux Jays en raison de Russell Martin. Une interminable manche d’anthologie que j’ai maintes fois regardée par la suite. La gaffe inusitée de Martin qui permet au Texas de prendre les devants, puis le festival d’erreurs inconcevables des visiteurs, le bat flip de Jose Bautista, la bisbille… Pour ceux qui pensent encore que le baseball ne peut pas être intense.

Richard Labbé

PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE

Gary Carter et le gérant Jim Fanning en octobre 1981

En 1981, tout était beau, c’était l’année du new wave et l’année des Expos. On aura beau dire que le club de 1994 a été le meilleur de l’histoire à Montréal, et c’est sans doute vrai, mais à mes yeux, pour des raisons de nostalgie en premier, il n’y a rien pour battre les Expos du début des années 1980, qui alliaient un mélange de puissance et de vitesse comme il ne s’en fait plus. Alors quand ces Expos-là sont allés à Philadelphie pour battre les Phillies et Steve Carlton dans un cinquième et décisif match des séries, ce fut le meilleur des moments, parce que tout était possible. La suite ? Je préfère ne pas en parler.

Guillaume Lefrançois

PHOTO BILL KOSTROUN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Aaron Boone et toute l'équipe derrière exultent après ce circuit victorieux, en 11manche du 7match, contre les Red Sox.

Les Red Sox du milieu des années 2000 sont la dernière équipe sportive à m’avoir réellement fait « triper ». Et cette histoire d’amour a commencé lors des séries de 2003. Oui, oui, l’année où Grady Little a laissé Pedro Martinez au monticule pour une manche de trop, dans le septième match de la finale de la Ligue américaine contre les Yankees. Ça peut paraître masochiste, pour un partisan des Red Sox, de nommer l’automne 2003 comme le meilleur souvenir. Mais ces séries-là ont vraiment rallumé ma passion pour le baseball, passion que Jeffrey Loria et la tutelle de la MLB avaient tuée à petit feu. Ça a commencé par la remontée de Boston au premier tour, contre Oakland, une série que les A’s menaient 2-0. Et le classico Red Sox-Yankees était enlevant, malgré le résultat crève-cœur du septième match. Le circuit gagnant d’Aaron Boone, en 11manche du 7match, mettait d’ailleurs fin a 3 heures 56 minutes de pur plaisir. Avec le recul, j’imagine que la remontée historique et la victoire des Red Sox face aux Yankees en octobre 2004 ont mis un baume sur 2003 et expliquent le souvenir magnifié que j’en garde.

Simon-Olivier Lorange

PHOTO JASON O. WATSON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des partisans célèbrent à San Francisco le titre remporté par les Giants en 2014 contre les Royals de Kansas City.

Le hasard a fait en sorte que ma copine et moi nous trouvions en vacances en Californie à l’automne 2014 lorsque Madison Bumgarner et les Giants de San Francisco ont atteint (et gagné) la Série mondiale. Nous avons eu l’indice d’une réelle frénésie lorsque, à une heure et demie de voiture de San Francisco, un minuscule restaurant thaï présentait un match à la télévision. À notre arrivée à San Francisco, ça n’avait aucun sens : tout le monde, partout, portait le noir et orange. Comme les billets les moins chers coûtaient plus de 500 $ US chacun, nous avons rapidement fait une croix sur une visite au stade, mais nous avons réussi à nous faufiler dans un bar sportif où le nombre de partisans excédait de toute évidence le protocole de sécurité incendie des lieux. L’ambiance était, j’insiste, hallucinante. La magie s’est poursuivie jusqu’à notre départ, puisque nous avons suivi les derniers instants du match ultime à l’aéroport, au côté de Franciscanais qui s’essuyaient les yeux. De beaux moments.

Alexandre Pratt

PHOTO MATT SLOCUM, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le pari a payé : le lanceur Madison Bumgarner et le receveur Buster Posey célèbrent la victoire des Giants en Série mondiale.

Le septième match de la Série mondiale de 2014, entre les Royals de Kansas City et les Giants de San Francisco. En cinquième manche, en avance 3-2, les Giants ont appelé Madison Bumgarner en relève. Un pari osé. Oui, Bumgarner avait gagné deux matchs dans la série. Sauf qu’il venait tout juste de lancer une partie complète, trois jours plus tôt. Que lui restait-il dans le bras ? Le premier frappeur a réussi un simple. Le deuxième, un sacrifice. Les 14 suivants ? Ils ont tous été retirés. Un exploit extraordinaire. Les Giants n’étaient plus qu’à un retrait du championnat lorsque Bumgarner a échappé une glissante en plein cœur du marbre. Alex Gordon l’a cognée au champ centre. Sauf que le voltigeur a mal jugé la balle… qui a roulé jusqu’à la clôture… où un autre voltigeur l’a échappée à son tour. Gordon se dirigeait vers un circuit à l’intérieur du terrain – jusqu’à ce que son instructeur lui ordonne de cesser sa course au troisième but. Une décision hyper controversée. D’autant que le frappeur suivant s’est fait retirer. Gordon aurait-il pu marquer en poursuivant sa course ? Les statisticiens en débattent encore. Mais tous partagent la même certitude : ce soir-là, Madison Bumgarner a été phénoménal.

Jean-François Tremblay

PHOTO JONATHAN DANIEL, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Bobby Jenks

Mon moment le plus marquant des séries au baseball n’a vraiment rien de marquant, dans le grand ordre des choses. Mais en 2005, les White Sox de Chicago ne se battaient pas seulement contre leurs adversaires, ils se battaient aussi contre des décennies de malédiction. Celle des « Black Sox », une histoire de paris illégaux remontant à 1919 et devenue le bouc émissaire d’une vie d’insuccès. Alors j’ai commencé à suivre leur parcours avec une certaine assiduité. C’est là que j’ai découvert… Bobby Jenks. Une carrière en étoile filante, de quelques saisons, qui s’est terminée en 2011 dans la douleur et les dépendances. Jenks était le releveur recrue aux balles de feu. Celui qui a confirmé la Série mondiale aux White Sox. Mais ce que je retiens le plus de Jenks ? Quand le gérant Ozzie Guillen l’invitait au monticule en mimant fois après fois les formes exagérées d’un gigantesque matamore. Il faut dire que Jenks, à 6 pi 4 po et 275 lb, n’était pas exactement un petit garçon. N’empêche.