Première manche. Bris d’égalité. Félix Auger-Aliassime tirait de l’arrière 4-6. Karen Khachanov n’avait besoin que d’un point pour gagner le set.

C’est à ce moment que les spectateurs se sont donné la mission de protéger leur favori. À 11 700 contre 1. Le joueur québécois a réagi avec un coup du revers extraordinaire. Comme si le souffle de la foule avait poussé la balle dans un corridor hors de portée du grand Russe.

5-6.

Les partisans assis dans les hauteurs se sont mis à crier. La clameur est descendue jusqu’au terrain. Un tonnerre humain, qui a électrisé Félix Auger-Aliassime. « Je [n’avais] jamais entendu un stade crier comme ça. Un son comme ça. Une ambiance comme ça. C’était absolument incroyable. »

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Félix Auger-Aliassime

Il a enchaîné avec un puissant service, contre lequel son adversaire ne pouvait rien.

6-6.

La foule, déchaînée, s’est mise à scander « FÉ-LIX, FÉ-LIX, FÉ-LIX ». Tellement fort que les citoyens de Saint-Lambert ont dû tout entendre. « Lorsque j’ai changé de côté, à 6-6, je voyais le regard des gens. J’ai serré le poing. L’énergie que j’ai sentie, ça m’est venu [jusque] dans les jambes. C’était la première fois que je ressentais un truc comme ça. »

Au retour de la pause, Auger-Aliassime a pris les devants grâce à un as.

7-6.

C’était comment ? Je suis trop jeune pour avoir assisté à un combat de gladiateurs à Rome. Mais ça devait ressembler un peu à ça. Les fans sont devenus gagas. Deux jeux plus tard, Karen Khachanov en a perdu ses moyens. Il a sorti une balle de sa poche et l’a frappée par-dessus les tribunes. Jusqu’au terrain secondaire.

Sauf erreur, c’était le premier coup de circuit au parc Jarry depuis 1976.

Félix Auger-Aliassime a gagné le bris 9-7. Après ? Ça s’est moins bien passé. Il a perdu les deux manches suivantes 5-7, 3-6. Son tournoi est terminé.

Or, plus que la défaite, c’est ce moment de communion que nous retiendrons. Félix Auger-Aliassime est né ici. Il s’est entraîné ici. Il a visualisé des centaines de fois des gros matchs sur le Court central du stade IGA.

Le hasard a voulu que ses deux premières parties à Montréal soient disputées contre des joueurs canadiens. Les spectateurs s’étaient gardé une petite gêne. Mais pas hier.

Je lui ai demandé si ce soutien était fidèle à ses rêves de petit gars.

« Ça surpasse mes attentes. C’est difficile de se préparer pour des moments comme ça. J’avais vu Denis [Shapovalov] jouer ici il y a deux ans. Mais ce n’est pas la même chose quand tu es sur le terrain. Quand c’est toi qui es dans l’action. Le soutien que j’ai reçu était incroyable. C’est quelque chose que je n’ai jamais vu avant, jamais ressenti avant. C’était très touchant. Je vais m’en souvenir toute ma vie. »

Quelques minutes plus tard, Karen Khachanov s’est présenté dans la salle de presse. Le joueur russe a lancé des fleurs à Félix Auger-Aliassime. Et un gros pot aux spectateurs. Pas littéralement. Mais s’il avait pu, il l’aurait probablement fait.

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Karen Khachanov

« Je suis déçu de la foule. Ça ne me dérange pas qu’ils encouragent Félix. C’est normal. Nous sommes à Montréal, il est le favori local. J’aimerais que les Russes m’encouragent de la même façon [rires]. Mais quand même… [La foule ne devrait pas hurler] quand je rate un coup. Souhaiter que je fasse une erreur. Crier “out” pendant les points. Je pense que c’est irrespectueux. Ça m’a rendu fou. »

C’est vrai que des amateurs avaient abandonné leur esprit sportif sur le boulevard Saint-Laurent, quelque part entre la station de métro et le stand de BIXI. Deux fois, l’arbitre a dû rappeler à l’ordre des malotrus qui criaient « out » pendant les jeux.

Pour tout dire, on se serait cru dans un match des séries entre le Canadien et les Bruins. Avec Khachanov dans le rôle de Chara.

Sauf que ce que le Russe ignore, c’est que les Montréalais ont eu peu d’occasions de célébrer récemment. Dois-je vous rappeler que l’année dernière, ni le Canadien, ni l’Impact, ni les Alouettes n’ont participé aux séries ? Les amateurs de sports ont soif de fêtes. De victoires. De réussites.

De telles attentes peuvent être difficiles à encaisser. On devine le poids sur les épaules du jeune homme, qui fêtait hier son 19e anniversaire de naissance.

« C’est bien un peu d’avoir brisé la glace. Pour être honnête, maintenant que le tournoi est fini, je peux dire que la pression est quand même énorme. Je ne peux pas le cacher. Tout le monde en parle. C’est un gros tournoi pour moi. J’ai beaucoup grandi cette semaine. J’ai appris à me connaître un peu mieux encore. Ça a été enrichissant. C’est bien pour le reste de la saison. Pour les années à venir. »

Hier, ce n’était qu’un en-cas. Un match de troisième tour. Imaginez la réaction des Montréalais si Félix Auger-Aliassime devait gagner la Coupe Rogers dans deux ans.

Faudrait peut-être accélérer le chantier de la rue Sainte-Catherine.

Juste au cas où…

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Bojan Krkić, nouvelle acquisition de l’Impact de Montréal, a rencontré les médias montréalais, hier, aux côtés de son entraîneur Rémi Garde, ainsi que du président de l’équipe, Kevin Gilmore.

Une équipe excitante

Un petit mot sur le nouveau venu de l’Impact, Bojan Krkić. Il a rencontré les médias hier. On a appris que c’est son entourage qui a lancé les discussions, il y a environ deux semaines. Le président Kevin Gilmore, qui avait déjà un voyage planifié en Italie, lui a donné rendez-vous à Bologne. Ça a cliqué. Il restait à convaincre le club anglais de Stoke City de libérer ses droits. Rien de très compliqué, l’équipe cherchait à réduire sa masse salariale.

J’ai bien hâte de voir Krkić et Ballou Tabla se joindre au reste de l’effectif sur le terrain. Il y a un mois, l’Impact peinait à trouver 18 joueurs pour disputer un match. Aujourd’hui, c’est un club avec un fort potentiel offensif, qui pourrait surprendre cet automne. Et mettre fin à la disette des clubs montréalais exclus des séries.