La saison d’alpinisme sur le mont Blanc bat son plein. Les alpinistes convergent vers le plus haut sommet d’Europe occidentale, notamment en provenance du refuge du Goûter et du refuge des Cosmiques.

Une récente étude révèle qu’un alpiniste sur trois prend des médicaments pour réaliser cette ascension. Mais contrairement à l’hypothèse de départ des chercheurs français et italiens qui ont réalisé l’étude, il ne s’agit pas de drogues pour améliorer la performance physique. On parle plutôt de médicaments visant à contrer les effets de l’altitude et de somnifères. Ce qui n’est pas nécessairement rassurant.

« Dans cet environnement dangereux, l’utilisation relativement fréquente d’hypnotiques doit être soulignée parce que ces molécules peuvent avoir un impact sur la vigilance », écrit l’équipe de chercheurs, qui comprend notamment Paul Roback, de l’École nationale des sports de montagne de Chamonix, Françoise Lasne, de l’Agence française de lutte contre le dopage, et Monica Mazzarino, du laboratoire antidopage de la Fédération italienne de médecine du sport.

L’équipe s’inquiète également au sujet des interactions entre les différents médicaments que prennent les alpinistes.

« Cela pourrait affecter leur sécurité dans cet endroit dangereux. »

Enfin, l’utilisation de médicaments visant à contrer les effets de l’altitude, comme le Diamox, pourrait être vue par certains comme du dopage « parce qu’elle pourrait améliorer la performance à haute altitude en diminuant les chances de tomber malade ».

Échantillonnage

La façon dont les chercheurs ont recueilli l’information sur l’usage de médicaments est particulièrement intéressante.

À l’origine, l’étude visait à mesurer l’utilisation de substances susceptibles d’améliorer la performance. Or, bien des gens cherchent à cacher une telle utilisation, ce qui aurait pu fausser les résultats.

« Afin de réduire cette distorsion, les participants n’ont pas été informés de l’étude et on n’a pas cherché à avoir leur consentement », indique l’équipe de chercheurs.

À l’été 2013, les chercheurs ont installé subrepticement un système de collection automatique d’échantillons d’urine dans certains urinoirs du refuge du Goûter et du refuge des Cosmiques. Ils ont simplement placé une affiche à l’entrée des toilettes, en anglais et en français, pour faire savoir que des échantillons d’urine pourraient être pris au hasard pour analyse, sans spécifier le but de ces analyses.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des alpinistes passent près d’une crevasse sur le glacier des Géants, tout près du sommet du mont Blanc.

Comme le système ne peut pas fonctionner dans des toilettes où l’urine est systématiquement mélangée à de l’eau, il n’a pas été possible d’inclure de femmes dans l’étude.

À la fin de l’été, on a découvert la présence de médicaments dans 35,8 % des 430 échantillons recueillis, soit 31,4 % des échantillons provenant du refuge des Cosmiques et 38,3 % de ceux provenant du refuge du Goûter.

Pas moins de 20,6 % des échantillons contenaient des traces d’acétazolamide (Diamox) et 8,4 % contenaient des traces de zolpidem, un hypnotique.

On a trouvé très peu de traces de glucocorticoïdes (des anti-inflammatoires) et de stimulants. Donc, peu de traces de substances pouvant améliorer la performance.

Les chercheurs soulignent toutefois que l’utilisation de somnifères peut être nuisible, même si l’insomnie est un problème fréquent à haute altitude.

« Les hypnotiques peuvent causer des problèmes aux alpinistes lorsque le réveil survient rapidement après la prise du médicament (typiquement, on parle de quatre à cinq heures plus tard parce que les alpinistes quittent généralement les refuges de trois à quatre heures avant le lever du soleil). Il peut donc y avoir un effet négatif à un moment où un haut niveau de vigilance est nécessaire. »

Kilimandjaro

Les chercheurs estiment également que le pourcentage d’utilisation d’acétazolamide est élevé. Ils notent qu’une étude sur l’utilisation de ce médicament sur le Kilimandjaro montre aussi une très forte utilisation, soit 33 % des grimpeurs sondés.

Or, cette dernière étude indique que ceux qui prennent de l’acétazolamide afin de contrer le mal des montagnes ont autant de risques de tomber malades que ceux qui n’en prennent pas. Seuls ceux qui s’acclimatent plus longtemps à la haute altitude réduisent leurs risques de contracter le mal aigu des montagnes.

Une ascension rapide est une cause reconnue de ce mal.

« Le mont Kilimandjaro combine un accès facile à un impératif financier à monter rapidement, compte tenu des tarifs élevés prélevés par le parc, écrit l’équipe qui a réalisé cette étude, provenant essentiellement de l’Université d’Édimbourg. À 5895 m, le Kilimandjaro est la plus haute montagne isolée du monde. Les grimpeurs ont donc moins l’occasion de s’acclimater avant d’arriver à l’entrée du parc. »

Le mont Blanc est également une ascension « haute et rapide », soit près de 4000 m en 24 à 48 heures.

« L’efficacité de l’acétazolamide pour de telles ascensions demeure incertaine », écrit l’équipe de Paul Robach.

En outre, ce médicament peut avoir des effets secondaires. Comme il s’agit d’un diurétique, il force les alpinistes à uriner plus souvent, ce qui peut exagérer des problèmes de déshydratation.

Environ 35 000 personnes tentent l’ascension du mont Blanc chaque année.

« Des éléments donnent à penser que plusieurs de ces personnes n’ont pas l’expérience, la condition physique ou les habiletés requises, ou sont insuffisamment acclimatées, écrit l’équipe. Pour éviter le mal des montagnes et l’épuisement, et ultimement améliorer leurs chances d’atteindre le sommet, plusieurs alpinistes peuvent utiliser des médicaments, avec ou sans ordonnance. »

Drug Use on Mont Blanc : A Study Using Automated Urine Collection, Paul Robach et al.

Incidence and predictors of acute mountain sickness among trekkers on Mount Kilimanjaro, Stewart Jackson et al.

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