Depuis plusieurs jours, le gouvernement Legault préparait une annonce importante. L’annulation de tous les évènements sportifs et culturels majeurs jusqu’au 31 août. Une bombe médiatique, qui nécessitait d’être manipulée avec soin.

Le problème ? Il y avait beaucoup trop de mains sur la bombe.

Celles des conseillers du ministère de la Culture. De l’Éducation. Du Tourisme. De la Métropole. Des gens de la Santé publique. Vendredi après-midi, quelqu’un a accroché la goupille. La bombe a explosé. Et éclaboussé les trois ministres chargées de l’annonce.

Je résume.

Vendredi saint, 15 h 07. Les ministres Caroline Proulx, Nathalie Roy et Isabelle Charest cosignent un communiqué dans lequel elles demandent « l’annulation des festivals, ainsi que des évènements publics sportifs et culturels prévus sur le territoire québécois pour la période allant jusqu’au 31 août 2020 ». Une surprise pour les dirigeants des équipes professionnelles et les DG des fédérations sportives, en jour férié. Tous cherchent à obtenir des précisions.

Qu’est-ce qu’un « évènement public sportif » ? La Coupe Rogers ? Un match des Alouettes ? Un tournoi de soccer pour enfants ?

La déclaration de la ministre déléguée à l’Éducation, Isabelle Charest, suggère un peu tout ça. « Notre priorité demeure de protéger la santé de la population, écrit-elle. Il est devenu évident que les manifestations sportives publiques ne pourront avoir lieu cet été […]. Outre ce type d’évènements, nous souhaitons que les jeunes puissent retrouver leur sport et leurs activités le plus rapidement possible. »

La critique n’a pas tardé. Sur les réseaux sociaux, des parents se sont déchaînés. Comment peut-on envisager de reprendre l’école avant le 4 mai, comme l’a indiqué le premier ministre, et deux heures plus tard, annuler toutes les activités sportives jusqu’au mois de septembre ?

Des précisions s’imposaient. Quelques minutes plus tard, Québec confirmait que les ligues pour enfants n’étaient pas visées par la mesure. « Ça concerne les évènements à grand déploiement qui réunissent beaucoup de monde », disait-on au gouvernement.

Une heure plus tard, coup de théâtre. Les clubs professionnels étaient à leur tour exclus de la directive. À une condition : respecter la limite de spectateurs imposée par Québec. Actuellement, elle est de 250.

Pourquoi cette exemption ? Québec ne voulait pas être la seule législation au Canada ou en Amérique du Nord à interdire des matchs. Un exemple concret : si l’Ontario levait les restrictions, mais pas le Québec, on voulait éviter que les Alouettes doivent disputer leurs parties locales à Ottawa.

Tout était déjà réfléchi. Sauf qu’entre les intentions et le communiqué, l’information s’est dissipée. Comme dans le jeu du téléphone arabe. Et c’est vraiment sorti tout croche, semant l’émoi tant chez les pros qu’au sein des familles.

Donc, qu’est-ce qui est annulé ? Reporté ? Maintenu ? En suspens ? Voici les informations en date de vendredi soir.

LA COUPE ROGERS

Le volet montréalais, qui devait être présenté du 8 au 16 août, est reporté, me confirme le directeur du tournoi, Eugène Lapierre.

« On va regarder s’il y a des possibilités en 2020. On travaille avec la WTA. Cela dit, il n’y a pas énormément de chances que ça arrive. À la fin de l’été, il y aura les Internationaux des États-Unis, puis Roland-Garros. Ça ne laisse plus beaucoup de glace pour Montréal. C’est cousu de fil blanc.

— Envisagez-vous de présenter le tournoi en 2021, avec les femmes ?

— Présentement, c’est le scénario qu’on regarde. Celui qui a le plus de sens. Ça demeure à confirmer. »

Et présenter les deux volets (féminin et masculin) à Toronto en même temps, cet été ? Ce n’est pas la première option. « Je serais très, très surpris. Jumeler les tournois, ce n’est pas une solution qui nous intéresse beaucoup à Tennis Canada. C’est plus avantageux financièrement pour l’organisation [de tenir la Coupe Rogers dans deux villes]. »

Pourquoi ne pas envisager des matchs à huis clos ? Parce que la logistique est trop complexe. Ça prend plusieurs centaines de personnes sur le site pour protéger, transporter, nourrir et prendre soin des athlètes. Un scénario plus réaliste, ce serait un mini-tournoi avec seulement des joueurs canadiens. « C’est faisable. Ça stimulerait l’intérêt des amateurs. Tout le monde aimerait voir ça. Ce serait agréable à faire. [Mais] je ne suis pas certain que ce soit si payant que ça. On va le regarder. Cela dit, lorsque ce sera possible de rejouer, peut-être que ce sera possible ailleurs aussi. Les joueurs pourraient être demandés ailleurs. »

CLUBS PROFESSIONNELS

Le Canadien, l’Impact, les Alouettes, les Capitales de Québec et les Aigles de Trois-Rivières pourront présenter des parties, à la condition de respecter les mesures de distanciation sociale imposées par le gouvernement.

Actuellement, les rassemblements de plus de 250 personnes sont interdits. Les équipes devraient donc jouer devant des stades presque vides. Ce n’est pas dans les plans de la Ligue canadienne de football. L’Impact évolue aussi dans une ligue très dépendante des revenus de billetterie. Des matchs à huis clos – ou presque – seraient étonnants.

Cette contrainte pourrait-elle être abolie cet été ? Non. « Ce sera probablement la dernière restriction levée », croit une source gouvernementale.

Autre enjeu : les frontières avec les États-Unis sont fermées jusqu’à nouvel ordre, sauf pour les besoins essentiels. Pour l’instant, les clubs américains ne peuvent pas venir au Canada. Et du côté de la LCF, 80 % des joueurs vivent aux États-Unis.

Bref, les chances que vous assistiez à une partie avant le mois de septembre sont minces.

AUTRES LIGUES

Comme je l’ai indiqué plus tôt, les ligues pour enfants (ou votre ligue de balle-molle) ne sont pas visées par l’annonce de vendredi. Est-ce à dire que les camps de soccer et de baseball reprendront la semaine prochaine ?

Non.

Ni les piscines ni les arénas ne rouvriront bientôt. Dans de nombreuses villes, les parcs restent fermés pour une durée indéterminée. Les déplacements entre les régions sont restreints, ce qui complique la logistique dans les ligues élites.

Concrètement, les associations devront recevoir le feu vert des autorités de santé publique pour reprendre leurs activités. Ce qui prendra assurément encore quelques semaines, dans le meilleur des cas.