(Los Angeles) Alors que les eaux glaciales malmenaient leur embarcation dans l’un des affluents les plus dangereux du monde, six hommes se sont battus pendant 13 jours pour entrer dans l’histoire en devenant les premiers à franchir le tristement célèbre passage de Drake avec rien d’autre que la force de leurs pagaies.

Ils ont esquivé des icebergs, ont retenu leur souffle lorsque des baleines géantes ont surgi près de leur petit bateau et ont surfé sur des vagues de la hauteur d’un immeuble en ramant 24 heures par jour vers l’Antarctique.

L’équipe de quatre hommes en provenance de quatre pays différents a terminé mercredi sa traversée, un peu moins de deux semaines après avoir quitté la pointe australe de l’Amérique du Sud.

« C’est vraiment une grande nouvelle dans l’histoire de l’Antarctique d’apprendre cela », a déclaré le géologue Wayne Ranney, depuis Flagstaff, en Arizona. Celui-ci a dirigé des expéditions en Antarctique et traversé le passage de Drake dans des navires motorisés plus de 50 fois. « Cent % de leurs progrès ont été réalisés avec ces 12 bras sur 600 milles (nautiques). C’est tout simplement phénoménal. Je ne peux même pas imaginer. »

Outre la menace qui pesait sur leur vie, les hommes ont dû travailler dans des conditions exténuantes. Leur embarcation de 29 pieds (9 mètres), nommée Ohana, devait constamment être en mouvement pour éviter de chavirer. Cela signifie que trois hommes ramaient pendant 90 minutes pendant que les trois autres se reposaient, toujours humides et frigorifiés.

« Vous ramez à l’intérieur d’une cale ouverte, des vagues de mer de 40 pieds vous éclaboussent le visage, de l’eau glaciale éclabousse par-dessus la proue », a décrit Colin O’Brady, l’un des six membres de l’équipage.

« C’était assez pénible, a reconnu à l’homme de 34 ans de Jackson Hole, au Wyoming. À la fin, on avait tous perdu une bonne quantité de poids et on délirait en raison du manque de sommeil. »

Les hommes ont utilisé un seau en guise de toilette. Pour se reposer, deux hommes devaient s’allonger épaule contre épaule dans un espace minuscule et le troisième reposait en position fœtale dans un espace encore plus restreint.

AP

Sur son compte Instagram, où il racontait le voyage, Colin O’Brady a comparé les nuits à « être coincé les yeux bandés dans une machine à laver où le temps s’est arrêté ».

« Vous êtes recroquevillé et coincé dans un petit coin, en essayant de fermer les yeux quelques minutes avant que l’alarme ne sonne et boom, vous recommencez à ramer », a relaté l’Américain.

La partie la plus difficile pour le partenaire d’O’Brady, Jamie Douglas-Hamilton, un Écossais d’Édimbourg a été le bombardement constant des éléments.

« On a été bousculé par des vents qui venaient de toutes les directions… et la mer ici, est très violente – c’est l’océan le plus agité du monde, a commenté le rameur de 38 ans. On est passé bien près de chavirer à plusieurs reprises, et le problème est que l’eau est si froide que si vous tombez, vous avez probablement deux à cinq minutes. »

Physiquement, Jamie Douglas-Hamilton a confié avoir souffert d’un mal de mer invalidant et d’engourdissements des mains et des pieds. À un certain moment, une sangle qu’il devait porter autour de ses chevilles en ramant a transpercé ses bottes pour lui entailler la peau jusqu’à l’os.

« C’était une réelle agonie », a-t-il soutenu.

Les autres hommes de l’expédition étaient : Fiann Paul, de Reykjavik en Islande ; Cameron Bellamy, de Cape Town en Afrique du Sud ; Andrew Towne, de Grand Forks au Dakota du Nord ; et John Petersen, d’Oakland en Californie.

Paul, Douglas-Hamilton et Bellamy sont des rameurs océaniques qui détenaient déjà des records, Towne est un champion rameur qui a gravi la plus haute montagne de chacun des continents, et Petersen était un rameur champion dans les rangs universitaires.

Sur son compte Instagram, où il racontait le voyage, Colin O’Brady a comparé les nuits à « être coincé les yeux bandés dans une machine à laver où le temps s’est arrêté ».

La chaîne spécialisée Discovery a également documenté le voyage en suivant l’équipage dans un plus grand bateau à moteur.