Des compétitions annulées. Des inscriptions en chute libre. Des trésoreries à sec. Des milliers de mises à pied. La crise de la COVID-19 endommage sérieusement les finances de nos organisations sportives, m’ont confié les dirigeants d’une dizaine de fédérations québécoises.

« C’est majeur », résume Isabelle Ducharme, directrice générale de la Fédération de natation du Québec.

À son initiative, les fédérations viennent de sonder 1060 organisations locales — tous sports confondus. Les premiers échos laissent entrevoir le pire. Au plongeon, les clubs rapportent une perte moyenne de 35 000 $. En natation, la plupart des entraîneurs des 107 clubs de la province ont été mis à pied. En patinage artistique, c’est encore pire : 1700 instructeurs ont perdu une source de revenus.

Le soccer et le baseball sont aussi durement frappés par la crise.

« Nous sommes en pleine période d’inscription. Ça nous rentre dedans solide », explique le DG de Soccer Québec, Mathieu Chamberland. Sa fédération a déjà mis à pied huit contractuels. Soit le quart du personnel.

« Et plus on se rapproche de la base, plus les impacts sont gros. Dans nos clubs, il y a beaucoup d’employés permanents. Des DG, des directeurs techniques, des entraîneurs rémunérés. Un grand nombre de ces personnes ont perdu leur emploi. Ce sont des gens passionnés. On espère qu’ils reviendront après la crise. Mais c’est clair que ça fragilise le système. »

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La crise de la COVID-19 endommage les finances des organisations sportives comme Baseball Québec.

Son collègue à Baseball Québec, Maxime Lamarche, gère aussi la crise en pleine période de recrutement.

« Est-ce que c’est difficile ? Oui. On a suggéré à nos associations de rembourser les parents qui en feraient la demande. Pour les gens qui sont au chômage, ça peut faire une différence. Sauf que ça pose aussi des problèmes. Nos associations sont presque toutes des OBNL sans grandes liquidités. L’argent des premières inscriptions, en janvier, il est souvent déjà dépensé pour l’achat d’équipement. Il y a des associations qui ne pourront pas rembourser les parents. D’autres, avec des fonds d’urgence, vont mieux s’en sortir. Mais il y en a qui devront charger plus cher l’été prochain. »

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Un club sportif, c’est le ciment d’une communauté. Un carrefour où se croisent petits et grands. Où se forment des amitiés, des couples. Ou peut naître la passion d’une vie. C’est aussi là où sont formés les futurs champions nationaux et olympiques.

Certaines organisations misent sur des dizaines d’entraîneurs. D’autres survivent grâce à l’huile de coude d’une poignée de bénévoles. C’est toute cette structure qui est aujourd’hui fragilisée par la pandémie. Le monde de la natation semble être particulièrement à risque.

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La Fédération de natation du Québec a déjà annulé quelque 80 compétitions.

Isabelle Ducharme confirme avoir déjà annulé 80 compétitions, une quinzaine de championnats provinciaux et nationaux, ainsi que deux traversées internationales. Toutes des sources de revenus importantes pour les organismes locaux.

« Nous, la vague, elle va nous frapper trois fois », explique-t-elle.

« Comme le ski et le hockey, on a perdu la fin de notre saison [d’hiver]. Ensuite, on est dans le même bateau que le soccer et le baseball pour les inscriptions d’été. Puis on subira la troisième vague en septembre, comme tous les autres sports. » Elle fait ici référence aux projections des épidémiologistes, qui prévoient une recrudescence de la pandémie cet automne.

« Craignez-vous la disparition de clubs ?

– Complètement. Premièrement, pour des raisons financières. Deuxièmement : est-ce que les jeunes seront de retour en grand nombre à la piscine ? Je vais être très terre à terre. Aller jouer au ballon dehors, c’est une chose. Entrer dans un vestiaire, dans une piscine, quand on sait que le virus survit jusqu’à six jours dans un milieu humide, ça en est une autre. C’est une question qui s’en vient. Ensuite, est-ce que les coachs pourront toucher les nageurs ? Comment ça va fonctionner, en gymnastique ? »

Les gens n’ont pas encore pensé au retour. Ils croient que tout va revenir à la normale. Mais non.

Isabelle Ducharme, directrice générale de la Fédération de natation du Québec

La DG de la Fédération de cheerleading du Québec, Barbara Émond, partage les mêmes inquiétudes.

« Mettons que le concept de distanciation sociale, c’est un peu incompatible avec notre sport… On ne sait donc pas quand on pourra recommencer les activités. Quel sera l’impact sur nos inscriptions ? Est-ce que les parents voudront investir ? Au niveau compétitif, ça peut coûter entre 1000 $ et 3000 $ par année. Le taux de chômage [élevé] peut avoir un impact sur notre membership. »

À la fin du mois de mars, plus de 1,5 million de Canadiens ont déposé une demande d’assurance-emploi. Des centaines de milliers de familles doivent refaire leur budget. Réévaluer tous les postes de dépenses. Les activités sportives des enfants feront-elles partie des priorités dans trois mois, six mois, un an ?

Mathieu Chamberland, de Soccer Québec, craint la réponse. « Nous sommes conscients que beaucoup de personnes ont perdu leur emploi. Que le dollar-loisir n’est plus le même qu’avant. Une perte de revenus, c’est clair, ça peut devenir un frein à l’inscription. »

La situation dans chaque sport

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Water-Polo Québec espère relancer ses activités en août.

ATHLÉTISME
Marc Desjardins, DG de la Fédération : « Au niveau local, nos clubs vont perdre des revenus d’inscription. Comme ils sont gérés par des bénévoles, ils sont peut-être moins à risque. Des entraîneurs pourraient partir. On pourrait perdre une expertise. […] Pour la saison, on souhaite la décaler. La tenir en juillet-août-septembre, plutôt que mai-juin-juillet. »

BASEBALL
Maxime Lamarche, DG de Baseball Québec : « Si on a une saison, elle sera écourtée. C’est là-dessus qu’on travaille. Ce qui m’inquiète, c’est le jour où François Legault va autoriser le retour au jeu, les parents craindront-ils pour la sécurité de leurs enfants ? Au baseball, le frappeur, il est proche d’un receveur. Il n’y a pas toujours deux mètres de distance. »

CHEERLEADING
Barbara Émond, DG de la Fédération : « On a dû annuler notre championnat provincial [21-22 mars] à la dernière minute. C’est une perte de revenus importante pour la Fédération. Présentement, on procède au remboursement. On parle d’un montant entre 150 000 $ et 200 000 $. »

ESCRIME
Jean-Yves Pelletier, président de la Fédération : « On a une vingtaine de clubs à l’arrêt. Donc environ 50 entraîneurs privés de revenus. Par contre, notre membership est stable depuis plusieurs années. On a la chance d’avoir une clientèle très fidèle. Je suis confiant pour la suite. »

PATINAGE ARTISTIQUE
Any-Claude Dion, DG de Patinage Québec : « Les Championnats du monde, qui devaient être présentés à Montréal, ont été annulés. Pour nous, c’est une perte de visibilité immense. On devait aussi recevoir un legs financier de 2 millions. […] La crise est survenue juste avant la fin de la saison. Des clubs misaient sur leur gala pour faire des revenus. Tout a été annulé. Des organisations ont quand même dû assumer des frais non remboursables, comme l’éclairage. […] Notre saison de printemps est annulée. On ne pense pas avoir de revenus avant le mois d’août. Notre souhait, c’est que les arénas ouvrent en septembre. »

PLONGEON
Marco Berthelot, DG de Plongeon Québec : « Lundi, on a organisé une conférence virtuelle avec nos clubs. Ce n’est pas facile. Tout le monde se retrousse les manches. Le message envoyé par nos clubs, c’est qu’ils seront là au retour. On anticipe une reprise de certaines activités d’ici la fin de l’été. »

WATER-POLO
Olivier Bertrand, DG de Water-Polo Québec : « On est relativement optimistes. Le fait qu’on soit plus petit, ça nous permet de mieux gérer [la crise]. Il y a peu de postes permanents dans nos clubs. Pour les inscriptions, ça ne m’inquiète pas vraiment. Les gens qui jouent au water-polo sont vraiment des passionnés. On espère relancer nos opérations au mois d’août. »

HOCKEY
Hockey Québec a décliné notre demande d’entrevue.